La Musique aux Tuileries – Manet (1862)
Victorine Meurent, l’Olympia
Paris vu des hauteurs du Trocadéro – Berthe Morisot (1872)

12 : Le Balcon – Manet (1869)

4, rue Saint Petersbourg - 8, rue Médéric


En 1869, Edouard Manet a son atelier 8, rue Guyot (aujourd’hui rue Médéric) depuis 1861 avant de s’installer 4, rue Saint-Petersbourg jusqu’en 1878. Le tableau Le Balcon est peint rue Guyot mais c’est le balcon de la rue Saint-Petersbourg qui sert de cadre.

Le Balcon, 1869, musée


Le tableau

Notre regard est immédiatement attiré par la jeune femme assise, Berthe Morisot, « longue cascade de blancheur moussante » ; apparaît ensuite Fanny Claus, jeune violoniste, « sculptée dans sa blancheur », puis le peintre Antoine Guillemet, paysagiste, tout juste sorti de la pénombre, alors que Léon Koella portant des boissons, s’y trouve encore. L’effet d’éclairage hiérarchise les personnages comme faire-valoir de Berthe.

Berthe Morisot tourne sa tête vers la droite, Fanny regarde le spectateur et Guillemet regarde sur sa gauche ; les trois personnages, spectateurs du spectacle de la rue dont nous ne savons rien, regardent-ils le même spectacle ? les trois personnages deviennent à leur tour objet du spectacle, tout comme les occupants d’une loge de l’Opéra. Réciprocité entre eux et celui qui regarde le tableau.

Le tout est rythmé par la géométrie du balcon, un cadrage rigoureux atténué par une plante dans son cache-pot et un petit chien au pied de Berthe.


L’accueil au Salon de 1869

Pas de récit, des personnages figés, des contrastes et des couleurs vives, dont le vert du balcon, le bleu de la cravate. Après La Musique aux Tuileries (cf.04), Le Déjeuner sur l’herbe et Olympia (cf.05), le public est à nouveau décontenancé.

« il est un de ceux qui ont contribué à former cette réputation d'excentricité réaliste, cette renommée de mauvais goût qui s'est attachée à M. Manet. » ; Manet « fait de la concurrence aux peintres en bâtiment » ; « Fermez les volets ! », telles sont les saillies que provoque la vue du tableau. Manet s’est trop affranchi des traditions selon le public de l’époque.


Berthe et Edouard

La rencontre a lieu en 1868. Berthe Morisot est présentée à Edouard Manet par Fantin-Latour alors qu’elle copiait un Rubens au Louvre. Manet est ébloui par la grâce de la jeune femme de 27 ans. Cette rencontre tombe à point nommé puisque le peintre a en tête de réaliser une composition sur le thème du balcon, thème peu abordé et fortement inspiré par les Majas au Balcon de Goya (l’influence de la peinture espagnole est constante dans l’œuvre de Manet).

Goya - Majas au Balcon, Metropolitan museum of Art, New York


Le Balcon est la première prestation de Berthe pour Edouard ; elle deviendra par la suite un modèle privilégié.

Si Edouard Manet a de l’influence sur la peinture de Berthe Morisot, l’inverse est également vrai. Leurs relations sont toujours empreintes de la plus grande affection et d’une estime réciproque (cf.16). Eugène, le jeune frère Manet, qui venait parfois peindre aux côtés de Berthe, lui fait la cour ; le 22 décembre 1874, ils se marient à Passy.


Léon Koella et Susan Leenhoff

Léon Koella est né en 1852, fils biologique de Susan Leenhoff, née à Delft en 1829, pianiste qui fut la maîtresse d’Auguste Manet, le père d’Edouard, avant de devenir la concubine du peintre puis madame Suzanne Manet en 1863. Il est donc possible qu’Auguste Manet soit le père de Léon, et par conséquent le demi-frère d’Edouard. Un méli-mélo de liaisons qui fait jaser l’entourage.

Suzanne Manet, « la grosse Suzanne » disait Berthe Morisot avec affection, sert souvent de modèle à son mari et restera aux côtés du peintre jusqu’à sa mort en 1882. 

La Lecture, musée d’Orsay, Madame Manet au piano, 1868, musée d’Orsay


Manet est « l’un des peintres les plus secrets, les plus malaisément pénétrables », selon Georges Bataille.