33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
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33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
29 : Jeudi 21 décembre 1911 - La bande à Bonnot
30 : Lundi 16 mars 1914 - L’affaire Caillaux

33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
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33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
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33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
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33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
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33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté
33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté

33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté

76, rue de Rochechouart (9e)

33 : Samedi 12 avril 1919 – Landru arrêté

76, rue de Rochechouart (9e)

Sommaire :

Le Petit Journal, 13 avril 1919 - arrestation de Nandru

15 avril 1919, Nandru est devenu Landru

Landru avant l'affaire

La méthode Landru

Le Barbe Bleue de Gambais (et d'ailleurs)

Madame Buisson et madame Colomb

Des disparitions et des fumées

Arrestation

L’instruction et les nombreuses preuves

Le procès

Verdict et exécution

Epilogue

Gallica.bnf.fr


Le Petit Journal, 13 avril 1919 – arrestation de Nandru (!)

Nandru est actuellement inculpé de vols qualifiés, d’escroqueries et d’abus de confiance, toutes inculpations qu’il nie, sans toutefois donner la moindre explication, se contentant de répondre à toutes les questions : « Je n’ai rien à vous dire ; vous vous débrouillerez avec mon avocat. »

Il se pourrait, cependant, qu’avant peu ce triste personnage trouve plus prudent d’être un peu moins réservé, car, selon toute vraisemblance, il aura à répondre devant la justice de faits autrement plus graves que ceux qui lui sont reprochés aujourd’hui. A ce sujet, les charges les plus lourdes pèsent déjà sur lui.  (retronews.fr)

15 avril 1919, Nandru est devenu Landru

Une du Journal : Un Frégoli du crime, Landru qu’on accuse d’avoir assassiné  quatre femmes avait quatre noms et quatre domiciles

« On le retrouve un peu partout installé comme chez lui et toujours sous un nom différent. C’est un être affolant qui semble même entraîner la justice dans des transformations étonnantes. […] On l’a questionné longuement (au parquet de Mantes), tourné, retourné, il n’a pas perdu pied, n’a rien avoué. On lui dit qu’il avait, en dehors de la villa de Gambais, une autre maison de campagne à Vernouillet, une troisième à Pontoise, et peut-être une quatrième du côté de Senlis ; il ne s’est pas ému. « J’adore la campagne » a-t-il riposté. […]

- Pour quel motif, alors que vous vous appelez Dupont à Gambais, vous faisiez-vous appeler Blairet à Vernouillet ?

Souriant, il répond

Mais j’avais encore bien d’autres noms.

[…]

Ces bijoux, qui ont appartenu aux femmes qui étaient vos maîtresses, pourquoi les possédez-vous ?

Mais parce que je leur avais avancé de l’argent, ce sont des gages.

Enfin, ces femmes qu’on recherche partout, depuis des mois, que sont-elles devenues ?

Ah ! monsieur !... sait-on jamais où vont les femmes quand elles vous quittent ?

D'un client comme celui-là, monsieur Rossignol ne pouvait rien tirer…

Landru avant l’affaire

Issu d'une famille modeste., Henri Désiré Landru est né le 12 avril 1869 à Paris 19e, 41, rue de Puebla (aujourd'hui avenue Simon-Bolivar). Fils d’un chauffeur aux Forges de Vulcain, qui se suicida en 1912, et d’une couturière et blanchisseuse à domicile, décédée en 1910.

Une enfance heureuse et de bonnes études, il est enfant de chœur et officie même parfois comme sous-diacre, si bien que ses parents envisagent de le faire entrer au séminaire. En revanche, il ne parvient pas à concrétiser ses études supérieures en architecture.

En 1893, il épouse sa cousine, Marie-Catherine Rémy, après ses trois années réglementaires de service militaire au cours duquel il atteint le grade de sergent. Le couple aura quatre enfants : Marie-Henriette (1891 – 1985), Maurice (1894), Suzanne (1896 –1986) et Charles (1900 – 1980) ; tous prendront ultérieurement le patronyme de leur mère.

