25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
12 - Un soir de mars 1941 – Simone Signoret franchit pour la première fois la porte du café de Flore
14 - 23 mars 1941 : le Commissariat général aux questions juives
27 - 19 juin 1942 – Dora Bruder est internée à la prison des Tourelles
14 - 23 mars 1941 : le Commissariat général aux questions juives


25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif
25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif

25 - 21 mai 1942 – Un mariage entre juif et non-juif

            58, boulevard de Strasbourg


Chapitres :

            Jean Jausion

            Annette Zelman

            Espoir de mariage et arrestation

            Le convoi n° 3

            L’auteur de la dénonciation

            Après la disparition d’Annette

            L’hostilité aux mariages mixtes


Jean Jausion

Il est né en 1917. Son père est Hubert Jausion, professeur de médecine au Val-de-Grâce, avant de devenir chef de service à l’hôpital franco-musulman de Bobigny (actuel hôpital Avicenne) en 1935, médecin brillant, humaniste, passionné d’art et proche de Jean Cocteau.

Jean, lui, est féru d’art et de poésie, membre en 1938 d’un groupe d’artistes et d’intellectuels néo-dadaïste, les Réverbères, puis d’un autre, la Main à la plume, en référence à Arthur Rimbaud. 

Jean, qui a déjà publié trois recueils de poésie, habite dans l’appartement familial, 21, rue Théodore de Banville, lorsqu’il rencontre en 1941 l’amour de sa vie.


Annette Zelman

Annette est issue d’une famille juive d’origine polonaise, immigrée en France dans les années vingt, comme beaucoup d’autres Polonais. Son père Mocek, est artisan tailleur à Nancy, la ville natale d’Annette. La famille quitte Nancy peu après la déclaration de guerre pour Bordeaux où, après l’armistice et à la demande autorités de Vichy, ils se font recenser comme juifs en octobre 1940. La famille s’installe à Paris au printemps 1941, là où Annette peut suivre des études aux Beaux-Arts. Ils logent au 58, boulevard de Strasbourg mais c’est dans le Quartier latin qu’elle passe le plus clair de son temps, dans les milieux d’artistes et d’intellectuels. C’est ainsi qu’elle rencontre Jean Jauzion.

Un frère d’Annette, madame Zelman, Jean Jausion


Espoir de mariage et arrestation

Annette est rapidement adoptée par le petit monde de Saint-Germain-des-Prés : le couple fréquente le café de Flore (cf. 12), Jean rend souvent visite aux parents d’Annette ; ils font une escapade en zone non occupée (ils rencontreront Simone de Beauvoir au franchissement de la ligne de démarcation, comme le relate la romancière dans la Force de l’âge). En mars 1942, la famille Zelman décide de quitter Paris pour se réfugier à Limoges ; Annette décide de rester auprès de Jean et de gagner sa vie à l’aide de petits travaux de broderie.

Bientôt, Annette et Jean annoncent qu’ils vont se marier. Le 15 mai 1942, ils déposent une demande de mariage à la mairie du 10e arrondissement de Paris. «Je vais l’épouser, annonce-t-elle à son père et, en tant que juive, je ne risque plus rien puisque je m’appellerai Jausion».

Cependant, la famille de Jean, son père en particulier, est vivement opposée à ce mariage, ce qui va causer la rupture entre le père et le fils.

23 mai 1942 : Annette Zelman est arrêtée à son domicile par la police française. Motif : «Projet de mariage avec un aryen». L’ordre vient directement du chef du service des Affaires juives de la Gestapo à Paris, Theodor Dannecker, à Darquier de Pellepoix, commissaire général aux Questions juives (cf. 14). Il est daté du 23 mai 1942 :

« Concerne : mariage entre non-juifs et juifs. J’ai appris que le ressortissant français (aryen), Jean Jausion, étudiant en philosophie, 24 ans […] a l’intention d’épouser pendant les jours de Pentecôte la juive Anna Malka Zelman, née le 6.10.1921 à Nancy […]. Les parents de Jausion désireraient de toute manière empêcher cette union, mais ils n’en ont pas le moyen. J’ai en conséquence ordonné comme mesure préventive l’arrestation de la juive Zelman et son internement dans le camp de la caserne des Tourelles».

Annette Zelman est écrouée au dépôt de la Préfecture de police du 23 mai au 10 juin, puis transférée au camp des Tourelles (où Dora Bruder la rejoindra le 19 juin - cf. 27).

