29 : 1866 – La Païva s’installe aux Champs-Elysées
29 : 1866 – La Païva s’installe aux Champs-Elysées
5 : 1832 - Les Saint-Simoniens 145, rue de Ménilmontant

25 : 5 juillet 1855 - Ouverture des Bouffes Parisiens au carré Marigny


Actuellement Théâtre Marigny

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Le succès de cette soirée du 5 juillet : une œuvre de l’écrivain et librettiste Jules Moinaux, Les Deux Aveugles, opérette en un acte dont l’argument assez simple tourne autour de deux faux-aveugles. Une autre pièce, Le Violoneux, révèle une recrue de choix, la toute jeune cantatrice Hortense Schneider, 22 ans.

Le théâtre est petit, 300 places. Offenbach se limite donc à trois voix dans des pièces en un acte, avec plusieurs pièces jouées dans la même soirée.

La bail avait été signé le 20 juin 1855 ; le nouveau directeur de la salle avait donc 20 jours pour équiper le théâtre, recruter le personnel, les acteurs et l’orchestre, la composition des œuvres et l’écriture des livrets. Parmi tous ces intervenants, une recrue  de choix, Ludovic Halévy (neveu du chef d’orchestre Fromenthal Halévy), avec qui il va commencer une collaboration fructueuse. Halevy sera le chef de bureau au ministère de l'Algérie ; en effet, il est haut fonctionnaire et le restera. Ecrivain de talent et dialoguiste raffiné à ses heures perdues - il devait en avoir beaucoup puisqu’il est l’auteur d’un nombre considérable de comédies et vaudevilles, d’une vingtaine de romans et nouvelles et, surtout, de livrets d’opérettes et celui d’un opéra et pas des moindres, Carmen, dont une partie écrite en collaboration avec Henri Meilhac. Très proche d’Emile Zola, Halévy deviendra académicien, à la différence de son ami.

Halévy collaborera avec Offenbach pendant 24 ans à 21 œuvres, dont leurs plus célèbres.

Ludovic Halévy caricaturé par Lhéritier – gallica.bnf.fr


Quant à Jacques Offenbach, il est d’abord Jakob Offenbach, né en 1819 dans une famille juive, à Cologne, le septième des dix enfants d'Isaac Juda Offenbach et de Marianne, née Rindskopf. Une famille musicienne, Isaac est chantre dans les synagogues, violoniste avant de s'établir à Cologne comme professeur de musique.

Jakob apprend le violon dès six ans ; à douze ans, il maîtrise parfaitement le violoncelle, exécute ses propres compositions, déjà élaborées selon son maître.

En 1833, Isaac part pour Paris avec Jakob et son frère aîné de quatre ans, Julius. Tous les deux réussissent leur audition auprès de Luigi Cherubini, directeur du Conservatoire. Julius sera diplômé, professeur de violon puis chef d’orchestre de renom ; il dirigera l’orchestre de son frère pendant plusieurs années. Jakob, devenu Jacques, quitte le conservatoire en 1834, lassé du conservatisme de l’enseignement. Il mène pendant quelques mois une vie de bohème, musicien d’orchestre de théâtre avant d’être embauché violoncelliste à l'Opéra-Comique, dont le chef d'orchestre est Fromental Halévy qui le prend sous son aile.

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Son talent naturel maintenant étoffé par une solide formation, Offenbach peut voler de ses propres ailes ; il se produit dans les salons, part en tournée en province, en Allemagne, en Angleterre en 1844 où il accompagne maintenant des musiciens renommés, tels Mendelsshon ou le chef d’orchestre Julius Benedict ; des tournées lucratives.

De retour à Paris, il demande en mariage Herminie d’Alcain, 17 ans, fille d’un général anglais. Main accordée à condition toutefois qu’il abandonne la religion juive pour le catholicisme. Un mariage heureux en dépit de quelques infidélités du mari.

A Paris, Offenbach se produit beaucoup, dans les salles de théâtre et les salons. En 1849, le directeur de la Comédie-Française, Arsène Houssaye, lui propose d’en être le directeur musical, nouvelle expérience précieuse. Il est temps désormais pour Jacques d’avoir sa propre salle.

