44 : Vendredi 24 juillet 1959 – Blousons Noirs
Square Saint-Lambert (15e)
Ce jour-là, vers 12h30, plusieurs dizaines d’ados ont donné rendez-vous dans le square familial de Saint-Lambert à une bande rivale, la bande de Pernety ; un compte à régler certainement. Ces derniers ne viennent pas et ceux de Saint-Lambert commencent à s’énerver, se dispersent dans les rues voisines, bousculent et insultent des passants ; selon Paris-Match, quelques jours suivants : « 25 garçons de 14 à 20 ans, saccageaient en quelques minutes, et sans aucune raison apparente, la terrasse d'un café. » La police intervient, il y a 27 inculpations.
Le lendemain, c’est à Bandol ; des Toulonnais, refoulés d’un bal, s’affrontent avec la bande locale, un pêcheur qui passait par là est blessé. 20 condamnations de 3 à 13 mois de prison avec sursis. Lors de ces deux événements, les témoins évoquent des chaînes de vélos, des bouts de tuyaux, voire des couteaux à cran d’arrêt.
Ces deux événements sont une aubaine pour la presse en mal de scoops en cet été 1959.
Le 27 juillet 1959 paraît un article dans France-Soir relatant les événements du 15e arrondissement, qui utilise pour la première fois le terme de « blouson noir ».
C’est parti pour la surenchère : des bandes d’une centaine d’individus, d’asociaux qui règlent leurs comptes à coups de chaînes de vélos (l’arme la plus souvent mise en avant). Ainsi le reportage de Tommy Franklin sur la Radio Télévision Française : « Ce matin dans Cannes, pas un tricheur, pas un teddy boy, pas un blouson noir à l’horizon. Toutefois, une dizaine de ces rognures de nervi a été arrêtée, le groupe a été présenté au procureur de la république ; moyenne d’age, 18 ans, 18 ans d’imbécillité, de mauvais films, de parenté irresponsable».
Le blouson noir, son milieu, ses habitudes, ses goûts
Ils ont entre 14 et 20 ans, essentiellement des garçons, une fille sur vingt d’après les études de l’époque. L’uniforme est donc le blouson de cuir, accompagné du blue-jean délavé, chaussures italiennes, une large ceinture de cuir cloutée et la coiffure en « banane » façonnée à coups de brillantine, avec le peigne glissé dans la poche arrière du jean. Un ou plusieurs tatouages.
La moto est trop chère pour se faire remarquer dans la rue ; ils se rabattent sur le cyclomoteur, le Flandria en particulier ; à défaut, un Motobécane ou, en désespoir de cause, une Mobylette, l’essentiel est qu’il soit sans pot d’échappement.
La bande : avec un chef la plupart du temps, parfois une cheffe, un territoire à défendre, un nom, donné le plus souvent par le territoire : bandes des Batignolles, de la Bastille..., et quelques règles : les copains avant les filles, ne pas balancer aux flics... Bande, nom, territoire, tatouage, autant d’indices d’un besoin identitaire, tout comme son propre argot. Pour beaucoup, la bande est un lieu de refuge.
Le milieu : urbain, que ce soit la ville ou la banlieue ; les barres de béton construites à la hâte après guerre pour pallier la pénurie de logements salubres est le terreau principal où se développe la culture « blouson noir » ; la jeunesse évolue dans un environnement appauvri, sans terrain de sport ni centre culturel. En ville, ce n’est pas beaucoup mieux. « Se rend-on compte que toutes les places, les grands trottoirs qui autrefois servaient de terrain de jeu aux enfants sont maintenant transformés en parking ? défense est faite aux enfants de jouer dans l’appartement, dans la cour, la rue appartient aux moteurs, le trottoir aux étalages » tels sont les commentaires d’une enseignante. Enfants comme adolescents manquent cruellement d’espace, la voiture dévore tout. C’est « la glande au bas des immeubles ».
