01 - Juillet 1940 – Les Allemands prennent le contrôle de Radio-Paris
116-118, avenue des Champs-Elysées
Chapitres :
Brève histoire de la Radio à Paris
Radio-Paris, la radio de la Propaganda-Abteilung Frankreich
Brève histoire de la Radio à Paris
Emile Giraudeau, patron de la Compagnie Générale de TSF (CSF) et de la Société Française Radioélectrique (SFR), fabricant des premiers postes récepteurs français sous la marque Radiola, installe le premier émetteur de radio à Levallois et un studio boulevard Haussmann.
Les premières émissions sont diffusées à partir de novembre 1922 chaque jour de 20h45 à 22h00. La station privée prend naturellement le nom de Radiola et son premier speaker, Marcel Laporte, est « Radiolo ».
En Mars 1924, Radiola devient Radio Paris suite à son rachat par un regroupement d'actionnaires dont Havas, Gaumont et la Banque de Paris et des Pays Bas ; elle est nationalisée en 1933 (les anciens propriétaires réinvestissent rapidement dans la création d’une station, Radio Luxembourg).
Cette même année 1924, Paul Dupuy, directeur du journal Le Petit Parisien, « le plus fort tirage des journaux du monde entier », écoute la première émission de sa propre station de radiodiffusion, le Poste Parisien (30 mars 1924) ; un poste qui peinera à trouver son auditoire.
Radio-Paris, la radio de la Propaganda-Abteilung Frankreich
13 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris. Le Poste Parisien arrête ses émissions ce même jour et saborde ses installations techniques. Radio-Paris se tait quelques jours plus tard, le 17 juin.
En juillet 1940, les émetteurs de la zone occupée passent sous contrôle allemand, les locaux de Radio-Paris sont investis. Avec des moyens financiers importants, la radio de la Propaganda-Abteilung Frankreich commence à émettre dès le 5 juillet 1940, en usurpant le nom de Radio Paris mais à partir des studios du Poste Parisien, 116-118, Champs-Elysées.
La puissance de diffusion est augmentée de façon à ce que la propagande nazie puisse être entendue dans l’Europe entière et en Afrique du Nord.
Le Poste Parisien, siège de Radio-Paris
Paul Edmond Decharme, reporter du Poste Parisien, devient le rédacteur en chef du Petit Parisien qui entre dans la collaboration - « Le Petit Parisien répudie les hommes et les coutumes qui l'ont jeté dans l'abîme... » ; les rédacteurs juifs sont exclus du Journal.
Le Poste Parisien est autorisé à la diffusion le 8 octobre 1940. Les services de sténo-radio et de propagande sont dirigés par Gilbert Cesbron.
A Radio-Paris, les prestations de Tino Rossi ou Maurice Chevalier succèdent aux concerts du Grand Orchestre de la station et aux billets des commentateurs aux ordres, tels le peu crédible Jean Hérold-Paquis qui martèle : L'Angleterre, comme Carthage, sera détruite ! ou le redoutable Philippe Henriot, la « voix d’or », exécuté par la Résistance le 28 juin 1944 (cf. 50). On peut aussi profiter des conférences d’un journaliste allemand, le docteur Friedrich.
Une émission de Radio-Paris relatée par La France, journal francophone édité à Londres (retronews.fr)
Et à Vichy ?
La convention d'armistice interdit toute émission de radio française en zone occupée ; en zone libre, toute émission est soumise à autorisation spéciale. Pétain obtient l’autorisation de créer deux radios, Radio national en 1940 – dite Radio-Vichy, émettant depuis le casino de la ville - et La Voix de la France en 1941.
Les thèmes ressassés à longueur de journée dans un style bavard et académique, des divertissements poussifs et les informations censurées, le tout doté d’une diffusion de médiocre qualité, ne lui permettent pas de rivaliser avec Radio Paris et Radio Londres, « Il n'y a guère que les discours de Pétain et de Laval pour retenir l'attention d'un public ».
Radio Londres
Radio Londres fut créée le 19 juin 1940, après l'enregistrement du fameux discours du Général de Gaulle.
La BBC décida de regrouper toutes les émissions de langue française ; quatre bulletins étaient déjà diffusés quotidiennement par la BBC depuis septembre 1939.
Deux équipes ont fait radio Londres : « Honneur et Patrie » sous la houlette de Maurice Schumann était la voix de la France Libre, tandis que celle de l’émission « Les Français parlent aux Français », plus connue par ce fameux slogan, était dirigée par Jacques Duchesne, sous le contrôle du gouvernement britannique.