Le convoi n° 3

Dannecker se rend personnellement aux Tourelles pour participer à la sélection des 66 femmes parmi les 165 rassemblées dans la cour le 22 juin. Elles sont immédiatement embarquées en autobus à destination de Drancy. Il fallait à Dannecker 66 femmes pour compléter le convoi n° 3 à destination d’Auschwitz, déjà composé de 934 hommes ! C’est la première déportation de femmes.

Parmi les déportés du convoi n° 3, 150 anciens combattants juifs, «les moins intéressants» selon le chef du camp de Drancy qui est encore sous administration française ! Dannecker, lui, demande que le docteur René Bloch, chirurgien des hôpitaux, ancien combattant, décoré de la Légion d’honneur, fasse partie du lot.

Le train parvient à Auschwitz le 24 juin 1942. A la libération du camp, il ne restera que 34 survivants dont cinq femmes. Ni Annette Zelman ni le docteur Bloch ne reviendront.

L’auteur de la dénonciation

Il est écrit ceci dans une fiche de la police française : «Annette Zelman, juive, née à Nancy le 6 octobre 1921. Française : arrêtée le 23 mai 1942. […] Motif de l’arrestation : projet de mariage avec un aryen, Jean Jausion. Les deux futurs ont déclaré par écrit renoncer à tout projet d’union, conformément au désir instant du Dr H. Jausion, qui avait souhaité qu’ils en fussent dissuadés et que la jeune Zelman fût simplement remise à sa famille, sans être aucunement inquiétée».

Le docteur Hubert Jausion est bien l’auteur de la dénonciation. «Ce docteur qui usait de bien étranges moyens de dissuasion était bien naïf» (Patrick Modiano) ; que pèse ce souhait face à la volonté de destruction de la communauté juive ? 


Après la disparition d’Annette

Jean Jausion rompt avec sa famille, rejoint la famille d’Annette à Limoges ; il s’engage dans la Résistance. Pendant la Libération de Paris, il est arrêté par les Allemands place de la Concorde mais fait l’objet d’un échange avec un officier allemand. Il devient correspondant de guerre du journal Franc Tireur. Le 6 septembre 1944, il lance sa jeep contre une colonne allemande. Son corps n’a jamais été retrouvé. Un acte suicidaire peut-être motivé par la délation de son père qu’il ne pouvait pas ignorer (comme il l’avait confié à Boris Vian et Simone de Beauvoir).

Après la Libération, le professeur Jausion poursuit une carrière prestigieuse. Son éloge funèbre en 1959 vante «sa douceur, sa compréhension. Il est celui à qui on peut s’adresser en toute confiance». Son buste est érigé à l’hôpital Avicenne.

Après la Libération, la famille Zelman revient à Paris et reprend son activité. Monsieur Zelman reçoit un beau jour un coup de téléphone du docteur Jausion qui souhaite faire sa connaissance ; il se rencontreront plusieurs fois, monsieur Zelman consultera le professeur à son cabinet, ce dernier lèguera à la famille Zelman des livres et des oeuvres d’art.

Puis, en 1961, la famille apprendra par le livre d’Henri Amouroux, La vie des français sous l’Occupation, qui était la personne qui avait dénoncé leur fille. Rien n’avait filtré auparavant.

L’hostilité aux «mariages mixtes»

Aux yeux des Allemands, Annette Zelman était «coupable, non seulement d'être juive, mais d'avoir osé aimer et être aimée par un Français non juif».

Une hostilité envers les mariages entre juifs et «aryens», une hostilité tout aussi tenace envers les «demi-juifs», issus de ces unions. Ainsi, le même soin qu’a pris Theodor Dannecker pour envoyer à Auschwitz, Pierre Hennion, 21 ans, dont la mère est juive et qui, de surcroît, veut épouser une «aryenne». Pierre Hennion a probablement été dénoncé par celle qui ne voulait pas être sa belle-mère.

Xavier Vallat, premier commissaire général aux questions juives (cf. 14), n’est pas en reste : «Elles ne devaient pas épouser des juifs », écrit-il à propos de cas similaires. Quant à son successeur fanatique, Darquier de Pellepoix, il prévoit un projet de loi interdisant ces mariages, projet qui n’aboutira pas.

Le camp de Drancy avant la prise de contrôle par les SS


Pour en savoir plus :

https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2013-1-page-45.htm

http://leshommessansepaules.com/auteur-Jean_JAUSION-468-1-1-0-1.html

Laurent Joly, La Délation dans la France des années noires, Ed.  Perrin, 2012, p. 63-69.

Patrick Modiano, Dora Bruder, Gallimard, 1997, coll. Folio