Activités et lieux : le blouson noir « part au cinéma ou se promener, ou se “marrer”, “avec des copains”. Qui sait juste ce qu’il fait ? Parfois il ne fait rien. Debout ou assis dans une bande, il lorgne les promeneurs ou écoute du rock, ce narcotique, rassuré par le seul fait d’avoir sa place au milieu d’autres, comme des moutons serrés avant l’orage. Parfois “il fait un coup” pour avoir quelque chose à faire. (Henri Joubrel) »
Les « virées » avec les copains : ils sortent souvent tard le soir ; le café est un lieu de rendez-vous important avec son flipper, son juke-box et, parfois, le scopitone pour diffuser les ancêtres des clips. Les autres lieux de rendez-vous sont le cinéma, les fêtes foraines, en particulier la Foire du Trône pour les parisiens et banlieusards, parfois les bals et les dancings. Et les derniers terrains vagues qui leur restent ; ce qui donnera son titre, Terrain vague, à un film de Marcel Carné de 1960, le premier à traiter du phénomène blouson noir.
Cinéma et musique
Les « mauvais films » dont parle Tommy Franklin :
L'Équipée sauvage (The Wild One), sorti en 1953 aux États-Unis, ne sortira que quelques années plus tard en France. C'est la naissance du mythe Marlon Brando vêtu de cuir noir, casquette et lunettes de soleil, chef d’une bande de motards qui sème le trouble dans une petite ville de province.
La Fureur de vivre (Rebel Without a Cause), de Nicholas Ray, arrive en même temps sur les écrans français ; film plus subtil que le précédent, il analyse le malaise de la jeunesse. Naissance d’un autre mythe, James Dean, dont l’aura est amplifiée par sa mort accidentelle dans son bolide. Pas de blouson noir pour lui, mais un T-shirt blanc tout aussi iconique.
James Dean – Pascal Petit, Laurent Terzieff dans Les Tricheurs
Un film français, également, Les Tricheurs, de Marcel Carné, évoque cette jeunesse qui désoriente les adultes, avec un Laurent Terzieff magnétique dans son blouson de cuir qui, sans être « blouson noir », est le mauvais génie du film.
Le rock and roll :
Elvis, Gene Vincent
Le rock est le marqueur social des blousons noirs, mais seulement à partir de 1960.
Le rock est né aux USA au début des années cinquante du mariage progressif entre le rythm and blues noir et le rockabilly blanc : Bill Haley tout d’abord avant Elvis Presley puis, Eddie Cochran, Little Richard, Jerry Lee Lewis. Boris Vian et Henri Salvador n’auront pas touché la jeunesse avec leur 45 tours en 1956 (cf. 43) ;
ce n'est qu'à partir de 1960 que le rock and roll s’implante en France avec Johnny Hallyday, les Chats sauvages de Dick Rivers et, surtout, Vince Taylor, « l’ange noir », l’incarnation du blouson noir (cf. plus bas). Jean-Claude, le blouson noir du documentaire de Jean Herman, le chemin de la mauvaise route, 1962, évoque Vince Taylor : « Pour moi, c’est un type qu’est un peu de notre genre, de notre époque. Ça nous met dans l’ambiance. On suit le rythme et on aime ça… »
Jean-Claude, le blouson noir du film de Jean Herman
Le phénomène des Blousons noirs et le rock’n’roll seront ensuite associés rapidement par les médias : même style vestimentaire (cuir, chaîne), même attitude au moins sur scène pour les chanteurs.
Blousons noirs apolitiques ?
Les blousons noirs ne s’encombrent ni de politique, ni de religion ; leurs ambitions sont simples : draguer les « gonzesses », avoir du « pèze » et de chouettes bagnoles (Brand new Cadillac)
Certes, ils ne sont pas syndiqués ni encartés dans des partis politiques mais leur mouvement a une forte résonance politique : il y a tout d’abord le lourd arrière-plan de la guerre d’Algérie où leurs aînés sont envoyés et eux-mêmes risquent d’être de futurs appelés ; le mouvement déclinera d’ailleurs après la fin de la guerre.