De 1893 à 1899, Landru enchaînera une dizaine de métiers : comptable, cartographe, plombier ou brocanteur, mais sans jamais vraiment réussir à subvenir aux besoins de sa famille.

A partir de 1899, il décide changer de méthode pour gagner de l’argent et opte pour l’escroquerie : il lance une campagne de publicité pour des bicyclettes à pétrole, spécifiant que toute commande doit être accompagnée d'un mandat pour un tiers du prix. Les commandes affluent et il disparaît avec l'argent. C’est le début d’une collection d’autres escroqueries sous des faux noms, de condamnations à des amendes et à une première peine de prison, prison dont il parvient à sortir après une expertise de médecins aliénistes qui le déclarent dans "un état mental maladif, qui sans être de la folie, n'est plus du moins l'état normal".

En 1909, son deuxième emprisonnement est dû à une escroquerie qui annonce sa future et terrible spécialité : suite à la publication d'une annonce matrimoniale, il se fiance et disparaît après s’être fait remettre les titres de la jeune femme grugée.

Dès sa sortie de prison, il achète un garage, qu'il revend immédiatement sans avoir payé le précédent propriétaire. Vite identifié, il prend la fuite et est condamné par contumace à quatre ans de prison en 1914. C’est sa troisième condamnation à une peine de plus de trois mois ; il est automatiquement condamné à la relégation, c'est-à-dire à être déporté à vie au bagne de Guyane.

La guerre fait du fugitif un déserteur ; en cas d’arrestation, il sait qu’il n’échappera pas au peloton.

C’est maintenant que Landru l’escroc devient tueur en série.

La méthode Landru

L’entrée en guerre est propice à son macabre projet : les hommes sont au front, les femmes souffrent de solitude ou se retrouvent veuves. Et la police a d’autres choses à faire que de se soucier de « fugues » de femmes majeures.

Alors que pour sa femme et ses enfants il est toujours brocanteur, il passe l’essentiel de son temps à une toute autre activité, des rendez-vous après avoir passé des annonces dans des journaux ou des agences matrimoniales : « Monsieur sérieux, ayant petit capital, désire épouser veuve ou femme incomprise, entre 35 et 45 ans, bien sous tous rapports, situation en rapport » ; « M. sérieux, bonne situation, 47 a, s. famille, désire épouser dame veuve, s. famille ou incomprise, situation en rapp., âge indiff. » etc.

Landru sélectionne ses proies, il classe méthodiquement les centaines de lettres reçues en plusieurs séries : « répondre de suite », « sans fortune, rien à faire », etc. Il organise ses rendez-vous (parfois plus de dix par jour) en homme d’affaires, notant tout sur son carnet.

Il multiplie les faux-noms, Morice, Dupont, Baizieux, Forest de Bergieux, Diart, Prunier, Desjardins, on en dénombrera 90 dont Tartempion qui passera à la postérité. Si on lui demande ses papiers d’identité, il ne peut pas les fournir car il est réfugié, il prétend alors qu’il a dû quitter Lille, occupée par les Allemands.

Il s’adapte à chacune des élues : officier de marine, industriel, professeur, etc. devenant libertin, dévot ou martial, selon les besoins.

Gallica.bnf.fr


Le Petit Journal, 13 avril 1919 – arrestation de Nandru (!)

