41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
46 : Vendredi 29 octobre 1965 - Ben Barka vu pour la dernière fois
29 : Jeudi 21 décembre 1911 - La bande à Bonnot
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie
29 : Jeudi 21 décembre 1911 - La bande à Bonnot

41 : Mercredi 6 novembre 1946 : Pierrot le Fou braque une bijouterie

36, rue Boissière (16e)

Ce mercredi 6 novembre 1946, peu avant vingt heures, un homme pénètre dans une bijouterie, rue Boissière, menace le commerçant avec son arme. Le commerçant ne s’en laisse pas compter, se jette sur son agresseur qui lui tire dessus. Cris de l’épouse que le bandit assomme d’un coup de crosse avant de fuir vers une traction avant, garée dans la rue. Le bijoutier, Caradeb Sarafian, bien que blessé au foie d’une balle de 11,43 mm, se relève, sort le revolver rangé dans le tiroir caisse, titube hors du magasin vers la Citroën et tire sans l’atteindre, avant de se faire renverser par une autre automobile. Le bijoutier meurt de ses blessures peu de temps après.

Le braqueur n’est autre que Pierre Loutrel, alias Pierrot le Fou, l’ennemi public no 1, le gangster le plus recherché de France.

Ce sera son dernier forfait car, fortement alcoolisé lors d'un braquage, il se serait tiré accidentellement une balle dans le bas-ventre en glissant son colt dans sa ceinture.

Sommaire :

Les Bat' d'Af'

Gestapo, trois années de rêve pour Pierrot lefou

Pierrot devient « Pierrot le Fou »

De la Gestapo à la Résistance

Le gang des Tractions avant

Champigny, nuit du 26 au 27 septembre 1946

L'ennemi public n°1

Un corps enseveli sous deux saules

La découverte du 6 mai 1949

Ces truands qui font la fortune d'un certain cinéma

Les Bat’ d’Af’

Loutrel vient du monde paysan sarthois, né en 1916 (ou 1917) à Château-du-Loir.

A seize ans, il décide de se faire engager comme mousse dans la marine marchande ; il compense sa silhouette chétive et sa petite taille par une attitude agressive et rebelle, parfois incontrôlée, ce qui lui vaut d’être finalement débarqué pour insubordination à Marseille. Avec l’expérience acquise des milieux douteux dans les ports où il a fait escale, il tente d’intégrer la bande de Carbone et Spirito, tentative sans succès, étant considéré comme un truand à la petite semaine, un raté.

Mais sa carrière de truand est lancée ; il est une première fois incarcéré en 1935 après un cambriolage. Il sort de la prison de Marseille pour faire son service militaire dans les Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique, les Bat’ d’Af’, à Tataouine, en Tunisie, régiments de très mauvaise réputation où on envoie entre autres les jeunes voyous pour leur mener la vie dure, pour les « redresser » sous le cagnard avec une discipline de fer ; ou les faire tuer en opérations. Des résultats à l'opposé des buts recherchés : l’enfer que vit Pierre Loutrel l’endurcit, sa violence le fait respecter des caïds. L’homme qui en sort est un enragé aguerri à qui on appris la manipulation des armes ; il fait dorénavant partie d’un groupe soudé par l’enfer qu’ils y ont vécu. Ils ont un signe de ralliement : un tatouage à la jambe : « Marche ou crève ». Et, parmi les anciens Bat’ d’Af’ : Jo Attia.

Jo Attia en 1936


Gestapo, trois années de rêve pour Pierrot le Fou

Loutrel est libéré en 1938, il monte à Paris où, à côté d’un emploi temporaire de garçon de café, il reprend ses trafics. Il rencontre Marinette Chadefaux avec qui il prend en gérance un bar-hôtel.

Sous l’Occupation, les Allemands ne crachent pas sur des auxiliaires de la trempe de Loutrel pour assurer le « maintien de l’ordre ». L’ancien Bat’ d’Af’ se rapproche de la Gestapo française, en particulier  à partir de 1941 de l’équipe de René Launaye, dit « le Grand René », basée avenue Foch, spécialisée dans la traque des agents français travaillant pour les services britanniques.

Avec sa plaque, Pierrot peut se livrer à tous les trafics, crimes et autres turpitudes en toute impunité.

