20 : Pont au Change
Naissance due aux invasions normandes ?
Au cours du IXe siècle, les deux vieux ponts de Lutèce, le Grand-Pont (cf.18) et le Petit-Pont (cf.17), vont subir les assauts des Normands qui remontent la Seine sur leurs drakkars, pas moins de cinq à partir de 845, jusqu'au terrible siège de 886.
Pour se prémunir contre les invasions normandes, Charles le Chauve fait édifier en 877 une digue défensive faite de piliers de pierre et d’un tablier de bois. C’est un peu l’origine du Pont-au-Change, ce qui était protection de pont devient pont. Alors que le vieux pont romain est réduit à une passerelle de planches de bois, les "planches de Mibray" (cf.18), la digue reçoit un tablier permettant le passage.
Solide et bien entretenu, le subit pourtant des dégâts lors de la crue de 1280 : « L'an mil deux cens quatre vingts, la riuière de Seine fut si grande à Paris, qu'elle rompist la maistresse arche du Grand Pont, vne partie du Petit Pont & encloyt toute la ville, qu'on n'y Pouuiot entrer sans basteau », puis une nouvelle crue en 1296.
Cette même année, Philippe le Bel fait alors construire un pont de pierre un peu en amont du pont de planches, et légèrement en biais, une astuce royale qui permet de changer la propriété du pont, passant de l’évêque au monarque.
Le Pont-au-Change
L'abandon de l'ancien emplacement du grand pont est dû à l'évolution de Paris sur sa rive droite: la rue Saint-Denis, qui fait face au nouveau pont, a supplanté la rue Saint-Martin, grâce au développement économique de la Normandie, de l'importance de la foire du Lendit puis du déplacement du "marché" de Paris, de la place de Grève vers les nouvelles Halles.
Ce pont doit son nom aux changeurs et orfèvres qui s'établirent sur le pont sur ordonnance de Louis VII à la fin du XIIe siècle. Les « courtiers de change », y tenaient leur banc pour changer les monnaies, ils contrôlaient et régulaient les dettes des communautés agricoles pour le compte des banques. Joailliers, orfèvres et changeurs y installent ensuite leurs boutiques.
Le pont en 1550
Le pont des entrées solennelles
Autre facteur de succès du Pont-au-Change : il est emprunté par les rois ou les reines pour se rendre à Notre-Dame après leur sacre dans la basilique Saint-Denis, moment de fêtes grandioses dans la capitale. L'entrée solennelle d'Isabeau de Bavière laissa un souvenir vivace dans la capitale : au niveau du pont au change, par lequel elle traversa la Seine, on avait affiché un tissu bleu avec de nombreuses fleurs de lys ; un funambule génois descendit sur un fil de fer reliant le haut d'une tour de Notre Dame au pignon d'une maison du pont et laissa glisser une couronne au-dessus de la tête de la reine lorsque celle-ci passa sous lui. Après quoi; il remonta au haut de la tour, 2 cierges allumés comme balanciers et la vue de ces 2 étoiles s'élevant dans le ciel remplit la foule de stupéfaction. Les oiseliers étaient alors tenus de lâcher au passage du cortège, 200 douzaines d’oiseaux en contrepartie de l’autorisation qui leur avait été donnée de tenir leur commerce sur ce pont les dimanches et jours de fêtes.
Ce n'était pas un angelot mais un funambule
Le pont en 1577
Les inondations continuent
Le pont perd deux piliers lors de la crue de 1616, on retrouva des meubles de ses maisons à Saint-Denis. Cinq ans plus tard, il est détruit une nuit d'octobre par la propagation de l'incendie du pont Marchand, détruisant à nouveau la cinquantaine de maisons (cf.20.1) tout proche. Les deux ponts sont remplacés par un pont provisoire, le "pont de Bois", avant sa reconstruction en pierre.
Le pont de 1647
Financé par les joailliers et les orfèvres, sa reconstruction dura de 1639 à 1647.
Il est édifié selon les dessins de Jean Androuet du Cerceau, auteur entre autres de l'escalier en fer à cheval du château de Fontainebleau, un large pont en maçonnerie sur sept arches.
À cette occasion, un monument à la gloire du jeune Louis XIV et de ses parents est érigé en face de son extrémité sur la rive droite, monument détruit en 1786-87, en même temps que le pont est débarrassé de ses maisons.
Le monument faisant face à l'entrée du pont, sur la rive droite
La destruction des maisons, tableau de Hubert Robert (Carnavalet)
Le pont actuel
Le pont actuel fut construit de 1858 à 1860 de façon à se trouver exactement dans l’axe du boulevard du Palais que venait d’aménager Haussmann.
Le pont de 1647 en 1854, quelques années avant sa destruction
La passerelle provisoire après la destruction du pont de 1647 (1857-1859)
La construction du pont en 1859
Vidéo : le Pont au Change vers 1912