Nandru est actuellement inculpé de vols qualifiés, d’escroqueries et d’abus de confiance, toutes inculpations qu’il nie, sans toutefois donner la moindre explication, se contentant de répondre à toutes les questions : « Je n’ai rien à vous dire ; vous vous débrouillerez avec mon avocat. »

Il se pourrait, cependant, qu’avant peu ce triste personnage trouve plus prudent d’être un peu moins réservé, car, selon toute vraisemblance, il aura à répondre devant la justice de faits autrement plus graves que ceux qui lui sont reprochés aujourd’hui. A ce sujet, les charges les plus lourdes pèsent déjà sur lui.  (retronews.fr)

15 avril 1919, Nandru est devenu Landru

Une du Journal : Un Frégoli du crime, Landru qu’on accuse d’avoir assassiné  quatre femmes avait quatre noms et quatre domiciles

« On le retrouve un peu partout installé comme chez lui et toujours sous un nom différent. C’est un être affolant qui semble même entraîner la justice dans des transformations étonnantes. […] On l’a questionné longuement (au parquet de Mantes), tourné, retourné, il n’a pas perdu pied, n’a rien avoué. On lui dit qu’il avait, en dehors de la villa de Gambais, une autre maison de campagne à Vernouillet, une troisième à Pontoise, et peut-être une quatrième du côté de Senlis ; il ne s’est pas ému. « J’adore la campagne » a-t-il riposté. […]

- Pour quel motif, alors que vous vous appelez Dupont à Gambais, vous faisiez-vous appeler Blairet à Vernouillet ?

Souriant, il répond

Mais j’avais encore bien d’autres noms.

[…]

Ces bijoux, qui ont appartenu aux femmes qui étaient vos maîtresses, pourquoi les possédez-vous ?

Mais parce que je leur avais avancé de l’argent, ce sont des gages.

Enfin, ces femmes qu’on recherche partout, depuis des mois, que sont-elles devenues ?

Ah ! monsieur !... sait-on jamais où vont les femmes quand elles vous quittent ?

D'un client comme celui-là, monsieur Rossignol ne pouvait rien tirer…

Landru avant l’affaire

Issu d'une famille modeste., Henri Désiré Landru est né le 12 avril 1869 à Paris 19e, 41, rue de Puebla (aujourd'hui avenue Simon-Bolivar). Fils d’un chauffeur aux Forges de Vulcain, qui se suicida en 1912, et d’une couturière et blanchisseuse à domicile, décédée en 1910.

Une enfance heureuse et de bonnes études, il est enfant de chœur et officie même parfois comme sous-diacre, si bien que ses parents envisagent de le faire entrer au séminaire. En revanche, il ne parvient pas à concrétiser ses études supérieures en architecture.

En 1893, il épouse sa cousine, Marie-Catherine Rémy, après ses trois années réglementaires de service militaire au cours duquel il atteint le grade de sergent. Le couple aura quatre enfants : Marie-Henriette (1891 – 1985), Maurice (1894), Suzanne (1896 –1986) et Charles (1900 – 1980) ; tous prendront ultérieurement le patronyme de leur mère.

De 1893 à 1899, Landru enchaînera une dizaine de métiers : comptable, cartographe, plombier ou brocanteur, mais sans jamais vraiment réussir à subvenir aux besoins de sa famille.

A partir de 1899, il décide changer de méthode pour gagner de l’argent et opte pour l’escroquerie : il lance une campagne de publicité pour des bicyclettes à pétrole, spécifiant que toute commande doit être accompagnée d'un mandat pour un tiers du prix. Les commandes affluent et il disparaît avec l'argent. C’est le début d’une collection d’autres escroqueries sous des faux noms, de condamnations à des amendes et à une première peine de prison, prison dont il parvient à sortir après une expertise de médecins aliénistes qui le déclarent dans "un état mental maladif, qui sans être de la folie, n'est plus du moins l'état normal".

En 1909, son deuxième emprisonnement est dû à une escroquerie qui annonce sa future et terrible spécialité : suite à la publication d'une annonce matrimoniale, il se fiance et disparaît après s’être fait remettre les titres de la jeune femme grugée.

Dès sa sortie de prison, il achète un garage, qu'il revend immédiatement sans avoir payé le précédent propriétaire. Vite identifié, il prend la fuite et est condamné par contumace à quatre ans de prison en 1914. C’est sa troisième condamnation à une peine de plus de trois mois ; il est automatiquement condamné à la relégation, c'est-à-dire à être déporté à vie au bagne de Guyane.