Les missions de Radio Londres :
Informer les auditeurs sur la réalité des combats, ne pas camoufler la réalité, démonter la propagande de Radio Paris et Radio Vichy. Six bulletins d’information étaient émis quotidiennement.
Par des chroniques régulières, soutenir le moral des Français, maintenir l’espoir d’une libération prochaine : Maurice Schumann, l’une des « voix de la liberté » interviendra plus de 1000 fois dans « Honneur et Patrie », de Gaulle interviendra 67 fois et Pierre Brossolette à 38 reprises, rendant un vibrant hommage aux « soutiers de la gloire » le 22 septembre 1942.
Fustiger les traîtres, harceler les apôtres de la collaboration par un humour acerbe et percutant au travers de sketches, de chansons, parfois détournées, et des fausses publicités.
Quelques-uns de Radio Londres :
Maurice Schumann, fils d'un industriel du textile d'origine juive alsacienne. Membre de la SFIO qui s'embarque pour l'Angleterre le 21 juin 1940. Il quitte Londres en 1944, pour rejoindre l’armée britannique puis la 2e D.B.
Jacques Duchesne, de son vrai nom Michel Saint-Denis, homme de théâtre, qui était à Londres à la tête de son école d'art dramatique, le London Theatre Studio.
Geneviève Brissot (Geneviève Wiesner), dirigeait les programmes de la jeunesse diffusés le samedi après-midi.
Pierre Bourdan, Pierre Maillaud, journaliste, officie à Radio Londres de juillet 1940 à juin 1944. En 1944, il devient correspondant de guerre auprès de la division Leclerc avec laquelle il entre dans Paris.
Jean Marin, de son vrai nom Yves Morvan, journaliste qui sera président de l'Agence France-Presse de 1954 à 1975. Il est, en juin 1940, correspondant pour l'agence Havas à Londres depuis un an ; il sera, jusqu'en 1943, l'une des voix de l’émission « Les Français parlent aux Français ». En 1944, il est de la Libération de Paris avec la IIe D.B.
Paul Gordeaux, critique littéraire et théâtral, est détaché à Londres comme envoyé des journaux du groupe Prouvost (il y rencontre son confrère Winston Churchill qui allait devenir Premier Ministre) ; il est nommé chef des traductions des journaux étrangers et participe au pied levé à « Les Français parlent aux Français ». Rapatrié, il entre dans un réseau de résistance niçois.
Jean Oberlé, peintre et illustrateur, se trouve dans les locaux de la BBC avec Jean Marin et Paul Gordeaux quand le Général de Gaulle prononce le fameux discours que si peu ont entendu. Créateur de nombreux slogans, dont le fameux : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand », sur l’air de la Cucaracha.
Extraits du journal de Jean Guéhenno :
15 décembre 1940 : Hier soir, vers 9h30, je prends Vichy à la radio, tout juste à l’instant où le Maréchal Pétain achevait de lire un nouveau message aux Français. J’enrageais. J’en avais pourtant assez entendu pour comprendre que M. Flandin remplaçait M. Laval au ministère des Affaires étrangères, et que M. Laval n’était plus « dauphin ». Le Maréchal assurait d’ailleurs la France … et M. Hitler qu’il n’avait dû se séparer de M. Laval que pour des raisons de « politique intérieure », que la politique étrangère de la France ne serait de ce fait modifiée. [..] Ce matin, je me précipite chez le marchand de journaux. Ils arrivent enfin avec deux grandes heures de retard. Pas un mot de Laval, pas trace du message du Maréchal. Mais une grande nouvelle, une nouvelle inouïe qui doit faire bondir le cœur de tous les Français : les cendres du duc de Reichstadt sont ramenées de Schönbrunn à Paris. [..] Hilarant ! [..] A 1h30, j’espère que la radio de Vichy du moins complètera ces informations d’hier soir. Mais rien. Elle n’en souffle pas mot. Il est clair qu’après son coup d’éclat, le Maréchal a un peu peur. Il parle de nouveau. Mais ce n’est que pour adresser un message aux seuls Parisiens à propos du duc de Reichstadt … et pour remercier de nouveau M. Hitler …
29 décembre 1940 : Il faudrait avoir la patience d’écouter un peu assidûment la radio de Vichy et surtout les conférences, les reportages pour la jeunesse, pour la famille. Des voix hypocrites, les mêmes qui lisaient, il y a deux ans, les déclamations impies du Front populaire, s’appliquent à lire avec onction les sermons sur le travail, la famille, la patrie, la religion. Il semble que ce soit toujours le même Tartuffe qui parle. Les mêmes gnagnaneries familiales, artisanales, religieuses, folkloriques interminablement coulent comme un filet d’eau sale. Cette eau sale, comme un baptême, doit nous regénérer. Avant-hier soir, radio-reportage à la Grande Chartreuse ! On sait que les Chartreux sont rentrés en France derrière les armées de Hitler.
