Boulevard des Capucines – Monet (1873)
Au temps de l’atelier Gleyre (1860-1861)

10 : Le Pont des Arts – Auguste Renoir (1867)

Capable de faire chanter un bord de Seine bucolique, Renoir s’est également imposé comme maître du paysage urbain, tout comme son ami Monet, depuis le milieu des années 1860.

10 : Le Pont des Arts – Auguste Renoir (1867)

Capable de faire chanter un bord de Seine bucolique, Renoir s’est également imposé comme maître du paysage urbain, tout comme son ami Monet, depuis le milieu des années 1860.

Les  Champs-Élysées durant l'exposition, 1867


Cette toile serait la première vue de Paris immortalisée par le peintre, une étude construite sur la lumière, l’ombre et la perspective. De gauche à droite, au fond, les deux théâtres de la place du Châtelet, le pont des Arts, l’Institut et sa coupole et, au premier plan, le quai Malaquais tout ensoleillé. Le spectateur (le peintre) se tient à l’ombre du pont du Carrousel et profite aussi bien de l’animation du quai que de celle du pont, révélée par les ombres de ses passants (nous sommes en fin d’après-midi).

Le tout baigne dans une atmosphère limpide, les bâtiments se découpent avec netteté sur un ciel légèrement nuageux et la luminosité met en valeur la silhouette et les vêtements des promeneurs.

Le pont des Arts, Paris, 1867-8 ; Renoir | Pierre-Auguste Renoir (wordpress.com)


La « touche impressionniste » n’est pas encore là, il faudra attendre deux ans. Ce n’est qu’à partir de 1872 que les silhouettes urbaines deviendront plus fugitives ; Renoir et ses amis vont alors saisir la rue dans son mouvement et dans les embarras de la circulation (cf.19).

Le quai Malaquais, 1872, coll. part.

Cinq ans plus tard, Auguste Renoir s’est installé sur la chaussée

Bazille - Auguste Renoir, 1867, Orsay

Enfance et adolescence

Pierre-Auguste Renoir est né à Limoges en 1841 d’un père tailleur et d’une mère ouvrière en robes, il est le sixième d’une famille de sept enfants - «quand je pense que j’aurais pu naître chez les intellectuels! Il m’aurait fallu des années pour me débarrasser de toutes leurs idées et voir les choses telles qu’elles sont». Fier de ses origines, « J’aimerais mieux crever que d’habiter Passy ».

10 - Place du Carrousel, impasse du Doyenné


Il n’a pas 4 ans quand ses parents s’installent à Paris, dans ce quartier du Vieux Paris entre Louvre et Tuileries,à la place de l’actuelle pyramide, un terrain de jeu que Renoir adulte reprochera à Haussmann d’avoir démoli. La famille est donc obligée de quitter le quartier en 1854 pour s’installer rue des Gravilliers, dans le Marais.

A 13 ans, Renoir est apprenti chez un peintre sur porcelaine où il fait preuve d’une adresse et d’une rapidité inhabituelles. Le dessin devient à ce moment sa raison d’être ; il fréquente les cours du soir de l’École de dessin et d’arts décoratifs.

Progrès technique oblige - l’imprimerie sur faïence -, Renoir doit abandonner son métier et se lance à 17 ans dans la peinture d’éventails, de stores de boutiques, dont il ne reste, hélas, aucune trace.

En 1860, il s'inscrit au Louvre comme copiste puis l'année suivante à l’École des beaux-arts de Paris et intègre l'atelier de Charles Gleyre, où il fait la rencontre décisive avec Frédéric BazilleClaude Monet, et Alfred Sisley (cf.01).


Barbizon, Fontainebleau, Bourron-Marlotte

Renoir : le cabaret de la mère Anthony à Bourron-Marlotte.

De gauche à droite, la serveuse Nana, Monet, Sisley, la mère Anthony et Pissarro (au premier plan, le chien Toto, amputé d’une patte, pour qui Renoir avait fabriqué une atèle).


Après avoir quitté le maître et son obsession du retour à l’antique, les quatre amis décident d’aller peindre « sur le motif » dans la forêt de Fontainebleau qu’ils fréquentent de 1863 à 1868.

En avril 1865, Renoir s’installe à Bourron-Marlotte, près de la forêt, chez le peintre Jules Le Cœur, adresse qui devient rapidement le lieu de rencontre de Renoir et de ses amis artistes de l’atelier Gleyre ainsi que Camille Pissarro. Renoir y rencontre Lise Thérot, sœur de la compagne de Jules, qui devient sa petite amie et son modèle préféré pendant les années suivantes. A la différence de son ami Monet, Renoir est plus intéressé par la peinture de portraits et de nus féminins que par celle des paysages.

Lise cousant, 1866, musée d'Art de Dallas

Lise dans son châle blanc, 1872, musée d'Art de Dallas


Une échauffourée à l’issue heureuse

Un jour, alors qu’il est sur le motif dans la forêt de Fontainebleau, Renoir est entouré par une bande de Parisiens malins, calicots et grisettes en goguette qui se moquent de sa blouse d’ouvrier. Renoir feint de les ignorer mais l’un d’eux, irrité, s’approche et fait sauter sa palette d’un coup de pied. Renoir se précipite sur lui mais il est aussitôt terrassé. Soudain, émergeant des buissons, paraît un homme grand et fort, lui même chargé d’un attirail de peintre. Il a une jambe de bois et tient une grosse canne avec laquelle il a vite fait de disperser les assaillants. L’unijambiste regarde attentivement la toile : « Pas mal ! Vous êtes doué, mais pourquoi peignez-vous si noir ? ». Renoir rappellera souvent combien Diaz a compté dans l’évolution de son art : « J’aimais bien Diaz chez qui on sent le champignon, la feuille pourrie. »

Diaz  - Dans la Forêt de Fontainebleau, 1860


Et les autres peintres de Barbizon ? Renoir n’aime pas Barbizon où « on se cognait à des Millet à tous les coins de rue », Millet dont il déteste les paysans sentimentaux ; en revanche, « Rousseau m’épatait, Daubigny aussi mais le grand bonhomme, c’était Corot. »

Les citations sont rapportées par son fils, Jean Renoir, dans son livre « Auguste Renoir, mon père ».