La guerre fait du fugitif un déserteur ; en cas d’arrestation, il sait qu’il n’échappera pas au peloton.

C’est maintenant que Landru l’escroc devient tueur en série.

La méthode Landru

L’entrée en guerre est propice à son macabre projet : les hommes sont au front, les femmes souffrent de solitude ou se retrouvent veuves. Et la police a d’autres choses à faire que de se soucier de « fugues » de femmes majeures.

Alors que pour sa femme et ses enfants il est toujours brocanteur, il passe l’essentiel de son temps à une toute autre activité, des rendez-vous après avoir passé des annonces dans des journaux ou des agences matrimoniales : « Monsieur sérieux, ayant petit capital, désire épouser veuve ou femme incomprise, entre 35 et 45 ans, bien sous tous rapports, situation en rapport » ; « M. sérieux, bonne situation, 47 a, s. famille, désire épouser dame veuve, s. famille ou incomprise, situation en rapp., âge indiff. » etc.

Landru sélectionne ses proies, il classe méthodiquement les centaines de lettres reçues en plusieurs séries : « répondre de suite », « sans fortune, rien à faire », etc. Il organise ses rendez-vous (parfois plus de dix par jour) en homme d’affaires, notant tout sur son carnet.

Il multiplie les faux-noms, Morice, Dupont, Baizieux, Forest de Bergieux, Diart, Prunier, Desjardins, on en dénombrera 90 dont Tartempion qui passera à la postérité. Si on lui demande ses papiers d’identité, il ne peut pas les fournir car il est réfugié, il prétend alors qu’il a dû quitter Lille, occupée par les Allemands.

Il s’adapte à chacune des élues : officier de marine, industriel, professeur, etc. devenant libertin, dévot ou martial, selon les besoins.

Les documents saisis pendant l’enquête démontrent que Landru est ainsi entré en contact avec 283 femmes ! On ne connaît pas le nombre de celles avec qui il aura prolongé la relation mais on sait quels sont ses critères : des économies et une vie suffisamment isolée de leur entourage. Pour cela, il dresse un fichier précis des femmes rencontrées, notant aussi bien des détails physiques que leur situation familiale et l'état de leur fortune.

Petit, chauve à la longue barbe noire, le regard perçant, Landru n’est pas beau mais il est distingué, éloquent, sait manier l’humour et peut-être a-t-il d’autres talents plus intimes. C’est grâce à ces qualités qu’il charme ses futures victimes et peut mener à bien son criminel projet.

Le Barbe Bleue de Gambais (et d’ailleurs)

Ou encore le « Saigneur de Gambais » dans la presse.

La phase de séduction a opéré, la future victime est maintenant suffisamment en confiance pour avoir signé une procuration en faveur de son « fiancé » lui permettant de disposer de son patrimoine. Pour cela, il l’a invitée à faire des séjours de détente, à la campagne, dans une villa qu’il possède ; l’isolement est doux pour les couples naissants et Landru, le charmeur, met peu de temps pour obtenir cette procuration.

Une première villa, louée près de Chantilly, est remplacée par une deuxième à Vernouillet, qu’il abandonnera en août 1915 car il a été contrôlé dans le train avec un billet périmé et a été obligé de produire des papiers avec cette adresse. Il cherche alors un autre endroit et opte pour la villa « l’Ermitage », à Gambais, située à 300m du bourg.  

C’est successivement dans ces deux villas que Landru peut assassiner et faire disparaître les corps des malheureuses.