16 juin 1941 : J’ai chronométré. Je ne peux pas résister plus de trois minutes à la Radio de Vichy. La bêtise sermonne et grasseye à longueur de journée. Rien ne peut donner idée de la voix des speakers. Tous ont la même, une voix onctueuse et chantante. […] C’est Tino Rossi du matin au soir. Il vocalise sur le Travail, la Famille, la Patrie, la Collaboration.
22 juillet 1944 : Attentat contre Hitler. Raté. […] J’ai pris ce soir Berlin, à la radio, au moment même où on faisait défiler devant le micro des ouvriers déportés, un Français, un Tchèque, un Danois, un Serbe, un Croate… qui tous débitaient le même boniment et dans un mauvais allemand disaient « leur profonde satisfaction que le Führer vive encore pour le bonheur de l’Europe. »
9 août 1944 : Avant-hier soir, extraordinaire discours à Radio-Paris d’un « soldat allemand », un soldat à lunettes sûrement et plusieurs fois docteur. Il nous a mis en garde contre les apparences, contre les communiqués naïfs de victoire des alliés. La vérité est que cette guerre est « ondulatoire ». Nous sommes à la fin de la deuxième ondulation et au commencement de la troisième […], la dernière, qui se terminera par la victoire allemande. Les nouvelles armes allemandes, secrètes encore, seront les moyens de cette victoire. 14 août : le même soldat allemand, ce docteur, nous a appris que les Français se méfiaient de la lourdeur allemande ; il joue la légèreté, s’évertue à la plaisanterie, et patauge. Entre autres histoires qu’il veut brillantes, il nous a raconté qu’il avait consulté cette semaine tous les astrologues les plus célèbres de Paris. Tous ont lu dans les astres la victoire de l’Allemagne. Un seul a refusé de parler, il avait fait la même lecture mais il était gaulliste… Après quoi il a longuement discuté sur le nom gentil et « un tantinet bienveillant » que cette fois nous leur avons donné : non plus les Boches, comme en 1914, mais les Fridolins. Ce serait le signe des durables amours de la France et de l’Allemagne…
Franck Bauer, c’est un comble, avait assisté l’architecte Albert Speer lors de l'exposition universelle de 1937 (un seul jour). Après l'armistice, il traverse la France à vélo, débarque à Liverpool et rejoint la France Libre, le 4 juillet 1940. Un soir, alors qu'il joue du piano dans un club de jazz à Londres, Jean Oberlé lui demande d'accompagner son chant, avant de l’inviter à rejoindre Radio Londres. Il prononce 518 fois la phrase « Ici Londres, les Français parlent aux Français ». Franck Bauer animait également tard le soir une émission de jazz.
Maurice Van Moppès, dessinateur, écrivain et illustrateur. Il a écrit entre 1940 et 1943, nombre de chansons et parodies vilipendant l'occupation allemande et la collaboration. Le livret, publié en 1944, portait l'inscription : « Les Chansons que vous avez entendues à la radio (de Londres) vous sont apportées par vos amis de la R.A.F. » ; en effet ces livrets étaient parachutés par paquets par les avions de la Royal Air Force. Parmi celles-ci, Ceux du Maquis, Complainte d’une Occupée, la chanson des V ….
Jean-Louis Crémieux-Brilhac, affecté à la ligne Maginot, est fait prisonnier le 11 juin 1940, envoyé en Allemagne dans un Oflag de Poméranie. Il s’évade en janvier 1941, gagne l’Union soviétique, y est emprisonné, comme plus de deux cents autres Français, jusqu’à l’invasion allemande du 22 juin 1941. La France libre étant devenue l'alliée de l’URSS, il peut alors rallier le Royaume-Uni. En 1942, il devient chef du service de diffusion clandestine de la France libre jusqu’en août 1944.
« Les Français parlent aux Français »
Paul Boivin, Jacques Duchesne, Geneviève Brissot, Jean-Paul Granville
Une mention spéciale pour Pierre Dac
« faire de fines plaisanteries en se mettant de grands coups d’eau de Vichy derrière la croix gammée »
Il est issu d'une modeste famille juive d'Alsace ; Salomon Isaac, son père, est boucher.
Le 13 mai 1938, il fonde L'Os à moelle, organe officiel des loufoques, dans la lignée des publications d’Alphonse Allais et Tristan Bernard.