Carré Marigny, le long de l’avenue des Champs-Élysées, se trouve une salle qui avait été ouverte en 1835. Après 1848, Lacaze, physicien-prestidigitateur y proposait un ensemble d’attractions, le Château d’enfer, « physique amusante, fantasmagorie et curiosité ». En 1855, la salle est vacante depuis quelques années ; Offenbach saisit l’opportunité car, d’ici peu, la France va accueillir l'Exposition universelle de 1855, dans le tout nouveau Palais de l’Industrie à quelques encablures. « Aux Champs-Élysées, il y avait un petit théâtre à louer, construit pour le magicien Lacaze mais fermé pendant de nombreuses années. Je savais que l'Exposition de 1855 amènerait beaucoup de monde à cet endroit. En mai, j'avais trouvé vingt commanditaires et le 15 juin j'ai obtenu le bail. Vingt jours plus tard, j'ai réuni mes librettistes et j'ai ouvert le Théâtre des Bouffes-Parisiens »

Le Cirque de l’Impératrice, le Palais de l’Industrie, la salle Lacaze  gallica.bnf.fr

Bouffes d’été, Bouffes d’hiver

C’est le succès. Mais, l’hiver venu, on s’aventure moins dans la boue de la grande allée des Champs-Elysées. Offenbach se met rapidement à la recherche d’une autre salle pour la mauvaise saison.

Accolée au passage Choiseul, une salle inaugurée en 1827, est le théâtre de monsieur Comte, Louis de son prénom, magicien et ventriloque, qui y présente des pièces enfantines jouées par des enfants. « Il faut rendre à M. Comte la justice que si les pièces de son répertoire ne sont pas des chefs d’oeuvre, sous le rapport de l’art, elles sont au moins sans danger pour les moeurs des jeunes spectateurs (1837) ». En 1846, une loi interdit de faire jouer les enfants sur scène.  Louis cède la direction à son fils Charles ; Offenbach rachète le bail et ouvre le 29 décembre 1855 les Bouffes d'hiver.

La salle Lacaze des Champs-Élysées devient les Bouffes d'été, jusqu’en 1859, date à laquelle Offenbach abandonne cette salle. La salle du passage Choiseul prend alors définitivement le nom de théâtre des Bouffes-Parisiens.

Les œuvres jouées le 29 décembre 1855 : Ba-Ta-Clan, une chinoiserie d’Offenbach et Halévy, suivie d’une quinzaine de pièces en un acte. Le théâtre ne désemplit pas mais « l’extravagance incorrigible d’Offenbach en tant que manager » met à mal les budgets.

Ainsi, en 1858, après que le gouvernement lève les restrictions sur le nombre d'artistes dans les spectacles, Offenbach a les mains libres. Sa première opérette, Orphée aux Enfers, est présentée en octobre : décors de Gustave Doré, des costumes somptueux, vingt artistes sur scène, un grand chœur et un orchestre alors que la faillite menace la troupe. Comble de malchance, Jules Janin, le critique du gouvernemental Journal des Débats, fustige l'opérette pour ses allusions satiriques à la politique de l’empereur par mythologie interposée. Mais, ironie du sort, l'article de Janin attire le public ; c’est un succès, Napoléon lui-même vient voir la pièce. Avec son cancan final, c’est le plus grand succès que le compositeur ait connu de son vivant.

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En 1860, il est maintenant officiellement français, puis Chevalier de la Légion d'honneur. Deux ans plus tard, il cède la direction du théâtre à son chef d'orchestre Alphonse Varney mais reste aux commandes. On construit une salle plus spacieuse, sur les plans de l'architecte Théodore Ballu ; on y produit des œuvres d’autres compositeurs, tels Léo Delibes, ou Rossini, honoré de la demande du « Mozart des Champs-Élysées ». Après quelques changements de main et un public moins nombreux, la salle revient de nouveau à Charles Comte qui, entre-temps, a épousé Berthe Offenbach, la fille de Jacques.

Le succès revient en produisant à nouveau les œuvres du beau-père qui, cependant, préférera faire ses grandes créations dans d’autres salles plus grandes.

Les prolifiques années soixante


Un extrait de la Belle Hélène d'Offenbach

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Quelques échecs en France et en Europe, mais citons les succès de La Belle Hélène en 1864 au théâtre des Variétés, La Vie parisienne en 1866 au Palais-Royal, Barbe Bleue en 1866,  La Grande-duchesse de Gérolstein en 1867 et La Périchole en 1868, ces 3 derniers aux Variétés.

Hortense Schneider est la pièce maîtresse de chacun de ces chefs d’œuvre, malgré ses cachets faramineux, ses excentricités et ses sautes d’humeur. La cantatrice, alias le « Passage des Princes » selon des mauvaises langues (cf. 29, chapitre sur les courtisanes), assure une grande partie du succès (« la triomphatrice du Second Empire » dira plus tard le chansonnier Paulus) ; de même que Jules Janin et sa critique indignée de la Belle Hélène, où il a vu une satire du souverain et de sa cour.