Villa « L’Ermitage » avant d’être la « Villa Landru »

Madame Buisson et madame Colomb

Le Journal, 15 avril 1919 :

Melle Lacoste relate le cas de Mme Buisson, sa sœur, qui consultait chaque jour les annonces pour se remarier : « Est-ce ainsi qu’elle a fait connaissance du pseudo-Fremiet ? Je ne sais. Comme je lui avais reproché souvent de « chercher un mari dans les journaux », elle aima mieux me dire qu’elle avait fait la connaissance de son fiancé dans le métro. Fremiet se dit réfugié de Lille (zone occupée par les Allemands) où, soi-disant, il avait une maison et des biens. Mais, pour se marier, il fallait, disait-il, attendre la libération de son pays. Toujours est-il qu’avec les meubles de ma sœur ils s’installèrent tous deux assez confortablement au numéro 113 du boulevard Ney.

Il ne travaillait pas. Il se disait toujours à la veille d’avoir enfin une position sociale. Néanmoins, il n’était pas démuni d’argent et c’est bien lui qui subvenait aux besoins du ménage.

Les dimanches et jours de fête ils allaient à leur maison de campagne de Gambais. C’est ainsi que le 15 août 1917, moi-même j’y allai passer la journée avec eux. Nous eûmes du mal à y passer la nuit ; il se trouvait là juste deux mauvais petits lits pliants et une table de toilette. Je n’y retournai plus jamais mais Fremiet, lui, m’écrivait, vint encore assez souvent me voir chez moi, et, toujours très aimable, m’apporta jusqu’à des gerbes de fleurs.

Comme je finis par lui reprocher assez vertement de ne jamais emmener ma sœur avec lui (ma sœur qui, disait-il, était très occupée et se reposait sur lui pour m’envoyer ou m’apporter de ses nouvelles), ses visites cessèrent et je serai longtemps sans savoir ce qu’il était devenu. Il fit vendre le mobilier que ma sœur avait laissé boulevard Ney – d’où elle partit probablement avec esprit de retour puisqu’elle ne donna jamais congé et n’annonça même pas une longue absence à sa concierge – et disparut. Je l’ai revu et je lui ai parlé le jour où on l’a arrêté. Pressé de questions par moi, il n’a pas su quoi me répondre ou plutôt qu’il n’avait d’explications à me donner. Il m’a semblé qu’il se trouvait gêné en ma présence et quant à moi, ma conviction est faite : cet homme-là a tué ma sœur comme il doit avoir assassiné d’autres malheureuses femmes. »

Dans le même quotidien du 15 avril 1919, le cas de Mme Collomb :

L’une des disparues est Anna Collomb, née Moreau ; elle est âgée de 44 ans. Elle habite, en décembre 1916 au 15, rue Rodier, et c’est alors qu’elle connaît Landru qui se fait appeler Cuchet de Fremyaire ; il lui a promis le mariage. Le logement de Mme Collomb est déménagé par les soins de Landru et Mme Colomb annonce peu après à sa famille qu’elle habite une villa à Gambais avec son futur. Peu de temps après, Mme Colomb cesse de donner de ses nouvelles.

Au printemps 1917, les parents qui, plusieurs fois, ont manifesté leur inquiétude, reçoivent une gerbe de fleurs, apportée chez leur concierge, boulevard Voltaire, par un jeune homme qui, croit-on, est le fils de Landru. A la gerbe est épinglée la carte de visite de Mme Collomb ; Cuchet de Fremyaire a tracé ses initiales, C. de F., sous le nom de sa fiancée.

Ce bouquet n’a d’autre but que de calmer les soupçons de la famille Moreau, mais cela dure peu ; la sœur de la disparue, Mme Polo, et M. et Mme Moreau n’ont plus l’espoir de revoir vivante Anna Collomb. Une amie de madame Collomb et Melle Lacoste seront à l’origine des soupçons sur le sieur de Gambais

Des disparitions et des fumées

Fin 1918, le maire de Gambais reçoit une lettre de Mme Pellat qui s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles de son amie, madame Collomb, fiancée à un monsieur Cuchet de Frémyaire, installé à Gambais. Cette première lettre est suivie d’une autre envoyée par Melle Lacoste qui, elle, demande des nouvelles de Célestine Buisson, installée à Gambais chez un certain Fremyet !