En raison de l'avancée allemande, l'hebdomadaire très anti-hitlérien cesse de paraître le 7 juin 1940. Pierre Dac se réfugie à Toulouse.
Il lui faudra près de deux ans avant de rejoindre enfin Londres : une première tentative en novembre 1941 se solde par un emprisonnement à Barcelone puis Perpignan, une deuxième lui permet de connaître les geôles d’Andalousie puis d’Estremadure.
Il finit par être échangé par les Britanniques contre quelques sacs de blé et des fûts d'essence !
Il rejoint l’équipe « Les Français parlent aux Français » en octobre 1943.
Dès sa première intervention, le 30 octobre, le ton est donné : « Mes chers Compatriotes, c’est pour moi une extraordinaire sensation que de pouvoir, ce soir, vous parler librement devant ce micro, alors qu’il y a environ deux mois j’étais encore à méditer, entre les quatre murs d’une cellule […], ce qui démontre d’une manière péremptoire, absolue et définitive, que la prison mène à tout à condition d’en sortir. »
49 chroniques jusqu’au 9 août 1945, l’une des voix de « Ici Londres, les Français parlent aux Français. » et nombre de chansons, dont de fameuses parodies aux paroles cinglantes : Les Gars de la marine deviennent Les gars de la Vermine ; la chanson de Maurice Chevalier, Ça fait d'excellents Français se transforme en Ça fait de mauvais Français et il met en paroles Horst-Wessel-Lied, l’hymne nazi (Waffen SS), La complainte des nazis, détournement de la Romance de Paris de Charles Trenet .
Et des chansons originales telles que Dans l’dos ou les fils de Pétain :
Philippe Pétain de son balcon
regardait la honteuse rangée de faux-jetons
la brochette de sacrés cochons
de Paul Marion à de Brinon
Darnand, Doriot
Laval, Henriot
d'un air éteint
il s'écria soudain :
"Y a-t-il des salauds parmi nous ?"
"TOUS, TOUS, TOUS !!"
Traîne tes pieds par terre
la francisque à la main, c'est la fin
il n'est restera guère
de tous ces fils de Pétain.
Paul Marion était ministre de la propagande, Fernand de Brinon, ambassadeur de Pétain auprès des Allemands, Darnand, Doriot, Laval sont évoqués par ailleurs.
Quant à Philippe Henriot, la « voix d’or » de Radio-Paris, il eut un fameux échange avec Pierre Dac via les ondes.
« Le 10 mai 1944, au micro de Radio Paris, Philippe Henriot déclare : « Le 15 août 1893, jour anniversaire de la naissance de Napoléon, naissait à Châlons-sur-Marne un certain Isaac André, fils de Salomon et de Berthe Khan. Pareil à la plupart de ses coreligionnaires, il était secrètement fier de sa race mais gêné par son nom. Incapable bien entendu de travailler à la grandeur d’un pays qui n’était pour lui qu’un pays de séjour passager […] Une sorte d’esprit desséchant et ricaneur, une perpétuelle aspersion d’ironie sur tout ce qu’on avait l’habitude de respecter, une sottise corrosive à force d’être poussée à l’extrême lui firent une clientèle… […] Comme il devait se frotter les mains, le jeune Isaac André, à voir qu’il pipait à son gluau infâme des étudiants, de futurs intellectuels dépravés par ses soins. […] Où nous atteignons les cimes du comique, c’est quand notre Dac prend la défense de la France. […]S’il s’insurge contre les Allemands, ce n’est pas parce que ceux-ci occupent la France dont il se moque, c’est parce qu’ils ont décidé d’éliminer le parasite juif de l’Europe. »
Le lendemain, 11 mai 1944, réponse de Pierre Dac :
« […] C’est entendu, Monsieur Henriot, en vertu de votre théorie raciale et nationale-socialiste, je ne suis pas Français. À défaut de croix gammée et de francisque, j’ai corrompu l’esprit de la France avec L’Os à Moelle. Je me suis, par la suite, vendu aux Anglais, aux Américains et aux Soviets. Et pendant que j’y étais, et par-dessus le marché, je me suis également vendu aux Chinois. C’est absolument d’accord. […]Mais, tout de même, je suis persuadé que les Français seraient intéressés au plus haut point, si, à vos moments perdus, vous preniez la peine de traiter les problèmes suivants (Dac évoque la déportation, les prisonniers, les Alsaciens dans l’armée allemande, les interrogatoires de la Gestapo,les réquisitions …), puis :
Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France.
Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrières-grands-parents et d’autres avant eux sont originaires du pays d’Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C’est un beau pays, l’Alsace, Monsieur Henriot, où depuis toujours on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l’Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d’Algérie, de 1870-71, de 14-18 jusqu’à ce jour, on a dans ma famille, Monsieur Henriot, lourdement payé l’impôt de la souffrance, des larmes et du sang […].
Si d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l’allée et, à la 6ème rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses noms, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : « Mort pour la France, à l’âge de 28 ans ». Voilà, Monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription : elle sera ainsi libellée
Philippe Henriot,
Mort pour Hitler,
Fusillé par les Français…
Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien. Si vous le pouvez… »
Prémonitoire …. (cf. 49)
L’attaque d’Henriot suivie de la réponse de Pierre Dac
À la Libération, Pierre Dac devient membre du comité d'épuration des artistes ; il interviendra en faveur de Maurice Chevalier, après l’avoir durement brocardé sur Radio-Londres (cf. 20)
Chevalier de la Légion d'honneur, Croix de guerre 1914-1918 et Croix de guerre 1939-1945, Médaille de la Résistance.
Les messages codés
L’autre mission de Radio Londres est d’assurer une constante communication entre la France Libre, le SOE – le Renseignement britannique - et la Résistance intérieure, au nez et à la barbe de Vichy et de l’Autorité occupante, par la biais des célèbres messages codés : le message « Jean a de longues moustaches » mettant Bourvil dans tous ses états dans le film Le Jour le plus long n’a peut-être pas existé, mais les vers de Verlaine annonçant le débarquement sont restés dans les mémoires.
C’est l’agent anglais Georges Bégué qui eut la charge de reprendre le style des messages personnels envoyés via la BBC par les soldats français rescapés de Dunkerque à leurs familles, par exemple « Jean et Georges embrassent bien leur famille et saluent Bichette. », le premier des messages répertoriés par le site https://www.messages-personnels-bbc-39-45.fr et datant de décembre 1940.
Par la suite, les auteurs laissèrent libre cours à leur imagination.
La signification de ces messages sibyllins ne pouvait être comprise que par l’échange préalable de messages radio en morse entre Londres et les opérateurs radio en France. Les messages personnels n’étaient pas le seul moyen de communication, il y avait aussi ceux rapportés de Londres par les agents parachutés et ceux de la Résistance transportés à Londres par des pigeons voyageurs, largués en France dans leurs caisses !
80% des messages concernaient des parachutages, des atterrissages ou des opérations maritimes. Les autres étaient des mots de passe pour s’assurer de la qualité de résistant d’un contact ou des messages pour les familles d’agents arrivés à Londres sans encombre, etc.
On estime à 15000 le nombre de ces messages, diffusés chacun 3 fois en moyenne.
Un exemple extrait du site https://www.messages-personnels-bbc-39-45.fr :
26 avril 1942 : La pétrolette a vidé son jacquet. Message annonçant l’arrivée sur le terrain de Saint-Saens, près de Rouen, du Lysander chargé d’amener en France François Faure et Christian Pineau et de ramener Pierre Brossolette et Jacques Robert à Londres.
Quelques autres :
Mathurin et Isidore sont en promenade.
Nous boirons un Pernod à votre santé le 7 (ou le 25, ou le 13… texte souvent utilisé)
Aide-toi, le ciel t'aidera.
4 Roi de cœur sera dans les cartes du 26.
Joséphine aimerait embrasser Napoléon.
Le docteur croit toujours au Père Noël
Le code de la route est périmé.
Michel monta très tard (haut) dans le pommier.
Melpomène se parfume à l’héliotrope.
Le vin est tiré, il faut le boire
Pégase a tiré le lapin
Conclusion
Londres, Vichy et l’occupant se sont mené une véritable guerre des ondes. On peut considérer que Radio Londres l’a gagnée ; fin 1943, trois auditeurs français sur quatre étaient devenus BBCistes. Et ce, malgré les brouillages, les confiscations de postes et les répressions.
Une nouvelle génération d’animateurs et de chroniqueurs est apparue, dont le style très novateur recouvre de poussière l’emphase des stations de radio d’avant-guerre. Beaucoup d’entre eux, Jacques Duchesne et Pierre Dac en tête, inventeront la radio puis la télévision d’après-guerre.
Il ne faut pas oublier, Radio Brazzaville, puis Radio Alger après juin 1943, les autres « voix de la liberté ».
Pour en savoir plus :
Pierre Dac, Un Français libre à Londres en guerre, Le Cherche midi, 1972
Pierre Dac, Un loufoque à Radio Londres
Radio Paris contre le général De Gaulle et Darlan poème anti gaulliste satyrique 1943