08 : Quai du Louvre – Claude Monet (1867)
Le quai du Louvre a été peint en 1867, Monet posait son chevalet dans la ville depuis deux ans. Où en était-il à cette époque-là ?
Les premières années d’Oscar-Claude Monet
Il est né 45, rue Laffitte dans le IXe arrondissement, le 14 novembre 1840. Cinq ans plus tard, la famille s’installe au Havre. Elève moyen, il montre rapidement des prédispositions pour le dessin. Adolescent, il brosse une série de « portraits-charge », des caricatures de ses professeurs ou de notables du Havre, ainsi que ses premiers croquis « sur le motif ».
Caricature de Paul Bodereau, avocat, 1858
Sa tante Jeanne Lecadre le prend sous son aile à la mort de sa mère en 1857, elle l’incite à poursuivre le dessin. C’est en mettant en vente ses caricatures chez un papetier-encadreur qu’il fait la connaissance du peintre paysagiste Eugène Boudin qu’il va accompagner pour s’imprégner de sa méthode : « Tout ce qui est peint directement et sur place a toujours une force, une puissance et une vivacité de touche qu'on ne retrouve pas à l'atelier », lui dit Boudin. « Si je suis devenu un peintre, c’est à Eugène Boudin que je le dois » dira Monet plus tard.
Boudin - Plage à Trouville, 1863, Collection Henry Ittleson, New York City
La Vallée de Rouelles est l’une de ses premières toiles (1858, Musée Khanenko, Kiev)
1859, Paris puis l’Algérie
Sur les conseils de Boudin et avec l’aide financière de Jeanne Lecadre, Monet quitte le Havre pour Paris en avril 1859.
Il tente sans succès d’entrer dans l’atelier réputé du peintre académique Thomas Couture ; il se tourne alors vers l'Académie Suisse (cf.02), où il rencontre Camille Pissarro.
Malencontreusement, en 1861, il est tiré au sort pour être conscrit. Sa famille accepte de lui payer un remplaçant à la condition qu’il renonce à la carrière de peintre. Refus. Il intègre le 1er régiment de chasseurs d'Afrique, à Mustapha en Algérie. Victime de la typhoïde, Jeanne Lecadre le fait sortir de l'armée, à la condition qu'il prenne des cours d’art à l’académie.
Lhuillier - Monet en zouave, 1861, musée Marmottan
Les Quatre de l’atelier Gleyre
Retourné à la vie civile, il intègre alors l’atelier Gleyre où a lieu sa rencontre décisive avec Auguste Renoir, Frédéric Bazille et Edouard Sisley. Atelier qu’il souhaite rapidement quitter, en désaccord avec le retour à l'antique prôné par le maître (cf.01). C’est chose faite au printemps 1863, en compagnie de ses trois nouveaux compagnons qui partent peindre dans la nature en forêt de Fontainebleau.
Allée de Chailly-en-Bière, 1863, musée d’Orsay
Premières grandes œuvres et difficultés financières
Monet est d'un caractère parfois difficile, prompt à la colère comme au découragement, c’est sans doute la raison pour laquelle il s’est brouillé avec sa famille lors d’un séjour en Normandie. C’est le début des années de vaches maigres au cours desquelles Bazille sera là pour l’épauler jusqu’à sa mort (cf.03).
Si la Femme en robe verte est acceptée au Salon de 1866 et rencontre le succès, d’autres toiles telles que Femmes au jardin, œuvre baignée de lumière changeante, sont refusées.
Femme à la robe verte (Camille), 1866, Kunsthalle, Brême
Femmes au jardin, 1866, musée d’Orsay
Qui est la femme à la robe verte ? Camille Doncieux, née en 1847, d'origine modeste et qui travaille comme modèle. Ils se marieront en 1870 mais en 1867, Camille est déjà enceinte.
Il se lance en même temps dans une vaste entreprise, une toile de grande taille (4,65 x 6m), le Déjeuner sur l'herbe, sorte de réponse à celui de Manet (cf.05). Mais un changement d'atelier impose de la rouler, elle sera plus tard laissée en gage à un bailleur par l'artiste. Elle restera inachevée et sera coupée en deux parties avant amputation de sa partie droite.
Autre chef d’œuvre exécuté pendant cette période, la Terrasse à Sainte-Adresse, lors de son séjour en Normandie en 1867.
Terrasse à Sainte-Adresse, 1867, Metropolitan Museum, New York
Années de galère pour le peintre, refus du Salon, tableaux saisis ; Monet, plus que jamais dans la misère, tente de se suicider en se jetant dans l’eau de la Seine à Bennecourt.
L’année suivante, la famille s’installe à Bougival, dans le voisinage de l’ami Renoir qui séjourne souvent chez ses parents à Voisins, hameau de Louveciennes.
1869 est une année de première importance qui verra les deux amis poser côte à côte leurs chevalets dans l’établissement de bains tout proche, La Grenouillère, où, dit-on, est né l’impressionnisme : fragmentation des couleurs, pinceaux libérés de toute contrainte académique, peinture appliquée en points et en virgules.
Monet - La Grenouillère, 1869, Metropolitan Museum of Art, New York
Renoir - La Grenouillère, 1869, Nationalmuseum, Stockholm