Le maire met en contact les deux personnes qui se rendent immédiatement compte des coïncidences, deux annonces parues dans Le Journal à un mois de distance. Les deux familles portent plainte, l’enquête est confiée à l’inspecteur Jules Belin.

La villa est vite identifiée, elle appartient à M. Tric qui la loue à un « monsieur Dupont », demeurant à Rouen. Ce Dupont est introuvable mais son courrier est retourné chez « M. Guillet », demeurant boulevard Ney, autrement dit à l’adresse de Mme Buisson.

A Gambais, les témoignages évoquent tous un petit homme chauve et barbu, arrivant avec à chaque fois une femme différente et repartant seul. Et on évoque aussi les odeurs nauséabondes et la fumée noire qui s’échappent de la cheminée … hiver comme été.

Soupçons de plusieurs meurtres et un suspect aux multiples identités, l’enquête est compliquée mais elle connaît un coup d’accélérateur le 8 avril 1919 lorsqu’une voisine de Melle Lacoste reconnaît, rue de Rivoli, le « fiancé » de Célestine Buisson au bras d’une femme, sortant d’un magasin rue de Rivoli. Grâce au vendeur, l’inspecteur Bertin a un nom, Guillet, et une adresse (de livraison), 76, rue de Rochechouart.

Arrestation

Au 5e étage, à l’aube du 12 avril 1919, les inspecteurs Belin et Braunberger surprennent au lit, en galante compagnie, Lucien Guillet, un ingénieur impliqué dans la disparition de plusieurs femmes.

Leur mandat de perquisition porte plusieurs noms, mais c’est un permis de conduire qui permet d’identifier Henri Désiré Landru. Un entrefilet paraît dans le Petit Journal le lendemain puis c'est la une de tous les journaux les jours suivants (cf. plus haut).

La femme qui partageait le lit de Landru au moment de son arrestation, Fernande Segret, artiste lyrique, devient « la rescapée ».

Anna Collomb habitait 15, rue Rodier, à quelques centaines de mètres de là.

L’instruction et les nombreuses preuves

Un petit carnet noir est trouvé le jour de son arrestation sur lequel sont notés onze noms, dont ceux des deux disparues.

La villa de Vernouillet est découverte après celle de Gambais, ainsi que deux garages que le prévenu louait à Neuilly et Clichy.

On trouve à Gambais une quantité de pièces à conviction : des objets ou fragments d’objets ayant appartenu aux femmes disparues : morceaux de corsets, agrafes, épingles, des boutons ou des chaussures, en partie brûlés.

Et il y a la cuisinière et des montagnes de cendres réparties entre la cuisinière, la cheminée et le hangar où des restes supposés humains sont découverts. Plus de quatre kilos d’os calcinés dont 1,5 provenant de corps humains, ainsi que 47 dents, le tout correspondant à trois têtes, cinq pieds et six mains !

Dans le garage de Clichy, on trouve des meubles ayant appartenu à l’une des victimes. Landru confiait le déménagement à son fils qui le prenait pour un brocanteur.

Comme on l’a vu précédemment, Landru a une qualité : l’esprit méthodique et administratif ; il comptabilise, archive, classe presque tout. C’est ainsi que les enquêteurs vont retrouver la preuve de l’achat de plusieurs scies à métaux, de scies à bûches et de grosses quantités de charbon.

Ainsi qu'un document où figurent les noms des « fiancées » associés à des dates précises :             
12 avril  1917 Mlle Babelay 4 h soir         
1er septembre 1917 Mme Buisson 10 h 15         
26 novembre 1917 Mme Jaume 5 h           
5 avril 1918 Mme Pascal 17 h 15

Des reçus de billets de train pour Vernouillet ou Gambais avec, à chaque fois, un aller-retour (pour lui) et un aller simple (pour l’invitée).

