Le Pont de l’Europe – Gustave Caillebotte (1877)
Le Pont de l’Europe – Gustave Caillebotte (1877)

31 : Caillebotte au balcon

31, boulevard Haussmann

Gustave et Martial Caillebotte partagent les mêmes passions (jardinage et horticulture, philatélie ou yachting) et le même cercle d'amis jusqu'en 1887, année du mariage de Martial. Ce dernier, le cadet, est compositeur puis photographe.

Gustave n’est pas marié mais il a une compagne, Anne-Marie Hagen, dont il fait le portrait en 1879. Elle apparaît déjà dans Le Pont de l’Europe (cf.26), et également dans un tableau, nue sur un divan, tellement osé qu’il ne sera ni vendu, ni même exposé du vivant du peintre.

Femme nue, étendue sur un divan, 1873, coll. privée


La liaison entre Gustave et Anne-Marie durera dix ans en dépit de la désapprobation de la famille.

Portrait de madame Anne-Marie Hagen, 1879


Gustave Caillebotte habite d’abord avec son frère l'hôtel particulier familial, à l’angle de la rue de Miromesnil et de la rue de Lisbonne, construit par leur père en 1866, puis un appartement au 31 boulevard Haussmann, derrière l'Opéra, de 1878 à 1887. L'appartement se trouve au troisième étage, avec un balcon en rond à l'angle de la rue Gluck. La propriété familiale d'Yerres est vendue dès juin 1879, après le décès de leur mère.


Balcons et fenêtres

Caillebotte va peindre plusieurs tableaux à partir des balcons et des fenêtres, des représentations urbaines appréciées de nos jours. Un premier tableau, Jeune homme à la fenêtre, peint dans l’hôtel particulier familial de la rue de Miromesnil. La vision de ce jeune homme, vu de dos, regardant au-delà de la fenêtre prend une dimension que le peintre n’aurait pu imaginer : cet homme est René, l’autre frère Caillebotte, qui mourra quelques mois après, en novembre 1876. René contemple le boulevard Malesherbes.

Jeune homme à la fenêtre, J. Paul Getty Museum

77 rue de Miromesnil, donnant au loin sur bd Malesherbes en oblique


L’immeuble en rotonde des Caillebotte permet de multiplier les points de vue sur ce quartier derrière le tout nouvel Opéra, exemple-type du Paris d’Haussmann.


Un peu plus loin, la rue Halévy (à un pâté de maison de leur immeuble).

Rue Halevy, vue d'un Balcon, 1877, Museum Barberini, Potsdam

Rue Halévy, vue d'un sixième étage, 1878, Museum Barberini, Potsdam

L'homme au balcon, 1880, collection privée

Un Balcon, 31, bd Haussmann, 1881, collection particulière

Un balcon, 31, bd Haussmann, 1880,  musée Thyssen-Bornemisza Madrid

Par ces vues, Caillebotte montre un Paris, ses avenues rectilignes et uniformes ainsi que leurs profondes perspectives, en même temps qu’il met en scène ses proches contemplant le monde urbain modernisé (cf.26, Pont de l’Europe). Ces hommes sont les représentants d’une bourgeoisie qui s’est maintenant imposée dans la société française. 

Boulevard Haussmann, L'Homme au balcon - 1880, Christie's


De ses balcons, Caillebotte fait une innovation : il peint le boulevard en plongée, offrant des vues en surplomb déstabilisantes ; il s’appuie sur les photographies de son frère Martial ou les siennes. La technique de Caillebotte est, en règle générale, proche de celle de la photographie.

Boulevard Haussmann, un refuge, 1880

Boulevard vu d’en haut, 1880


Peintre et mécène

Caillebotte a participé à cinq des huit expositions impressionnistes, mais s’abstient d’exposer à celle de 1882, considérant que beaucoup d’œuvres exposées ne sont plus dans l’esprit de l’exposition de 1874.

A partir de 1886, il s’adonne de plus en plus à ses autres passions, le jardinage, le bateau, et  délaisse la peinture.

En 1888, il quitte l’appartement du boulevard Haussmann, s’installe dans une propriété du Petit Gennevilliers, tout en gardant un pied-à-terre Boulevard Rochechouart.

Le 21 février 1894, le peintre, frappé par une congestion cérébrale, meurt alors qu'il travaillait dans son jardin à un paysage. Il avait quarante-cinq ans.

Pissarro : « Nous venons de perdre un ami sincère et dévoué... En voilà un que nous pouvons pleurer, il a été bon et généreux et, ce qui ne gâte rien, un peintre de talent ».

Caillebotte a laissé 475 tableaux, mais c’est surtout le « mécène éclairé » qui sera surtout reconnu en France pendant des décennies, celui qui, fort de ses moyens financiers, s’est volontiers fait le mécène de ses propres compères et parce qu’il avait l’œil, il a su se constituer une collection de tout premier ordre. 

C’est aux Etats-Unis que son talent de peintre fut d’abord reconnu ; on le considère comme l’un des fondateurs du courant « réaliste », précurseur de peintres comme Edward Hopper.


En complément :

Paris : Caillebotte, peintre du Paris haussmannien, chantre inquiet de la modernité - IXème - Paris la douce, magazine parisien, culture, sorties, art de vivre

Vue de toits (Effet de neige), 1878, musée d'Orsay