E. Mitchell dans Et la Voix d’Elvis :
Et les Blousons noirs brûlaient leurs dernières nuits
Avant de partir pour Alger, Algérie
Et la voix d’Elvis chantait “Good Rockin’ Tonight”
Ils sont en grande majorité fils d’ouvriers, ouvriers eux-mêmes. Ils n’ont que mépris pour les fils de bourgeois, des snobs et des « blousons dorés », rebelles des quartiers aisés, amateurs de jazz (et tout autant craints par les adultes).
Ils rejettent la société de René Coty puis du Général, une société vieillissante, celle des « croulants », et éprouvent bien entendu une détestation pour leurs forces de l’ordre.
Enfin, ils sont le résultat de la disparition des espaces dont pouvaient jouir en toute liberté les enfants et les adolescents : « On leur a volé le Far West, ni moral ni même physique […] on leur a rien laissé, pas même un seul jouet […] on ne leur parle que de pognon, que de chemin bien droit » Jacques Brel.
Mais ni dans les journaux, ni dans les reportages radio ou télévisés de l’époque, le contexte politique n’est évoqué.
La violence
« Le rock’n’roll est fait pour l’insurrection, le passage à l’acte. » Les Blousons noirs sont rebelles, bagarreurs et violents. Premières victimes des violences, les bandes rivales rencontrées à l’occasion des virées, dans un bal, une fête foraine ou dans les terrains vagues ; l’alcool facilite les rixes. Alors sort des poches tout un bric-à-brac : couteaux à cran d’arrêt, coups de poing américains, bouts de tuyaux de plomb et, ce qui a particulièrement marqué les esprits, les chaînes de vélos.
Les conflits sont avant tout des conflits de territoire.
Une violence refoulée qui s’exprime également chez certains face aux étrangers, aux arabes, aux homosexuels, aux passants. Et vis-à-vis des femmes, les viols collectifs ont augmenté entre 1960 et 1963.
Vandalisme, petite délinquance, sont répandus mais pas généralisés. Les « Trente Glorieuses » ne sont pas pour tout le monde ; les moyens financiers limités, le chapardage, les disques ou les transistors sous le blouson, la resquille sont monnaie courante mais pas seulement. Comme Jean-Claude dans le film de Jean Herman, ce sont des amoureux de la vitesse et des voitures, les DS et les bolides ; Jean-Claude imitera jusqu’au bout son idole, James Dean, en se tuant au volant d’une voiture volée le 5 décembre 1963.
A la Une des journaux
Dans la société, c’est l’incompréhension et l’inquiétude vis-à-vis de ses adolescents : que faire de ces jeunes turbulents qui ne connaissent pas les tracas de la guerre ni la misère, pourquoi refusent-ils les modèles qu’on leur propose, « ces jeunes feignants qui ne veulent plus bosser » ?
On s’inquiète de l’augmentation des statistiques de la délinquance juvénile. Une peur supplémentaire pour les adultes, par ailleurs confrontés à l’américanisation de la société, au chamboulement du paysage urbain avec les grands ensembles.
La presse va surfer sur toutes ces peurs et les blousons noirs vont constituer la cible idéale ; elle orchestre le tapage et la surenchère autour des quelques incidents. On commence par gonfler la taille des bandes qu’on n’hésite pas à chiffrer à une centaine d'individus ; on exagère aussi le nombre de blessés ou d’interpellés. On qualifie les membres d’asociaux ; la violence est « gratuite » ; l’évolution des statistiques permet d’utiliser des termes tels que « marée montante de la délinquance », les jeunes sont des nervis, des voyous, des mauvais garçons, des vauriens. On avance la « décadence des mœurs » de la jeunesse pour expliquer leurs frasques.
