17 : Le Petit Pont
Avec le Grand Pont, aujourd'hui Pont Notre-Dame (cf.18), c'est le plus vieux pont de Paris (le pont Neuf, cf.21, est le plus vieux dans sa construction d'origine).
Sa mention la plus ancienne date de Lutèce, il est la prolongation vers l'île de la Cité du cardo maximus, autrement dit l'axe nord-sud qui traversait la ville (l'actuelle rue Saint-Jacques) ; le Grand Pont permettant, lui, de joindre l'île à la rive droite.
Grand et Petit Pont étaient fait de bois et exposés aux crues, aux débâcles, aux incendies et à la vétusté, ainsi qu'aux attaques normandes (cf.20) ; en 877, Charles le Chauve renforce les défenses de l'île de la Cité et fait édifier une fortification pour protéger l'entrée du pont, le Petit Châtelet (et le Grand Châtelet sur l'autre rive).
Les deux ponts sont détruits en 1111 au cours d'un raid mené par le baron anglo-normand, Robert de Meulan. Le Petit-Pont est reconstruit au même endroit tandis que le Grand Pont sera reconstruit un peu plus à l'ouest (cf.20).
A nouveau reconstruit en 1185 par Maurice de Sully, l'évêque de Paris, le Petit-Pont est à nouveau écroulé par une crue en 1196. Le pont connaîtra neuf autres destructions jusqu'en 1818, ainsi, en 1280 : « la rivière de Seine fut si grande à Paris, qu'elle rompist la maistresse arche du Grand Pont, une partie du Petit Pont & encloyt toute la ville, qu'on n'y Pouuiot entrer sans basteau. »
Après un nouvel ouvrage décidé par Charles VI à la fin du XIVe siècle (et financée selon une méthode qui a fait ses preuves au Moyen Age, condamner des Juifs à payer une forte amende), lui-même détruit par la débâcle du 31 janvier 1408, le Petit Pont connaît une nouvelle version en 1409, mais en pierre cette fois-ci, avec participation financière du pouvoir royal et de la Ville.
C'est à partir de cette époque que des maisons vont s'installer sur le pont, à commencer par des boutiques d'apothicaires aux abords de la rue du Marché-Palu, l'actuelle rue de la Cité, à proximité de l'Hôtel-Dieu (cf.15). En 1702, il possède 26 maisons.
Le Petit-Pont sur le plan de Truschet et Hoyau (1550).
Le Petit-Pont en 1609 avec deux rangées de maisons symétriques
Le Petit-Pont en 3D, vu par la société GrEz
L'incendie d'avril 1718
Le Petit-Pont en 1717, un an avant ; il a déjà connu plusieurs sinistres (1449, 1649, 1651, 1659) après lesquels on rétablit d'abord la communication par un édifice en bois remplaçant la partie manquante puis on le reconstruit en dur avant que les maisons réapparaissent.
En 1718, le Petit-Pont était dans cette phase de reconstruction, entouré d'échafaudages, lorsqu'il connut un terrible incendie provoqué par la dérive de deux barques chargées de foin.
"à sept heures un quart du soir, on vit descendre deux grands bateaux enflammés et chargés de foin. On coupa imprudemment les cordes au-dessous du pont de la Tournelle ; les deux brûlots, libres alors, se suivirent de près et s'arrêtèrent sous une arche du Petit-Pont ; malgré la promptitude des secours, le feu se manifesta aussitôt dans la maison d'un marchand de tableaux, près du petit Châtelet ; l'incendie augmentant d'intensité, le pont et les maisons s'écroulèrent dans les flots. "
L'incendie vu par Jean-Baptiste Oudry (Carnavalet)
La cause ? selon la plupart des historiens, une mère dont l'enfant s'était noyé au-dessous du pont de la Tournelle, crut la fable selon laquelle il fallait mettre un cierge sur une planchette et le laisser dériver jusqu'à ce que la planchette s'arrête, ou que le cierge s'éteigne, là où était le corps de son enfant. Le cierge n'était pas éteint lorsqu'il rencontra une barque de foin.
L'incendie dura trois jours et, fort heureusement, ne se propagea pas aux autres quartiers (on avait, par prudence, évacué les malades de l'Hôtel-Dieu tout proche).
Parmi les 22 maisons qui brûlèrent, celles de deux notaires et celles qui comportaient les boutiques de grands marchands d’étoffe, de dentelles et de galons d’or : A la Croix d’Or, A la Tête d’Or, Au Saint-Esprit, A l’Annonciation, les Trois Croissants, aux Deux Anges, A l’Enfant-Jésus.
On ordonna qu'il serait fait dans toutes les paroisses de la ville et des faubourgs de Paris une quête générale pour subvenir aux premiers besoins de ceux qui avaient été ruinés.
Le pont fut reconstruit en 1719, à trois arches et une largeur augmentée de six mètres, mais sans maison dessus !
Le Petit-Pont sans maison, au moment d'un autre grave incendie, celui de l'Hôtel-Dieu en 1772 (Carnavalet)
Vers 1830 (au fond, la passerelle Saint-Charles, cf.15, et la salle Saint-Charles sur le pont au Double, cf.15)
Le Petit Pont vers 1850
Le pont le plus fréquenté de Paris
Au temps de saint Louis, le Petit-Pont est l'endroit de Paris où la circulation est la plus intense. On raconte qu'un paysan mit une journée entière à se décider à le traverser ; jusqu'en 1378, date de construction du pont Saint-Michel (cf.19), il était le seul pont permettant d'accéder à la Cité depuis la rive gauche.
« Payer en monnaie de singe » : il faut s’acquitter d’un péage pour le traverser. Seuls les baladins et montreurs de singe en étaient exemptés, pour pouvoir aller distraire les habitants du palais. Pour passer sans payer, les saltimbanques devaient prouver leurs talents en faisant devant les gardes quelques tours avec leurs singes, d'où l'expression ...
Le pont actuel date de 1853 et reste le plus petit de Paris.
Le Petit Pont et Notre-Dame par Georges Tourasse 1939
Vidéo : le Petit Pont vers 1912