Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
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Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
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Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros
Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros

1 : Mercredi 13 octobre 1131 – Mort du fils de Louis VI le Gros

Place Baudoyer (4e)

  

La place Baudoyer tient son nom de la porte de l’enceinte primitive du XIème siècle ; c’était une petite place formée au carrefour de la rue du Pourtour-Saint-Gervais (actuelle rue François-Miron), de la Tixéranderie (rue de Rivoli) et de la rue des Barres. Elle se situe donc à proximité de l’enceinte qui a précédé celle de Philippe-Auguste, une enceinte enserrait la rive droite de Paris depuis le tertre Saint-Gervais jusqu’à l’église Saint-Germain l’Auxerrois.

Le 13 octobre 1131, alors qu’il rentre dans Paris en chevauchant avec quelques compagnons, peut-être de retour de la chasse en forêt de Vincennes où le gibier abonde, Philippe de France, le fils aîné de Louis VI le Gros, est victime d’un accident évoqué de la façon suivante par Suger, l’abbé de Saint-Denis : « Un porc, véritable envoyé du diable, se mit en travers de son chemin et heurta le cheval qui tomba lourdement. Le cavalier, le très noble enfant, fut projeté contre une grosse pierre, piétiné, puis écrasé par le corps du cheval. La ville entière et tous ceux qui apprirent la nouvelle furent consternés de douleur. Ce jour-là, justement, le roi avait convoqué son ost pour une expédition (contre des seigneurs belliqueux du Vexin). On ramassa le très cher enfant presque mort et on le transporta dans la maison la plus proche. Malheureusement, à la tombée de la nuit, il rendit l’âme. Ce que furent alors la souffrance et la désolation de son père et de sa mère et de tous les grands du royaume, Homère lui-même ne parviendrait pas à l’exprimer. » Suger, récit rédigé entre 1138 et 1143.

L’abbé Suger

Philippe n’était âgé que de quinze ans.


Philippe de France

Né en 1116, il est désigné comme successeur de son père dès l’âge de quatre ans et associé au gouvernement dès treize. Il est sacré à Reims le 14 avril 1129 ; il est donc roi aux côtés de son père, c’est l’usage des Capétiens, qui permet de donner un caractère dynastique à cette monarchie, à une époque où elle pouvait être encore élective (le fondateur, Hugues Capet, avait accédé au trône par son élection il y avait moins de 150 ans).

On ne sait pas grand-chose de sa vie sinon qu’il semblait avoir toutes les qualités pour devenir un grand roi, beau, viril, toutes les dispositions pour succéder à son père, il semblait offrir au royaume les meilleures espérances.

La douleur de son père et de sa mère, Adélaïde de Savoie, est immense.

La mort infâme

Le porc est victime de l’interdit biblique, dans le Talmud et par la parole de Jésus qui ordonna aux démons d’un possédé d’entrer dans un troupeau de porcs, symbole de saleté, de gloutonnerie et de luxure. Le jeune roi tué par un cochon ! Un porcus diabolicus, selon Suger, quelle mort infâme, honteuse.

Rien à voir avec une mort occasionnée par un sanglier au cours d’une chasse. A cette époque, la distance est grande entre le sanglier sauvage et le cochon domestique ; le sanglier, tout comme l’ours, est un animal noble, courageux, redoutable, qui fait face au chasseur, une proie royale qui l’honore (ils seront supplantés plus tard par le cerf). Le cochon domestique, au contraire, l’éboueur des rues, est symbole de saleté.

De surcroît, le jeune Philippe est tombé de son cheval, considéré comme une punition divine, à l’image de la chute de Saül, sur la route de Damas.

Immonde, indigne, cette mort marque la dynastie d’une souillure indélébile. Quel contraste entre la description de la jeunesse, la beauté et la noblesse de Philippe et l’ignominie de sa mort.

Réparer la souillure

Louis, le frère cadet de Philippe, est désigné pour lui succéder. Il est sacré à la hâte à Reims, le 25 octobre, c’est-à-dire moins de quinze jours après la mort de son frère aîné. Sacré par le pape Innocent II lui-même qui se trouvait dans la ville pour un concile. Heureux présage ?

Si le diable a mis un cochon sur la route de Philippe, Dieu ne s’y est pas opposé, il faut donc redoubler de piété ; Louis VI et la reine Adélaïde multiplient les dévotions et les donations. 


Louis est âgé de onze ans lorsqu’il est sacré roi. Frère cadet, il était destiné à un sacerdoce ecclésiastique, voire monastique, il mène une vie austère et n’est pas du tout préparé à cette lourde charge ; il n’en a pas non plus la silhouette ; frêle, il n’a pas la forte stature ni l’embonpoint de son père qui symbolise pour ses sujets la solidité du pouvoir. Durant son règne, il restera dévot, ascétique et gardera de son inexpérience initiale naïveté et maladresse dans ses décisions, ayant constamment besoin d’une assistance.