Les 283 femmes répertoriées, etc.

Des recherches sont faites sur toutes les femmes portées disparues. Il est probable que certaines d’entre elles ont croisé le chemin de Landru mais, faute de preuves, l’accusation ne porte que sur les onze femmes mentionnées dans le carnet noir.

Malgré l’accumulation de preuves, Landru ne reconnaîtra jamais rien au cours de ses nombreux interrogatoires, pas un aveu, pas un mot si ce n’est face aux aliénistes pour tenter de se faire passer pour irresponsable. « Pas de corps, pas de preuve », c’est là son axe de défense.

Après deux ans et demi d’instruction, c’est donc un épais dossier de 5.000 pièces qui arrive au tribunal,  avec un important faisceau de présomptions mais sans preuves irréfutables. 

Le procès

Le procès s’ouvre le 7 novembre 1921 devant la Cour d’assises de Seine-et-Oise, à Versailles.

Il y a foule. Le Tout-Paris est là : des représentants de l’aristocratie française et étrangère, Maurice Chevalier, Mistinguett, Dranem, Raimu ou Colette, à l’époque chroniqueuse judiciaire.

Le principal défenseur de Landru est Me Moro-Giaffieri, grand avocat qui participa à la défense de la bande à Bonnot (cf. 29) et assura celle de Joseph Caillaux (cf. 30). La cour est présidée par le président Gilbert.

Tout au long du procès, Landru clamera qu’il est certes un escroc, qu’il a volé ses victimes, mais pas un assassin. Devant les nombreuses pièces à charge, le carnet noir, les reçus des billets de train et la fameuse cuisinière qui a été transportée dans la salle d'audience, Landru élude : « ma vie privée ne regarde que moi. »

La même éloquence et le même humour qui lui ont permis de séduire ses victimes vont également agir sur le public.

Landru est même parfois provocateur : quand le président tente de la raisonner « Voyons Landru, toutes ces femmes...vos enfants ne disaient rien ? », Landru répond « Quand je donne un ordre à mes enfants, moi, monsieur le juge, ils obéissent. Ils ne cherchent pas le pourquoi ni le comment. Je me demande comment vous élevez les vôtres ! » « Si les femmes que j'ai connues ont quelque chose à me reprocher, elles n'ont qu’à déposer plainte ! » Ou bien encore, lorsqu’il est en difficulté : « Montrez-moi les cadavres. »

Landru assure le spectacle ; lorsque le président Gilbert menace les rieurs de les faire sortir manu militari : « Si les rires continuent, je vais demander à chacun de rentrer chez soi ! », « Pour ma part, monsieur le Président, ce n’est pas de refus ! » Face à l’avocat général : « Vous parlez toujours de ma tête, Monsieur l'avocat général. Je regrette de n'en avoir pas plusieurs à vous offrir ! »

L’avocat Moro-Giaffieri tente un coup : il affirme que des victimes ont été retrouvées et vont venir se présenter devant la cour. Public et jurés tournent la tête vers la porte ; quelques secondes passent puis l’avocat dit qu’il vient de démontrer que ceux qui ont tourné la tête ont des doutes sur la véracité des assassinats imputés à son client. Ce à quoi l’avocat général rétorque immédiatement que Landru, lui, n’avait pas tourné la tête.

Verdict et exécution

30 novembre 1921, après trois semaines de procès et face aux témoignages accablants, aux nombreuses présomptions, et huit heures de délibération, Landru est déclaré coupable des onze meurtres et condamné à la guillotine. Il console son avocat « Que voulez-vous, dans toutes les batailles, il y a des tués. Pourriez-vous demander un autographe de ma part à Mme Colette ? »

Le recours en grâce est rejeté le 24 février.