Certains « pisse-copie » ne reculent devant rien pour allécher les lecteurs friands de ces articles : ils vont jusqu’à payer des jeunes pour simuler des rixes ; bien entendu, en retour, des bandes vont proposer aux journaux des bagarres moyennant finance.
Le rock and roll et ses interprètes sont dépréciés, voire calomniés : « Les Chaussettes Noires, cinq garçons menés par un rouquin, coiffés de crans vaporeux à la Clara Bow, se secouent de face et de dos. Le rouquin agite aussi ses bras, mais les autres manient des objets extra-plats couverts de strass, les guitares à rock. Ils braquent sur la foule, comme une mitraillette, le long manche de cet objet hideusement moderne. » L’Express, 2 mars 1961.
22 juin 1963, alors que le mouvement yé-yé est en plein boom, un concert gratuit est organisé place de la Nation par Salut les Copains ; énorme succès, 150.000 personnes, mais des blousons noirs vandalisent des vitrines, brûlent des voitures et s’en prennent aux spectateurs. Dans l’Aurore, Philippe Bouvard écrit : « Quelle différence entre le twist de Vincennes et les discours d'Hitler au Reichstag, si ce n'est un certain parti pris de musicalité ? » Il fallait oser.
Le parallèle avec les Apaches du début du XXe siècle est tentant (cf. 23). Les bandes, les jeunes et leur code vestimentaire, les quartiers ; en remplaçant le rock par la java et la chaîne de vélo par le surin, on retrouve toute la thématique des journaux à grand tirage du début du XXe siècle.
Phénomène international
Derrière Marlon Brando, James Dean et Elvis, ce sont les « teen-agers » aux Etats-Unis, « teen » pour seventeen (dix-sept), eighteen (dix-huit), nineteen (dix-neuf) ; les « rebels without a cause ».
En Grande-Bretagne, ce sont les « teddy-boys » nés en 1953 dans le titre d’un quotidien, ou encore « greaser » (la brillantine). Ils deviendront plus tard les « rockers » et leur motos qui s’affronteront aux « mods », en costume et montés sur scooters, eux aussi issus des milieux populaires et tout aussi violents.
En Allemagne, en Suisse, en Tchécoslovaquie, en Pologne – ils ne connaissent donc pas le rideau de fer -, ils s’appellent Halbstarken, en Hollande Nozem, en Irlande Nadsak, au Japon Tokyo Joku ou Tsotsis en Afrique du Sud.
Halbstarken et Tsotsi
La fin des Blousons Noirs
La culture blouson noir connaît son apogée entre 1958 et 1961.La presse a participé au phénomène, elle va l’enterrer à partir de 1963, alors que la lassitude pointe.
Le rock and roll s’aseptise doucement pour devenir le yé-yé, avec l’aide des radios, surtout de l’émission Salut les Copains sur Europe I, animée par Frank Ténot et Daniel Filipacchi à partir de 1959. Cette même évolution a lieu aux USA avec les fallots « Bobby » qui prennent le pas sur Little Richard et Jerry Lee Lewis.
Daniel Filipachi préfère diffuser Johnny Hallyday, respectueux des codes plutôt que Vince Taylor, le rocker révolté qui ressemble à un J.V. («Jeune Voyou» selon la police). Johnny Hallyday est un hybride entre le rock and roll et le yé-yé, tout comme l’ex chanteur des Chaussettes Noires, Eddy Mitchell. Et les blousons noirs vont épingler dans leur chambre les photos de leurs yé-yé préférés à côté de leurs premières idoles. « Le yéyé est ni anticonformiste ni violent, il a simplement besoin de bons micros. » (France Armelle).
Avec la vague yé-yé, les blousons noirs sont devenus visibles avant de disparaître. Les médias vont trouver d’autres jeunes pour occuper les colonnes : les beatniks puis les hippies en attendant les loubards, la décennie suivante.