 Aura-t-il la capacité d’effacer l’infâme souillure ? Il semble que les donations et les dévotions ne suffisent pas à éviter un début de règne malheureux.

Un règne calamiteux ?

Louis VI le Gros meurt en 1137, six ans après l’accident. Son conseiller, Suger, reste celui de son fils grâce auquel Louis VII prend de sages initiatives : des concessions aux communautés rurales, des incitations aux défrichements et à l’émancipation des serfs, des chartes libérales dans plusieurs villes du domaine royal.

Aliénor d’Aquitaine & Louis VII (portrait imaginaire)

Son père lui a trouvé le plus beau des partis : Aliénor d’Aquitaine, qui apporte dans sa corbeille de mariage une bonne partie du Midi et de l’Ouest du royaume, ce qui triple la taille du domaine royal. Le mariage a lieu en 1137 et ils resteront mariés quinze ans, un couple mal assorti, le quasi moine et une jeune femme issue du pays des troubadours, sensuelle et pleine de vigueur (elle le montrera jusqu’à sa mort à plus de 80 ans). Et, surtout, le couple est infécond pendant des années ; une première naissance enfin au bout de huit ans, mais c’est une fille, Marie, une deuxième naissance six ans plus tard mais c’est à nouveau une fille. La désunion du couple mène à la nullité du mariage décidée par le pape en 1152, sous prétexte de consanguinité (ils sont cousins au 9e degré). Deux mois plus tard, Aliénor épouse Henri Plantagenêt avec qui elle prouvera sa grande fécondité puisqu’ils auront ensemble cinq fils et trois filles, la maman aura 45 ans à la dernière naissance !

La duchesse d’Aquitaine apporte d’immenses territoires à un vassal déjà plus puissant que le roi ; deux ans plus tard, Henri est roi d’Angleterre. Louis VII pourra regretter amèrement la séparation puisque lui et ses successeurs n’auront de cesse de batailler sans relâche contre l’Empire Plantagenêt et cela durera près de cent ans – la « première guerre de Cent ans », selon certains historiens.

Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre

Louis VII épousera par la suite Constance de Castille puis Adèle de Champagne qui lui donne le futur roi de France, Philippe-Auguste.

Plusieurs années auparavant, le roi avait pris une autre décision aux conséquences désastreuses : des conflits avec le comte Thibaut de Champagne, en particulier une querelle sur l’investiture du duché de Langres. En décembre 1142, l’ost royal envahit la Champagne ; dans leur avancée, les soldats mettent à sac Vitry-en-Perthois (Vitry-le-François), et incendient l’église où se sont réfugiées plus d’un millier de personnes. Emoi considérable dans tout l’Occident, cette hécatombe va marquer le roi, pétri de honte à jamais.

L’incendie de Vitry-en-Perthois

Pour faire amende honorable, expier ses fautes ainsi que celles de son père et de son grand-père, tous deux un temps excommuniés, Louis VII accepte de prendre part avec l’empereur d’Allemagne, Conrad III, à la Deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clairvaux, une décision tout aussi calamiteuse que les précédentes. Le roi prend la croix à Vézelay à Pâques 1146 ; l’expédition part en juin 1147. Ce sera un échec : mésentente entre les monarques, attitude velléitaire du roi de France, soutien ambigu de Byzance, pertes immenses pendant la traversée de l’Anatolie, échec devant Damas. Ajouter à cela l’attitude, jugée par certains, amorale d’Aliénor avec Raymond de Poitiers, son oncle et seigneur d’Antioche (on l’accuse injustement d’inceste). Cette désastreuse croisade est lourdement préjudiciable à l’avenir du royaume : le trésor royal est entamé, de nombreux soldats et chevaliers ont été inutilement sacrifiés, l’image de la dynastie est sérieusement écornée et elle préfigure la séparation à terme du couple royal évoquée plus haut.

Bernard de Clairvaux prêche la Deuxième Croisade à Vézelay


L’appel à la Vierge

Mariage dissous sans héritier mâle, église brûlée, croisade ratée. Le règne de Louis VII est-il maudit à cause de ce cochon diabolique ? C’est sans doute au retour de la croisade que naît l’idée de faire appel à la protection de la Vierge dont le culte est en pleine expansion à cette époque ; Bernard de Clairvaux est un fervent dévot de la Vierge, Suger donne une place importante à Marie dans l’église abbatiale de Saint-Denis et le couple royal prénomme sa première fille Marie.