Franc-tireur, il collabore parfois avec la bande de Bonny et Lafont, la Gestapo française de la rue Lauriston, la sinistre « Carlingue » où on torture à la baignoire dans les étages inférieurs alors qu’on fait la fête en haut.

Exécutions et interrogatoires poussés, extorsions, pillages, en particulier des biens des Juifs ; marché noir, trafic avec les services allemands, les bureaux d’achat en particulier. Loutrel se fait un nom, et de bonnes rentrées d'argent.

Il a constitué sa bande où on trouve de futures célébrités telles qu’Abel Danos, dit « Le Mammouth », Raylond Naudy, Fernand « le poulet » ou Henri Fefeu, mais pas Jo Attia qui, lui, a rejoint les rangs de la Résistance (son ancien compagnon des Bat’ d’Af’ sera torturé en 1943, rue Lauriston) ; il profite de la bienveillance de l’autorité occupante pour régler ses comptes avec des bandes rivales.

Abel Danos en 1941


Pierrot devient « Pierrot le Fou »

Racket, proxénétisme, braquages et assassinats sous protection ; l’argent facile s’accumule chez Pierrot et sa bande. Grosses cylindrées, boîtes et maisons closes de luxe comme le One-Two-Two où le champagne coule à flot – à tel point qu’il devient alcoolique. Et les jolies femmes, en particulier les actrices telles Ginette Leclerc ou Martine Carol (photo) : au cabaret de l’Heure Bleue, rue de Pigalle, il n’aurait pas hésité à exhiber la mitraillette accrochée sous sa veste pour l’impressionner.

Il a maintenant acquis une solide réputation de tueur au sang froid ; à coups de règlements de comptes, il a pris sa place au sein de la pègre, le Milieu craint ce Gestapiste.

Mais il est de plus en plus incontrôlable ; on le surnomme « le Dingue » ou « le Louf » avant d’être définitivement étiqueté « Pierrot le Fou ». Les constants dérapages du flingueur fou et alcoolique lassent ses protecteurs ; l’Allemand Plaket, son chef direct, est stupéfié par sa cruauté.

Un exemple de sa  barbarie : en juin 1944, à la suite d'une tentative d'extorsion au bar Chez Adrien, 52, rue Vavin, puis dans un autre, rue Chaplain, l'inspecteur Henri Ricordeau, de la brigade mondaine, tente d'intervenir. Loutrel et trois de ses complices l’interpellent : « C’est Ricordeau, de la Mondaine, il nous en a assez fait baver. En route ». Sous la menace d’un revolver, l’inspecteur est contraint de monter dans une auto ; Loutrel l’abat froidement d’une balle au menton et d’une autre dans le ventre, Ricordeau s’écroule sur le siège ; les assassins le poussent hors de la voiture mais ils n’en restent pas là ; pour être sûr d’avoir supprimé le policier, ils stoppent la voiture, font marche arrière et roulent sur le corps.

Par miracle, l'inspecteur en réchappe. La police française proteste auprès des autorités d'occupation, qui consentent à la laisser mener ses investigations. Loutrel comprend qu’il est temps de changer d’air, d’autant plus que le vent change… direction le sud-ouest.

Une photo peu avantageuse de Georges Boucheseiche
(qu'on retrouvera dans l'affaire Ben Barka
cf. 46)


Ses activités dans la Collaboration aussi bien que dans la Résistance lui ont permis une découverte : les qualités de la Traction avant Citroën 11 CV, rapide, maniable, la voiture adoptée par la Gestapo aussi bien que les FFI.

(criminocorpus.org)


Anciens gestapistes et anciens résistants se retrouvent dans le même gang ! Grâce à leurs tractions, les braquages des truands ont la même efficacité que ceux de la bande à Bonnot et leurs Delaunay-Belleville (cf. 29), la rapidité d’exécution, et la même violence ; mieux vaut ne pas entraver leur action. La police judiciaire,  même si elle n’est plus en bicyclette, est prise de vitesse.

C'est parti : une quinzaine de braquages entre février et novembre 1946, dans toute la France : région parisienne, Côte d’azur ou bords de Loire, rendant d’autant plus difficile, la tâche des policiers qui subissent la pression de leur hiérarchie et de la presse. Beaucoup de fourgons postaux sont l’objet de ces coups se main, ce qui n'empêche pas les attaques de la poste centrale de Nice, du Crédit lyonnais, des gares de Lyon et Montparnasse, de la fonderie de la rue Dareau ou de la banque de la rue du Pont-Neuf.