En Angleterre, pendant l'été 1963, ce sont les bagarres entre Mods et Rockers à Brighton et sur d'autres plages anglaises qui scellent la fin de ces derniers. Mods vainqueurs, ce n’est pas le yé-yé qui remplace le rock and roll mais les talentueux groupes de la pop anglaise, Beatles en tête.
Vince Taylor
7 et 8 juillet 1961, les Playboys, sous le nom de « the Bobbie Woodman noise » sont conviés à deux concerts réunissant des formations rock anglaises ; ils doivent accompagner un chanteur nommé Duffy Power. Vince, bien que séparé du groupe, demande de les accompagner. Adjugé, c’est lui qui figure au programme au grand dam de Duffy Power. Sa prestation stupéfie les spectateurs et les musiciens eux-mêmes. Bruno Coquatrix prévient Eddie Barclay qui l’engage immédiatement pour six ans (Eddie Barclay avait manqué Johnny Hallyday et voulait se rattraper, tout comme le producteur anglais Andrew Loog Oldham avait manqué les Beatles et s’était empressé de se rattraper en signant avec les Rolling Stones).
Vince enregistre pour Barclay les succès américains, Sweet Little Sixteen (Chuck Berry), Long Tall Sally (Little Richard), C’mon Everybody (Eddie Cochran), ou anglais, Shakin’ All Over (Johnny Kidd) toujours avec les Playboys, musiciens d’un autre niveau que ceux de la scène rock française.
Showman inspiré, Vince Taylor subjugue le public dès qu’il arrive sur scène ; tout vêtu de noir, son jeu de scène bien plus provocateur que celui de Johnny Hallyday, le rock agressif qu’il chante, enflamment les spectateurs et ses concerts tournent parfois à l’émeute.
Trop subversif, la télévision et les radios rechignent à en faire la promotion, lui préférant Johnny, plus présentable. Les journaux, en revanche, ne se privent pas d’articles sur le mauvais garçon, le démon noir.
Mais le déclin arrive rapidement. Début 1962, à la Locomotive, près du Moulin-Rouge, Vince est ailleurs : il arrive sur scène en se présentant comme le prophète Mathieu et se met à prêcher jusqu’à ce que l’orchestre couvre ses propos incohérents. La carrière de Vince est maintenant sérieusement compromise.
De toute manière, l’archange noir du rock’n’roll est une étoile filante et la musique s’aseptise rapidement pour donner naissance au yé-yé. On le voit tout de même en première partie des Rolling Stones, en 1965 à l’Olympia. Puis sa carrière n’est plus qu’une longue déchéance marquée par de nombreuses tentatives de come-back à l’aide d’impresarii plus ou moins sérieux.
De 1977 à 1979, il vit à Mâcon, travaille au Duo Bar, où il dispose d'une salle de répétition chez la famille Olivier. Il sort parfois de la cuisine pour animer la salle. En 1983, il s’installe en Suisse où il revient d’une certaine façon à ses premières amours, Brian Holden est mécanicien aéronautique. Il meurt d’un cancer en 1991.
Fauteuils cassés
L’image est restée : Vince Taylor au Palais des Sports, le 18 novembre 1961, devant des rangées de chaises cassées. C’est le troisième festival international du rock organisé dans la salle. Lors du premier, le 24 février, 4 000 personnes étaient survoltées ; en particulier lorsque Johnny Hallyday se roule sur scène, la foule se déchaîne, des bagarres éclatent, la police évacue la salle à coups de matraque, 700 fauteuils cassés.