« Faire de la Vierge la reine de France », Louis VII prend la décision d’adopter deux attributs de la Vierge, la fleur de lis et la couleur bleue. Le lis, dans lequel saint Bernard voit le pur symbole de la virginité, s’impose et connaît son apogée au XIIIe siècle. Le bleu fut longtemps une couleur secondaire avant de commencer à s’imposer à l’époque carolingienne. Le bleu céleste est symbole du dieu de lumière et la Vierge est la reine des Cieux. 

C’est ainsi que, selon la thèse développée par Michel Pastoureau, le lys sur fond bleu est apparu dans les armoiries des rois de France probablement sous le règne du fils de Louis VII, Philippe-Auguste, qui fut aussi le premier à se vêtir de bleu, couleur devenue celle de la nation française. Tout cela à cause de la divagation d’un cochon dans une rue de Paris. Une thèse qui, selon Ariel Suhamy, maître de conférence, « est mieux que vraie, elle est vraisemblable ». Notons que le roi de France est le seul monarque d’Occident à avoir une fleur dans ses armoiries.

Et le cochon ?

On ne sait rien de ce qu’il lui est arrivé par la suite. On connaît, en revanche, le destin d’un autre cochon, sauvage celui-là, un cochon qui, le 4 novembre 1314, blessa gravement Philippe le Bel pendant une chasse en forêt de Halatte. Le roi fut transporté par bateau à Poissy puis porté en litière à Fontainebleau où il mourut à 46 ans, le 29 novembre. Ce sanglier fut immédiatement abattu.

La mort de Philippe le Bel

Indépendamment de ce tragique accident, la législation avait évolué depuis 1131 ; le principe de juger un animal domestique coupable d’un accident, d’une dégradation ou d’un chapardage s’est mis en place à partir du XIIIe siècle et perdurera jusqu’au XVIIe. L’animal coupable était capturé, incarcéré durant l’instruction, les témoins étaient interrogés et la sentence était lue à l’animal dans son lieu de détention. Les actes punis pouvaient être la dégradation d’un jardin, une boutique dévastée, la rébellion ou le refus de travailler (un bœuf fut pendu en 1405 pour avoir simplement démérité). La sentence est la mort, ou l’acquittement. Si l’animal n’a pas été capturé, on juge son mannequin.

Dans neuf cas sur dix, c’est un porc qui fait l'objet de ces procès (devant les moutons), l’animal domestique vagabond par excellence, l’éboueur des rues des villes.

Les autres procès d’animaux

A côté des procès individuels existaient aussi les procès intentés aux petits animaux destructeurs de récoltes, procès dans lesquels l’Eglise était impliquée ; ils aboutissaient à des exorcismes. L’Eglise également responsable des procès en sorcellerie dont les coupables, ou plutôt les victimes, étaient des chats, des boucs, des chiens ou des coqs.

Pour en savoir plus :

Michel Pastoureau – Le roi tué par un cochon  (ed. du Seuil, Points, collection Histoire, 2015)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_de_France_(1116-1131)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_VII_le_Jeune

Les pourceaux de Saint-Antoine

Les cochons, nombreux, ne son pas élevés dans un enclos mais divaguent partout, y compris dans les cimetières ; Philippe-Auguste fait entourer d’un mur le cimetière des Innocents pour empêcher les porcs de déterrer les cadavres.

On publie des ordonnances municipales pour interdire ces divagations ; à Paris, elles sont interdites sous peine de confiscation pour le profit du bourreau. Ordonnances souvent renouvelées, sous Charles V, sous Louis XI, preuve de leur efficacité relative. Les moines de l’hospice du Petit-Saint-Antoine réagissent vivement et leurs porcs continuent à avoir toute liberté de circuler, à condition de porter une clochette timbrée aux armes de l’hospice. En 1545, on quêtait d’ailleurs pour ces pourceaux : « N’y a-t-il rien pour les pourceaux de Saint-Antoine ? Chambrières, regardez-y ! »

Les porcs abondent dans la capitale jusqu’au XVIe siècle.

En conclusion

Le règne de Louis VII, l’un des plus longs du royaume, aura connu bien des calamités mais il aura été aussi le témoin d’une agriculture qui gagne en surface et en productivité, des villes qui s’enrichissent ;, des châteaux forts en pierre continuent de remplacer les forteresses en bois et l’architecture ogivale prend son essor.

Une administration prend corps, elle sera développée par Philippe Auguste, que son père a pris soin d’associer au gouvernement dès l’âge de quinze ans.

Son règne est maintenant partiellement réhabilité. Mais, que ce serait-il passé si le jeune Philippe, moins dévot, plus viril, avait épousé Aliénor d’Aquitaine ?

Sommaire :

Philippe de France

La mort infâme

Réparer la souillure

Un règle calamiteux ?

L'appel à la vierge

Et le cochon ?

Les autres procès d'animaux

Les pourceaux de Saint-Antoine

En conclusion