Hortense Schneider dans Barbe Bleue
Jules Cornilliet (gallica.bnf.fr)

La Vie parisienne n’a pas besoin de Janin pour être un succès (Offenbach entame à cette occasion une longue liaison avec la cantatrice Zulma Bouffar), et La Grande-Duchesse de Gerolstein profite de l’affluence de l'Exposition universelle de 1867, y compris Guillaume de Prusse et Bismarck, qui apprécient cette satire antimilitariste -  « Ah ! Que j'aime les militaires », « Bismarck aide à doubler nos recettes, cette fois c'est la guerre à laquelle on rit, et la guerre est à nos portes » écrit Halévy.

Après 1870

Halévy ne se trompe pas ; après Sedan et la chute de Napoléon III, Offenbach un temps connaît la disgrâce, la déconsidération de ses œuvres et même l’hostilité de par ses origines allemandes. C’est l’exil, assez court, en Espagne jusqu’à la fin 1871.

Les œuvres tardives du compositeur auront beaucoup moins de notoriété, si l’on excepte le projet qui lui a longtemps tenu à cœur, un opéra ; ce sera Les contes fantastiques d'Hoffmann, œuvre qu’il laisse inachevée. Il meurt en1880 à l'âge de 61 ans, d’une insuffisance cardiaque provoquée par la goutte aiguë. On lui fait des funérailles d'État. Selon ses propres dires, Offenbach aurait composé plus de 100 œuvres lyriques.

Les Champs-Elysées jusqu’au Rond-Point & le Carré Marigny

Un chemin

A l’origine, c’est l’orée de la vaste forêt du Rouvray dont le Bois de Boulogne est le seul vestige. Louis XIII y chassait au faucon puis Marie de Médicis y fit percer une allée centrale rectiligne dans le prolongement du grand axe du jardin des Tuileries. En 1676, Le Nôtre avec le souci de la perspective qui le caractérise l’élargit et la borde d’alignements d’arbres jusqu’à l’actuelle rue Marbeuf. Cela devient un lieu de promenade malgré les entrepôts de pierres de carrière apportées par bateau.

Sous Louis XV, la vaste place au sortir du jardin est aménagée - la future place de la Concorde – de même que le Rond-Point ; le chemin sans nom prend celui de Grand Cours.

Pour le plaisir

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Les Champs-Elysées par Deroy - Gallica.bnf.fr

Le Grand Hall par Jules Arnoult – gallica.bnf.fr

C’est un lieu assez mal famé où poussent les guinguettes et les salles de jeux dans les bosquets ; cependant la proximité du faubourg Saint-Honoré et le développement des hôtels particuliers dont les jardins voisinent avec le Grand Cours vont progressivement changer son image.

Des établissements de renom commencent à s’installer, à commencer par le café dit des Ambassadeurs - l’hôtel d’Aumont, aujourd’hui l’hôtel Crillon, est le lieu de résidence des délégations étrangères -, suivi de près par le restaurant Le Doyen.

Une salle de danse, ce que la bonne société appelait un waux-hall, avait été construite : le Colisée, rendez-vous de l’élégance ; Marie-Antoinette y fit des apparitions et Ruggieri y fit partir ses fusées.

Intermède militaire lorsque, après le défilé des troupes alliées sur l’avenue le 31 mars 1814, les Cosaques y installent leur bivouac.

Sous la Restauration, l’ambiance est encore très champêtre ; les champs de choux et d’avoine ne sont pas loin, l’avenue Montaigne est un chemin rural appelé « allée des Veuves » qui ne demandent qu’à être consolées.

L’allée des Veuves (gallica.bnf.fr)

L’architecte Hittorff, en 1840, reconstruit les Ambassadeurs, l’actuel espace Cardin, et y adjoint un édifice symétrique, l’Alcazar d’été, le pavillon Gabriel, deux cafés-concerts, grands concurrents des Bouffes d’été d’Offenbach, entre la Concorde et le carré Marigny.

Les Ambassadeurs de Hittorff (gallica.bnf.fr)

Le carré Marigny 

Des décennies auparavant, la marquise de Pompadour, occupante de l’Elysée, avait fait abattre les arbres dans le prolongement de son jardin pour élargir la perspective, créant le futur carré Marigny. En 1820, il est rempli de guinguettes, de cirques, de panoramas, et autres lieux de plaisir diversement fréquentés. Le premier bâtiment en dur du carré, en 1841, c’est le Cirque d’été, du même Hittorff,  où s’installe le cirque Franconi.

Le Cirque de l’Impératrice – gallica.bnf.fr

Mais le grand centre d’attraction des Champs de 1841 à 1870, c’est le Bal Mabille où se produisent Mlle Rosita Sergent, la Reine Pomaré (cf. 29), Rigolboche, Rigolette au « voluptueux saut de carpe », Musquette, Séraphine, les sœurs Souris et la créole Frisette. Maria, lorette du Quartier latin, y introduit la mazurka et Clara la polka, des danses scandaleuses à l’époque ; Olivier Métra est le chef d’orchestre ; Arsène Houssaye, Baudelaire, le dessinateur Cham et Nadar font partie des habitués.  

