36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
30 : Lundi 16 mars 1914 - L’affaire Caillaux
31 : Vendredi 31 juillet 1914 – Ils ont tué Jaurès
37 : Mercredi 23 août 1933 - Violette Nozière découvre ses parents dans une flaque de sang


36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer
36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer

36 : Vendredi 6 mai 1932 - Gorgulov et Paul Doumer

11, rue Berryer, 8e

Sommaire :

Paul Doumer

L'assassinat

Les funérailles nationales

Le procès

Paul Gorgulov

Les « Russes Blancs » en France

(retronews.fr)


Le 6 mai 1932, le président Doumer se rend à l'hôtel Salomon de Rothschild (près de l’avenue de Friedland) pour inaugurer une grande exposition consacrée aux écrivains de la Grande guerre. Trois coups de feu sont tirés.

Paul Doumer

Paul Doumer en 1905


C'est le seul président de la République qui soit issu des milieux ouvriers, son père était employé des chemins de fer et sa mère femme au foyer. Il est né à Aurillac en 1857. Il travaille dès l’âge de douze ans comme coursier ou graveur, tout en suivant des cours en formation continue. Il obtient une licence en mathématiques.

D’abord élu municipal à Laon en 1887, député l’année suivante dans les rangs des radicaux, il sera élu plusieurs fois député jusqu’en 1910.

C’est un homme de la gauche modérée au début de sa carrière : il milite pour le développement des sociétés coopératives ouvrières, prône la mise en place d’un impôt sur le revenu (cf. 30) ainsi qu’une augmentation de l’impôt sur les successions ; il est attentif à la liberté de la presse.

Ministre des Finances, il le sera trois fois, ; il mène une politique alliant équilibre des finances publiques et justice sociale, entre libéralisme économique et socialisme ; c’est un défenseur du protectionnisme.

Gouverneur général de l’Indochine française de 1897 à 1902, Doumer est un partisan de l’Empire colonial français. Jugeant les Européens plus aptes à décider que les indigènes, ses actions visent à réduire l’influence de la dernière dynastie impériale, les N’guyen.

La mise en place des régies sur l’opium, le sel, l’alcool de riz, génère des taxes qui permettent de dégager des excédents budgétaires mais en appauvrissant les Indochinois.

Président de la Chambre des députés de 1902 à 1906 : Paul Doumer, tout comme Clemenceau,  s’éloigne de sa famille radicale et de ses idées de gauche. Il s’oppose à la politique anti-cléricale du cabinet Combes ; Jean Jaurès est un de ses plus farouches opposants.

La Première Guerre mondiale : des années auparavant, Doumer s’était alarmé du manque de préparation de l’armée dans l'éventualité d'un conflit ; face à Jaurès, il est de ceux qui défendent le retour d'un service militaire de trois ans et demande un effort important de réarmement. En 1914, il refuse de suivre le gouvernement à Bordeaux, devient chef du cabinet civil du gouvernement militaire de Paris, conduit par le général Gallieni, puis devient ministre d’Etat membre du Comité de guerre en 1917. Quatre des cinq fils de Paul Doumer seront tués pendant le conflit.

Paul Doumer et ses fils


A nouveau ministre des Finances en 1921, il montre la même intransigeance que Clemenceau vis-à-vis de l’Allemagne pour ce qui concerne les réparations de guerre ; il sera à nouveau désigné ministre des Finances en 1925, et ce, malgré les oppositions de gauche.

Election pour la présidence de la République : en 1931, Gaston Doumergue ne souhaite pas briguer un second mandat présidentiel. Paul Doumer est candidat mais doit affronter le républicain-socialiste et pacifiste Aristide Briand qui a les faveurs des parlementaires de gauche.

Président de la République : il prend ses fonctions le 13 juin 1931. Il jouit d'une grande popularité en raison de le sa modestie et de sa cordialité, tout en étant autoritaire, ainsi que de son patriotisme (il s’oppose à toute amitié franco-allemande, refuse de recevoir des représentants de la république de Weimar au palais de l'Élysée au nom de ses fils morts pour la France) ; il est résolument anglophile et réaffirme son attachement à l’Empire en inaugurant l’exposition coloniale.