Le truand, à droite, est menotté


A Marseille, un encaisseur est tué mais la police reste dans le vague ; cependant, l’enquête menée après la braquage d’un fourgon postal, rue de Maubeuge à Paris, commence à orienter les limiers sur la bonne piste.

Pendant ce temps, le gang roule sur l’or, la mégalomanie de Loutrel ne connaît plus de limites : « C’est moi Pierrot le Fou ! Le Grand Pierrot ! », les poches toujours pleines de liasses de billet et le revolver toujours prêt à surgir.

Un curieux bolide ayant appartenu à Pierrot le Fou
(criminocorpus.org)

Champigny, nuit du 26 au 27 septembre 1946

D’après le reportage de France-Soir du 27 septembre (retronews.fr)

Un faisceau d’indices et de témoignages attire l’attention des enquêteurs vers une auberge à Champigny sur les bords de Marne : une auberge peu accueillante depuis quelques semaines, tenue par un certain Mario qui refuse toute consommation aux riverains, une attitude hostile du patron et de son berger allemand qui choque les voisins.

L’établissement s’appelle « Les Marronniers », installé en bord de Marne, 1, quai Gallieni, dans un lieu paisible entouré de jardins et de cultures maraîchères, sans voisinage proche.

Depuis le changement de propriétaire en mai, les commentaires vont bon train : des automobilistes d’allure équivoque à bord d'une puissante Delahaye portant les lettres CD et qui laissent penser à des trafiquants de marché noir, une femme qui aime trop le pastis pour être une grande dame, un établissement payé cash 1.500.000 francs…

La Police Judiciaire est persuadée qu’une association de malfaiteurs en a fait son repaire mais impossible de les surveiller sans attirer l’attention jusqu’à ce que Devaux, le directeur de la P.J. ait l’idée de louer un pavillon à proximité ; le surveillance est alors assurée nuit et jour.

L’attaque commence le 26 à 17 h 15. Un détachement reste de l’autre côté de la rivière tandis qu’un autre prend position autour de « L’Auberge ».

A 19 h 00, cinq inspecteurs s’avancent et font les sommations ; dans l’auberge, tous les feux s’éteignent, un homme entr’ouvre la porte, un pistolet au poing. Un des inspecteurs tire, l’homme s’écroule. Nouvelle sommation à laquelle répond une rafale de mitraillette au premier étage. Cette fois, c’est le patron du café qui est touché, il est tué net.

Des renforts ont été demandés, trois cars de gardiens de la paix, une voiture-radio, deux voitures blindées à gaz lacrymogène, vingt voitures de route, cinquante motocyclistes arrivent, en tout 200 policiers (selon le reporter de France-Soir, ils auraient été 350).

Il s’ensuit quatre heures de siège, de rafales de mitraillette, de lueurs de projecteurs et de cris.

Soudain, les policiers entendent le bruit d’un moteur : trois des gangsters tentent le tout pour le tout, foncent dans la Delahaye pour forcer le barrage. Une rafale de mitraillette stoppe la voiture, les trois hommes en sortent et s’enfuient en courant ; une voiture les poursuit mais ils disparaissent grâce à une voiture volée près de la gare de Champigny.

L'auberge après l'attaque & la une de France-Soir


L’ennemi public n° 1

Le nom de Loutrel n’est pas évoqué dans l’édition du 27 septembre ; on parle d’un certain André de Marmande, l’un des gardés à vue, comme le chef de bande. Tout change le lendemain. L’attaque a permis d’identifier de manière certaine deux dangereux hors-la-loi, incontestablement mêlés à la plupart des récents attentats :

D'après criminocorpus.org


On évoque le « gang des nervis », la bande spécialisée dans l’attaque des fourgons postaux, et « Pierrot le Fou », « Pierrot la Valise », un bandit dont l’audace extraordinaire n’a d’égale que la terreur qu’il a su inspirer à ceux qui l’approchent, on évoque aussi le lourd passé du truand à la Gestapo de l’avenue Foch. Sous mandat d’arrêt depuis deux ans, il a échappé à toutes les recherches. « Pierre Loutrel dit Pierre Déricourt, dit Pierrot le Fou. Il est depuis hier l’ennemi public n° 1 »

Brahim Attia, dit Jo le Tunisien est également recherché (le reporter du Soir, évoque un certain « Atcha » !). Les témoins l’ont formellement reconnu, ainsi que Loutrel, sur des photos.