Dans la Fille bien gardée, Labiche imagine que, dans la demeure de la baronne de Flasquemont, voisine du bal Mabille, une perruche est attentive aux échos du « vilain bal public », et répète les « locutions à faire rougir Cambronne ».

Le Bal Mabille & Rigolboche (gallica.bnf.fr)

De beaux hôtels disparus

 La panoplie d’établissements de plaisir dans les jardins n’empêche pas l’épanouissement de beaux hôtels entre l’avenue et les quais, tels l’hôtel Quinsonas, pastiche gothique dessiné par Lassus, l’architecte de Notre-Dame aux côtés de Viollet-le-Duc, la demeure pompeïenne du prince Napoléon avec un impluvium où s’ébattaient des phoques, le palais tunisien de Fernand de Lesseps ou celui d’Emile de Girardin. Tous ont disparu depuis la fin du XIXe siècle.

L’exposition universelle de 1855

Comment persuader la population du bienfait des progrès techniques apportés par la révolution industrielle ? Par une vaste mise en scène. Voilà la raison d’être de l’exposition universelle. L’opposition à la « machine », les révoltes des Canuts de Lyon dans les années 1830 l’ont prouvée.

La volonté du Second Empire est de convertir les classes laborieuses aux vertus du progrès technique, il faut vulgariser, faire preuve de pédagogie ; Napoléon III demande aux ouvriers de faire un rapport sur ce qu’ils ont vu. La bourgeoisie industrielle mise à part, le pouvoir a des alliés, les saint-simoniens (cf. 5), les phalanstéristes, disciples de Fourier (dont beaucoup sont polytechniciens).

En 1798, le Directoire avait déjà organisé la première « exposition publique annuelle des produits de l’industrie française », 110 exposants au « Temple de l’Industrie » sur le Champ-de-Mars ; une expérience répétée jusque sous la monarchie de Juillet : près de 4.000 exposants sur la place de Concorde en 1844.

Mais la révolution industrielle a changé la donne et le commerce international s’est considérablement développé. Il est maintenant question d’exposition Universelle ; la première d’entre elles se déroule au Crystal Palace de Londres en 1851.

Le Prince-Président s’en inspire, question de prestige national ; dès 1852, il ordonne la construction d’un « édifice destiné à recevoir les expositions nationales inspiré du Palais de Cristal de Londres ». L’architecte Viel est chargé des travaux, entre le Cours-la-Reine, en bord de Seine, et les Champs-élysées. Le « Palais de l’Industrie », 252 mètres de long sur 108 de large, sera détruit à la fin du siècle pour le remplacer par les Grand et Petit Palais de « l’Expo 1900 ». Une prouesse technique. On y emploie pour la première fois des poutres en fer forgé, portées par des colonnes de fonte. La voûte en berceau de la nef centrale a une portée de 48 mètres.

Peinture d’Etienne David (gallica.bnf.fr)

Deux commissions sont créées : l’industrie et l’agriculture avec Ferdinand de Lesseps, Emile Péreire, le saint-simonien Michel Chevalier et Frédéric Le Play ; et les Beaux-Arts, originalité par rapport à Londres, avec Delacroix, Prosper Mérimée ou Ingres, les deux présidées par Plonplon, alias le prince Napoléon.

24.000 exposants ! La place manque pour les accueillir tous ; on aménage une galerie annexe le long de la Seine entre le pont de la Concorde et le pont de l’Alma, et un palais des Beaux-Arts, avenue Montaigne. Delacroix expose l’Entrée des Croisés à Constantinople, Ottin, la Fontaine Médicis, et Courbet qui, malgré onze tableaux exposés, s’indigne que son Atelier du Peintre n’y soit pas, fait aménager un pavillon de bois, le Pavillon du Réalisme, pour l’exposer.

Ouverte au public du 16 mai au 9 novembre, l’exposition est un grand succès, elle  attire plus de cinq millions de visiteurs, parmi lesquels a reine Victoria et son mari ; aucun souverain anglais n’avait foulé le sol français depuis la guerre de Cent ans.

Paris accueillera quatre autres expositions en 1867, 1878, 1889 et celle de 1900 (plus de cinquante millions de visiteurs).

Commentaire d’Eugène Huzar, avocat et essayiste scientifique, après sa visite de l’expo : « la fin du monde par la science » …

Sources principales :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Offenbach

Dictionnaire de Paris, éditions Larousse