La photo officielle et en famille, Blanche assise


Il n’aura pas l’occasion de démontrer autre chose durant sa présidence qui ne dure que dix mois….


L’assassinat

Le meurtre selon l’Illustré du Petit Journal


En avril 1932, il s’étonne du dispositif de sécurité autour de sa personne : « À mon âge, ce serait une belle fin de mourir assassiné »… Il continue de se mêler à la foule.

Dans l’après-midi du 6 mai 1932, il se rend à l’hôtel Salomon de Rothschild, 8, rue Berryer, pour inaugurer le « salon des écrivains anciens combattants ». Le chef de l’Etat parcourt les allées, achète quelques livres, salue les écrivains. A 15h10, alors qu’il s’entretient avec l’écrivain Claude Farrère, trois coups de feu éclatent ; Paul Doumer est touché par deux fois, à la base du crâne et à l’aisselle droite. Il s’écrie « Tout de même ! » puis s’écroule dans les bras d’un journaliste. Claude Farrère, bien que blessé au bras, bouscule le tireur qui tente de s’échapper et oppose une vive résistance alors que la foule s’abat sur lui et tente de le lyncher. Le tireur est finalement maîtrisé par les services de sécurité.

Le président est rapidement transporté à l’hôpital Beaujon tout proche. L’artère axillaire étant sectionnée, il doit être opéré et plusieurs fois transfusé - il avait perdu deux litres de sang à son arrivée- ; l’artère est ligaturée mais, semble-t-il, trop tard. Ayant repris conscience, Paul Doumer se montre inquiet de savoir si son agresseur est français, mais se voit répondre qu'il a été victime d'un simple accident. Le lendemain, il tombe dans le coma et meurt à l’aube du 7 mai 1932, à l'âge de 75 ans.

Le tireur est identifié, il s’appelle Paul Gorgulov.

Les funérailles nationales

Blanche Doumer refuse que son mari soit inhumé au Panthéon : «ils me l'ont pris toute sa vie, ils me l'ont tué. Je veux au moins être avec lui dans la mort».

L’éloge funèbre est prononcé par le président du Conseil en fonction, André Tardieu : « Pour la seconde fois en soixante-et-un ans, la République a la douleur de conduire au tombeau son chef assassiné. […] Paul Doumer, pour trois quarts de siècle, fut le vivant témoignage de ce qu'est et de ce que peut la démocratie. Fils du peuple, c'est le peuple entier qu'il représentait. Et c'est aussi le peuple entier qu'ont frappé les balles qui l'ont tué. […] » (Tardieu fait allusion à l’assassinat du président Sadi Carnot).

Le corps du président défunt est exposé au palais de l'Élysée pendant quelques jours, et des obsèques nationales sont organisées le 12 mai en la cathédrale Notre-Dame de Paris ainsi qu'au Panthéon. Paul Doumer est ensuite inhumé dans le caveau familial du cimetière de Vaugirard.


Le Procès

L’instruction est rondement menée ; l’assassin porte sur lui des coupures de journaux concernant les prochains déplacements du président Doumer, ainsi qu'un plan de Paris, et un carnet dans lequel est écrit : « Mémoire de Paul Gorgulov, chef Président des fascistes russes, qui a tué le Président de la République française ».

Le procès s’ouvre devant la cour d’assises de la Seine le 25 juillet 1932.

L’accusé est défendu par le très barbu Me Henri Géraud, le défenseur de Raoul Villain

 (cf. 31) et de Violette Nozière (cf. 37).

Pour la défense de son client, l’avocat plaide la démence de celui-ci. Gorgulov apparaît agité et tient des propos plus ou moins cohérents. Il déclare avoir agi pour se venger de la France qui n’est pas intervenue en Russie contre les bolcheviks et qui a reconnu l’URSS en 1924. 

Deux jours plus tard, les jurés n’ont pas retenu la thèse de la démence, Gorgulov est condamné à mort. La Cour de cassation rejette le pourvoi le 20 août. Gorgulov est guillotiné le 14 septembre 1932 par Anatole Deibler, devant la prison de la Santé.