Le Delahaye Corps Diplomatique a été volée à l’ambassade de Suède.

Le filet se resserre dorénavant autour de Pierrot le Fou et ses lieutenants ; le gang des tractions est maintenant éclaté. Ostracisé par le Milieu pour ses outrances, Loutrel doit se contenter de larcins minables… à la satisfaction du Milieu, dont les activités de racket et de proxénétisme étaient sérieusement entravées avec toutes les polices sur les dents et les frasques de ce caïd sans scrupules.

Plus de fourgon postal braqué, de banque ou de bijouterie … jusqu’à ce 6 novembre 1946, rue Boissière (cf. plus haut).

Edmond Courtois près des saules où Pierre Loutrel a été enterré


Trente mois plus tard, Courtois est à nouveau interrogé et finit par lâcher que Loutrel est mort.

Ce qu'il reste du cadavre de Loutrel

criminocorpus.org

Superposition du crâne au visage de Loutrel


Le mythe de Pierrot le Fou a vécu. L’affaire Pierre Loutrel redevient normale.

Ce n'est pourtant que le 1er juillet 1951 que le tribunal de Mantes rendra un jugement définitif de décès.


Ces truands qui ont fait la fortune d’un certain cinéma

Après le Libération, les salles de cinéma vont être envahies par une vague de films policiers français dont les influences sont les films de gangsters et les films noirs venus d’Amérique, mais dont les personnages et les histoires sont inspirés des truands, assassins et braqueurs qui font la une des journaux durant toutes ces années.

Avec deux acteurs majeurs en haut de l’affiche : Jean Gabin et Lino Ventura, qu’ils soient flics ou voyous.

« Touchez pas au Grisbi », de Jacques Becker, marque l’introduction du truand à la française, le caïd du milieu qui n’aime pas les remous que font les desperados (du genre Pierrot le Fou).

« Du Rififi chez les Hommes » de Jules Dassin, description magistrale d’un casse dans une bijouterie. « Quai des Orfèvres » de H.G. Clouzot ou « Maigret tend un Piège », sortes de policiers documentaires, tout comme

« Razzia sur la Chnouf » de Henri Decoin, trafic dans lequel Pierrot le Fou ne semble pas avoir trempé.

Les mythologies véhiculées dans les films de Jean-Pierre Melville : le code de l’honneur et le sens de l’amitié dans « Le Doulos » ou le truand solitaire et tragique dans « Le Deuxième Souffle »

Dans « Classes Tous Risques » de Claude Sautet, c’est l’équipée d’Abel Danos, l’ancien gestapiste de la rue Lauriston, et de Raymond Naudy qui inspire le scénario. Naudy sera abattu en octobre 1948, par les douaniers à Menton ; Danos réussira à s’enfuir mais sera arrêté le 30 novembre, condamné à mort et exécuté le 14 mars 1952. Le personnage joué par Lino Ventura s’appelle Abel Davos…

Lino Ventura, alias Abel Davos – Jean Servais dans le film de Jules Dassin


Jo Attia, Georges Boucheseiche, Pierrot le Fou, Pierre Carrot, Emile Buisson, Abel Danos ou René Girier dit « René la Canne », tous sont les produits de l’Occupation, qu’ils aient été résistants, pour certains, ou collabos, pour la plupart.

De la Gestapo à la Résistance

En mars 1944, Loutrel est maintenant entré en contact avec Roland Sicard, ancien commissaire de police travaillant dans la clandestinité pour le réseau Morhange, composé d’anciens militaires de carrière dont la spécialité du réseau est l’élimination des espions allemands, des collabos et des traîtres dans le Sud-Ouest. Loutrel est présenté au chef du réseau, à la recherche d’hommes de main après que l’organisation a subi de fortes pertes. Pierrot le Fou est d’une grande utilité ; ses informations permettent d’éliminer les agents doubles ou éviter des arrestations ; il accomplit plusieurs missions en Haute-Garonne, dont la plus insensée est l’exécution d’un officier allemand à bout portant dans un café de la place du Capitole à Toulouse.