Prison Saint-Pierre de Versailles, le lendemain, 25 février 1922, à 5h25, on vient chercher Landru dans sa cellule. A l’aumônier qui lui aurait demandé « Mon fils, croyez-vous en Dieu ? », Landru lui  répond « Monsieur le curé, je vais mourir et vous jouez aux devinettes ».

On lui propose le traditionnel dernier verre de rhum et la dernière cigarette : « Ce n’est pas bon pour la santé. » Et, surtout, à son avocat qui lui demande s’il a bel et bien assassiné ces femmes : « Cela, Maître, c'est mon petit bagage... »

Il est exécuté à 6h05 par le bourreau Anatole Deibler.

Ses onze crimes (reconnus) lui avaient rapporté 35.642 francs. Il avait régulièrement transmis des subsides à son, épouse, Marie-Catherine et à ses quatre enfants.

Epilogue

Landru est enterré au cimetière des Gonards à Versailles. Comme le veut la loi, une croix en bois avec son seul prénom, Henri Désiré. Landru y est toujours mais rien n'indique l'emplacement.

Le tueur en série a exercé une véritable fascination : durant son incarcération, il aurait reçu 4.000 lettres d’admiratrices et 800 demandes en mariage ! Aux élections législatives de 1919, près de 4.000 bulletins de vote porteront le nom de Landru ! 

La villa de Gambais fut pillée par la foule puis vendue à un restaurateur qui la rebaptisa … Au Grillon du Foyer ! La maison appartient aujourd’hui à un particulier.

Un médecin légiste aurait conservé le carton contenant les restes humains numérotés venant de la cuisinière ; à sa demande, le carton aurait été enterré au pied d'un saule pleureur du Jardin des Plantes.

Enfin, Fernande Segret, la « rescapée », avouera pendant l'instruction que Landru avait tenté de l'empoisonner par deux fois. À la date anniversaire de la demande en mariage faite par Landru, le 21 janvier 1968, elle se jeta dans les douves du château de Flers, non loin de la maison de retraite où elle s'était retirée. Dans sa chambre, il y avait deux photos : l'une de sa mère, l'autre de Landru...

Gallica.bnf.fr


Les onze victimes reconnues

février 1915 : Jeanne Cuchet, veuve d'un commerçant, 39 ans, disparue à Vernouillet ; la première de ses victimes, rencontrée dans le jardin du Luxembourg.

février 1915 : André Cuchet, fils de Jeanne Cuchet, 17 ans, disparu à Vernouillet 

26 juin 1915 : Thérèse Laborde-Line, 46 ans, séparée, disparue à Vernouillet 

3 août 1915 : Marie-Angélique Guillin, 52 ans, ancienne gouvernante, 52 ans, disparue à Vernouillet

8 décembre 1915 : Berthe-Anna Héon, 55 ans, veuve, femme de ménage, disparue à Gambais

27 décembre 1916 : Anna Collomb, 44 ans, veuve, secrétaire, disparue à Gambais

12 avril 1917 : Andrée-Anne Babelay, 19 ans, domestique, disparue à Gambais

1er septembre 1917 : Célestine Buisson, veuve, femme de ménage, disparue à Gambais

26 novembre 1917 : Louise-Joséphine Jaume, 38 ans, en instance de divorce, disparue à Gambais

5 avril 1918 : Anne-Marie Pascal, 38 ans, divorcée, couturière, disparue à Gambais

13 janvier 1919 : Marie-Thérèse Marchadier, 38 ans, ancienne prostituée, tenancière d'une maison de passe, 37 ans, disparue à Gambais (la police retrouvera les cadavres de ses trois chiens, étranglés).

Compléments :

Retronews.fr

http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/le-proces-de-landru-24504.html

Henri Désiré Landru — Wikipédia (wikipedia.org)

Landru, film de  Claude Chabrol réalisé en 1963

René Masson, Landru, le Barbe-Bleue de Gambais, Paris, Rombaldi, 1974, 2 vol.

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