Bien que Gorgulov ait toujours affirmé avoir agi seul, une thèse circule avec insistance durant l'affaire selon laquelle il s'agirait d'un complot visant à stopper les projets de remilitarisation défendus par Paul Doumer.


Paul Gorgulov

Est-ce l’éclat de grenade reçu à la tête pendant la guerre qui aurait quelque peu perturbé le cerveau de ce Caucasien ? 

Né en 1895, c’est un cosaque issu d’une famille de paysans aisés. Démobilisé après sa blessure, il entreprend des études de médecine interrompues par la révolution de 1917. Il rejoint alors les rangs des Armées blanches, en tant que médecin auxiliaire.

Il s’exile et reprend à Prague, ses études de médecine. Diplômé en 1926, il installe son cabinet dans une petite ville où il crée le parti « Vert », dont il est le président. Il se trouve aussi une vocation de poète et d’écrivain, publie plusieurs livres à compte d’auteur à la gloire de la « Sainte Russie ».

Il se marie mais sa femme demande rapidement le divorce pour mauvais traitements ; il laisse d’autres traces dans son pays d’accueil qu’il doit fuir en 1930 : des avortements ayant entraîné la mort ainsi que des viols.

Il entre en France grâce à un « passeport Nansen », (explorateur polaire puis diplomate norvégien, Haut-commissaire pour les réfugiés à la Société des Nations, qui crée ce passeport pour les apatrides, reconnu par plus de cinquante pays).

A Paris, il se marie, s’installe médecin à Boulogne-Billancourt, sans diplôme reconnu, ce qui lui vaut un arrêté d’expulsion. Il s’installe alors à Monaco où il dilapide en peu de temps la dot de sa femme au casino.

Cet homme à l’ego boursouflé, qui se croit poète, écrivain, théoricien politique (il a rédigé une constitution pour «l’Union des Grandes Russies» et formé un triumvirat prêt à la diriger), se retrouve ruiné et face à sa médiocrité. Il lui faut un acte qui lui redonne l’estime de soi et la reconnaissance de ses compatriotes. Ce sera l’assassinat du Président de la République française. 

Les « Russes Blancs » en France

L’image d’Epinal du taxi conduit par un grand duc en exil ou d’une comtesse dame pipi dans un cabaret parisien…

Les premiers Russes s’installent en France dès 1918 ; ce sont surtout des aristocrates qui parlent français et qui sont déjà venus en France en villégiature.

En 1921, l’Armée blanche, défaite par l’avancée de l’Armée rouge, quitte la Russie par le sud, par la Crimée, et essaime à travers les Carpates.

La France manque alors de main d’œuvre ; les réfugiés trouvent rapidement du travail dans les entreprises qui embauchent.

Au total, on estime qu’un peu moins de un million de Russes ont fui leur pays après la Révolution, dont 250.000 ont immigré en France dans les années 1925-26. Un « Paris russe » se fait jour. Ils s’installent dans le 15e, à proximité des usines Citroën ou dans le 17e autour de la rue Daru où se trouve l’église orthodoxe de Paris, ou encore, comme Gorgulov, à Boulogne-Billancourt, près des usines Renault, mais aussi à Meudon, sur la côte d’Azur, dans le sud-ouest, dans les villes industrielles.

La communauté russe est très soudée ; elle fonde foyers, écoles, orphelinats, hôpitaux. La vie religieuse s’articule autour de l’église de la rue Daru ou bien celles de la rue de Crimée ou de rue de Lourmel.

La vie politique est intense, « Jeunes Russes » nationalistes, socialistes et monarchistes partagés entre les partisans du Grand-Duc Nicolas et ceux du Grand-duc Cyril ; toutes ces organisations sont infiltrées par des agents de la Guépéou.


D’après Youri Troubnikoff

LES RUSSES BLANCS EN FRANCE – Leur histoire, leurs institutions (cdi-garches.com)

Un site russe pour compléments sur l’attentat :

"Tuez-moi, comment vous avez tué mon pays!" (topwar.ru)