18 novembre 1961, les blousons noirs dévastent la salle. Jamais on n’avait vu une telle débauche de violence. : « ceux que l’on a coutume d’appeler les “blousons noirs”, à casquette de déménageur, et les “hooligans” se déchaînèrent après l’entracte. Dans un vacarme ahurissant, des scènes d’une incroyable violence se déroulèrent. C’est aux conduites d’eau que l’on s’en prit, pour en faire des matraques ! »
Bilan : quatorze gardiens de la paix et plusieurs jeunes gens blessés ; 2 000 fauteuils brisés. Le deuxième récital de Vince Taylor a dû être annulé par ordre de la préfecture de police. Des organisateurs de spectacles redoutent la venue de ces rockers, Vince Taylor est interdit dans certaines villes de France. « Ces personnes-là (celles qui viennent avec des clés à molette pour démonter les fauteuils) ne se rendent pas compte qu’en 5 minutes de joie elles peuvent briser la carrière d’un chanteur. » Path Winter évoque ainsi le cas de Vince Taylor.
Olympia, le 17 février 1955, 4 000 spectateurs sont là pour le spectacle de Gilbert Bécaud ; 2.000 places seulement sont disponibles. Dès son entrée en scène, le chanteur galvanise le public en martelant son piano. Des petites culottes volent vers la scène, une adolescente hurle : « Gilbert, mange-moi ! », le spectacle dégénère, des vitres sont brisées, plus de 400 fauteuils sont cassés.
Bref, un spectacle mémorable, Bécaud devient « Monsieur dynamite », « Monsieur cent mille volts. »
Olympia, le 19 octobre 1955, Sidney Bechet donne un concert gratuit. ; ce soir-là, 5.000 personnes prennent d’assaut la salle alors qu’il n’y a toujours que 2.000 places prévues. Tout se passe bien jusqu’à l’introduction de son grand succès, « les oignons » ; la salle, déjà surchauffée, est submergée par ceux qui attendent dehors, le service d’ordre est débordé, on se marche dessus, les fauteuils à nouveau cassés par centaines, les tableaux d’Edith Piaf, Annie Cordy et Gilbert Bécaud arrachés, des vitrines cassées et dix blessés. Une plaque rappelle ce souvenir par une inscription, « le soir où l’on cassa l’Olympia ».
Quant aux photos de Vince au Palais des Sports, c’est une mise en scène destinée à entretenir l’image du mauvais garçon : la casse a eu lieu lors d'une prestation des Chats Sauvages .
En complément :
Les blousons noirs, amateurs de rock’n’roll et de violence (openedition.org)
La culture blouson noir (pcastuces.com)
Les Blousons noirs : Vie et mort d’un phénomène français | Le Paratonnerre
Hommage Vince Taylor - Page 2 (centerblog.net)
Podcast France Culture :
J3 et Blousons Noirs, l’adolescence d’après-guerre 5/8
Père Michel Jaouen : "C’est un mythe, ça n’existe pas le blouson noir, ce sont des histoires de journalistes"
Certains d’entre eux dorment dans des caves.
C’est un Londonien, Brian Holden de son vrai nom, né le 14 juillet 1939.
Faute de pouvoir être aviateur, il se lance dans la chanson, très influencé par Elvis, l’anglais Johnny Kidd et Gene Vincent dont il emprunte la tenue de scène, devenant un archange noir qui impressionne le futur David Bowie ; il ajoute à sa panoplie une grosse chaîne et, plus tard, une médaille de Jeanne d’Arc autour du cou, achetée à Calais lorsqu’il vient en France.
Pourtant, son premier disque sorti en 1958 avec un groupe, les Playboys, ne rencontre pas le succès. Le deuxième 45 tours sorti l’année suivante porte en face B une composition de Vince, Brand New Cadillac ; c’est une réussite, une chanson reprise plus tard par les Clash, mais les ventes ne sont pas suffisantes pour que Parlophone maintienne son contrat. Vince décide de partir en France.
Adamo : En Blue Jeans et Blousons de Cuir
Pourtant, déjà :
Reportage sur les jeunes du square Saint-Lambert en 1962 (document INA.FR)