Il est nommé officiellement lieutenant FFI ! sous son nom d’emprunt, Pierre Déricourt.

Les méthodes sont les mêmes avec ses acolytes, Henri Fefeu et Raymond Naudy : exactions, pillage, extorsions mais dorénavant au détriment des collaborateurs.

Le gang des Tractions avant

La Libération arrivée, Loutrel ne semble pas particulièrement inquiété pour ses récentes activités, peut-être grâce à son label résistant.

Il retrouve à Paris son ami Jo Attia qui, lui, revient de détention au camp de Mauthausen. Une bande se reforme autour des deux comparses avec Naudy, Fefeu, alias « Riton le Tatoué », Abel Danos et Georges Boucheseiche, un ancien de la Carlingue, Marcel Ruard, et d’autres.

Un corps enseveli sous deux saules

Revenons rue Boissière : la Traction démarre sur les chapeaux de roue lorsque Pierrot le Fou déclenche par accident son Colt.

Jo Attia et le Gros Georges (Boucheseiche) le font hospitaliser sous un faux nom à la clinique Diderot, 40, avenue Daumesnil, sous prétexte d’un accident de chasse ; son état reste préoccupant même après l’opération. Trois jours plus tard, Attia et Boucheseiche l’extraient de la clinique et l’emmènent chez un ancien des Bat’ d’Af’, Edmond Courtois, dit Monmon à Porcheville où il est éleveur de chiens et mène une vie tranquille.

« Ca va mal… il va calancher ! » disent les deux complices à Courtois. On l’étend sur un lit dans un pavillon où effectivement il meurt. Les trois hommes l’enveloppent ensuite tout habillé dans une couverture après qu’une femme lui eut enroulé un chapelet autour du poignet, le tout ficelé avec un câble de cuivre.

On transporte le corps dans une île, l’île des Châtaignons, sur la commune de Limay, où il est enseveli sous deux saules.

Les flics ne sont pas au courant et pendant trois ans ils vont poursuivre un fantôme. L’émule de Dillinger, l’ancien ennemi public n° 1 va faire encore parler de lui ; on lui fait faire le tour du monde, on le dit caché chez des femmes du monde, dissimulé en Amérique du Sud ou dans une ferme dans la Loire. On évoque son nom à chaque nouveau forfait...

La découverte du 6 mai 1949

Un jour, la P.J. reçoit une information : Jo Attia et Boucheseiche rôderaient autour de Mantes-le-Jolie. Un inspecteur de la Voie publique à la P.J., Berthier, se met en chasse ; des fermiers les auraient remarqués dans l’unique bistrot de Porcheville ; ils seraient en contact avec un éleveur de chiens. Berthier laisse un rapport détaillé en décembre 1946, persuadé que Loutrel se cache dans « La Titoune », la propriété de Courtois mais les investigations ne donnent rien.

Le temps passe. Attia est arrêté à Marseille, la 10 juillet 1947, puis Boucheseiche dans une villa de Mandelieu. Fefeu le Tatoué avait déjà été arrêté fin 1946 dans un bar de Montmartre ; Naudy sera abattu en novembre 1948 (cf. plus bas).

Quai de l’Horloge, l’équipe de l’inspecteur principal Nouzeilles ne chôme pas, amasse les renseignements, recueille les témoignages. Un homme sait la vérité, c’est Courtois. Ils reprennent le rapport Berthier, interrogent à nouveau un chauffeur de taxi qui avait évoqué les allers-retours Paris-Porcheville faits par des femmes. En février 1949, ils l’interrogent à nouveau ; Servo, c’est son nom, reconnaît Loutrel, Attia et Boucheseiche sur des photos : il y a trois ans de cela, il les a conduits à la « Titoune ».

Schéma expliquant l'encerclement et la fuite de la Delahaye


L’opération s’arrête à quatre heures du matin. Un homme est grièvement blessé, André Decourvier, spécialiste des agressions, il est transporté à l’Hôtel-Dieu dans un état désespéré. Le patron tombé sous les balles s’appelait en fait Benoît Prost. Un policier est blessé, l’inspecteur Chavoz, mordu grièvement au doigt par le berger allemand qui, lui, se retrouve à la fourrière.

« Et ça se disait des résistants » commentera un riverain.

L' opération, par son ampleur, rappelle le siège d’une villa de Nogent-sur-Marne en 1912

(cf. 29)