23 : Victor Chocquet
198, rue Rivoli
Renoir - Portrait de Chocquet, 1875
Collectionneur passionné, petit rentier, il économise même sur ses vêtements pour acheter des tableaux ; il trouve le moyen, en suivant attentivement les ventes aux enchères, d’acquérir une belle collection d’aquarelles et plusieurs toiles de Delacroix, ou encore des œuvres de Courbet et de Daumier.
Il occupe un poste subalterne au Ministère des Finances et habite un appartement sous les toits au 198, rue de Rivoli.
En mars 1875, après l’échec commercial de ce qu’on appelle désormais la Première exposition impressionniste (cf.20) il est l’un des soutiens des peintres lors de la mise aux enchères de nombreux tableaux invendus à l'Hôtel Drouot, laquelle se fait sous les huées et au prix moyen de 100 fr.
A la vue de La Loge, il a l’idée de passer commande à Renoir du portrait de sa femme, de quinze ans sa cadette (et en voie d’hériter d’une fortune importante).
Renoir - La Loge, 1874, Courtauld Institue Art, Londres
Renoir - Madame Victor Chocquet, 1875, Staatsgalerie, Stuttgart
Renoir sympathise avec le collectionneur et l’incite à acheter un tableau de Cézanne, Les Baigneuses nues, une toile qui risque de choquer madame Chocquet.
Baigneuses, 1875, Metropolitan Museum of Art, New York
Renoir et Choquet vont utiliser un stratagème : le peintre arrive avec le tableau sous le bras, « Oh ! quel curieux petit tableau ! » dit Chocquet en élevant juste la voix pour que sa femme l’entende. En partant, Renoir oublie le tableau.
Quelque temps plus tard, Renoir présente Cézanne au collectionneur, dans sa tenue négligée habituelle ; Chocquet lui présente sa collection de Delacroix, ils sont faits pour s’entendre.
Cézanne et Renoir feront plusieurs portraits de leur ami.
Cézanne – Portrait de Victor Chocquet, 1877, Columbus Museum of Art
Cette même année et la suivante, Claude Monet s’installe au balcon pour peindre une série de tableaux sur le Jardin des Tuileries.
Monet - Les Tuileries, 1876, musée Marmottan
Victor Chocquet est un ardent propagandiste de l’impressionnisme, présent à toutes les expositions ; les violentes critiques de la presse ne le découragent pas malgré ses modestes revenus (ce n’est qu’en 1882 qu’il hérite de sa belle-mère).
A la fin de sa vie, sa collection considérable comprend notamment 32 tableaux de Cézanne ; elle est dispersée à sa mort et se retrouve en grande partie dans les musées américains.
D’autres mécènes
Ils ne sont pas nombreux à croire en ces peintres qui allaient révolutionner la peinture :
Van Gogh – Portrait du Dr. Gachet, 1890, coll. privée
Le docteur Gachet : à Paris, il a comme patiente la mère de Camille Pissarro. Lorsqu’il achète sa maison d'Auvers-sur-Oise en 1872, il aide Pissarro et sa famille à trouver un logement à Pontoise, bientôt rejoint par Cézanne que le docteur avait rencontré au café Guerbois (cf.09). Les deux artistes travaillent fréquemment dans l'atelier du Docteur, dont la maison est également fréquentée par Daubigny, Camille Corot et, plus tard, par Van Gogh, bien sûr.
Georges de Bellio en 1865
Georges de Bellio : médecin homéopathe d’origine roumaine doté d'une fortune confortable. Très ami avec Degas, il devient le médecin de Renoir, Manet, Monet, Pissarro et Sisley. Il achète son premier Monet lors de la première exposition des Impressionnistes et, plus tard, le fameux Impression, soleil levant (cf. ci-dessous). Non seulement acheteur, il est aussi soutien financier et sera un grand ami de Monet.
La collection de Bellio est conservée au musée Marmottan.
Ernest_Hoschedé gravé par Marcellin Desboutin, Gallica
Carolus-Durant – Alice Hoschedé, 1878, Museum of Fine Arts, Houston
Ernest Hoschedé (et Alice) : Ernest Hoschedé est un important négociant en textile et lingerie de luxe, commanditaire dès 1873 de nombreux peintres dont Edouard Manet et Claude Monet.
Il est le premier acquéreur d’Impression, soleil levant, pour un prix de 800 francs lors de la vente de 1875 à l’Hôtel Drouot.
Les Dindons, 1877, musée d'Orsay
(le château de Rottembourg en arrière-plan)
En 1876, Hoschedé charge Monet de décorer le salon du château de Rottembourg à Montgeron, héritage de sa femme, Alice. Des liens vont se tisser entre Monet et Alice, tels qu’on se demande si le sixième fils d’Alice ne serait pas celui de Claude Monet.
En 1878, Ernest doit se résoudre à la vente aux enchères pour motifs judiciaires de sa propre collection, soit 138 œuvres, dont des Sisley, Renoir, Manet, Morisot, Pissarro et Impression soleil levant, vendu à Georges de Bellio pour 210 francs !
Cette même année, Alice et ses enfants accompagnent la famille Monet lorsqu’elle s’installe à Vétheuil. C’est après la mort de Camille Monet que la situation devient confuse : Ernest est à Paris tandis qu’Alice justifie sa présence auprès de Monet par la nécessité d’élever les deux jeunes fils de l’artiste. Monet et Alice (avec l'ensemble de leurs huit enfants) vivent ensemble à Poissy à partir de 1881, puis à Giverny, à partir de 1883. Alice épouse Monet le 16 juillet 1892, après la mort d’Ernest l’année précédente.
Parmi les mécènes, n’oublions pas le Père Tanguy (cf.18), l’injustement oublié Eugène Murer (cf.28), ainsi que l’éditeur Georges Charpentier qui deviendra ami intime de Renoir et, bien sûr, Gustave Caillebotte (cf.35)