17 : Le Pont-Neuf – Auguste Renoir (1872)
Le Pont-Neuf, (1872), National Gallery of Art, Washington D.C.
Le Pont-Neuf est baigné par le soleil en milieu de journée. Les personnages, presque tous en mouvement, sont dessinés en quelques coups de pinceau mais avec finesse ; tout est lumineux dans une dominante bleutée et vibre dans une lumière éclatante, voici la patte de Renoir.
Un personnage particulier, l'homme au chapeau de paille et à la canne : Renoir explique que c'est son frère Edmond qui demande l'heure à un monsieur ou à une dame de lui indiquer un certain chemin ; Renoir a ainsi le temps d'esquisser les figures.
Renoir s’est installé à une fenêtre à l'étage d'un petit café face au pont, pour éviter les problèmes de la pose du chevalet sur le trottoir ou la chaussée ; lui et ses amis choisissent souvent des vues plongeantes à partir des étages (cf.19).
Si Renoir, Monet et les autres ont commencé à s’intéresser au paysage à partir de la fin des années 1860 (cf.08, cf.10), c’est à partir de 1872 qu’ils saisissent la rue dans son mouvement et sa lumière, ses embarras, sa circulation.
Le Pont-Neuf par Monet et Pissarro
L’année suivante, Monet s’installe au même endroit que Renoir au cours d’une journée bien différente, les parapluies sont de sortie.
Monet - Le Pont Neuf, 1873, Dallas Museum of Art
Un ciel lourd de nuages gris, des voitures et des passants peints à gros traits sur un trottoir mouillé. « On peut facilement lire cette toile comme une incarnation en peinture du chagrin culturel ressenti par les Français après les récentes difficultés de leur histoire ».
En 1872, Pissarro, grâce au docteur Gachet, a emménagé à Pontoise ; la campagne d’Île-de-France et sa population seront pendant des années sa source d’inspiration
Ce n'est qu'en 1896 qu'il commence à entreprendre ses explorations urbaines, d'abord à Rouen et Paris puis au Havre et à Dieppe.
Il loue des chambres d'hôtel dans Paris et réalise des vues du haut de l'immeuble où il séjourne : La Place du Havre en 1893 ou encore Le Boulevard des Italiens (cf.19).
C’est en 1901, alors qu’il s’est installé dans un hôtel, quai du pont-Neuf, qu’il brosse cette première toile.
Les mois suivants, Pissarro reprend le sujet à plusieurs reprises, sous différents éclairages, comme il l’a fait pour le boulevard Montmartre (cf.19).
Revenons à Renoir
Période de vaches maigres pour ceux qui n’ont pas encore été étiquetés « impressionnistes ». En 1869, Renoir, par économie, réside souvent chez ses parents, modestes rentiers installés à Voisins, hameau de Louveciennes. Il voit souvent Monet qui réside alors à Saint-Michel, près de Bougival. Monet se débat dans les difficultés constantes aggravées par la naissance d’un enfant. Renoir écrit : « On ne bouffe pas tous les jours, seulement je suis tout de même content, parce que, pour la peinture, Monet est une bonne société ».
Frédéric Bazille – Renoir en 1867, musée d’Orsay
Arrive la guerre de 1870, Renoir est appelé dans un bataillon de chasseurs. Démobilisé en mars 1871, il ne sent pas concerné par la Commune ; il reprend son chevalet. Il peint la Seine, étrange préoccupation dans une ville en état de siège, si bien que les Fédérés le prennent pour un espion des Versaillais ; on s’attroupe et on crie « jetez-le à l’eau » ! ». Il est emmené dans les bureaux de la Sûreté Générale de la Commune, à l’Hôtel de Ville. Son sort aurait pu être réglé rapidement, de manière dramatique, si Renoir n’avait reconnu dans le délégué de la Sûreté un réfugié qu’il avait recueilli autrefois dans la forêt de Fontainebleau, Raoul Rigault.
Auguste Renoir a souvent eu des ennuis avec la foule ; il ne passe pas inaperçu lorsqu’il déambule dans les rues : un grand gaillard maigre et dégingandé, une sorte de monsieur Hulot avant l’heure. Il a un certain don pour s’attirer les ennuis : invectivé par la foule alors qu’il urine le long d’une palissade en bois ou bien accusé d’être un voleur d’enfants parce qu’il s’inquiète du bien-être d’un bébé négligé par sa nurse qui était courtisée par un soldat.