48 : 22 juillet 1899 -
l’accident du tricycle de Léon Serpollet
Si les ateliers des frères Serpollet sont installés 25-27, rue des Cloÿs, au nord de Montmartre, l'accident a eu lieu avenue Simon Bolivar, près des Buttes-Chaumont
Extrait du journal Le Soleil, 23 juillet 1899
Préhistoire de l'automobile
Le terme « automobile » est sans ambiguïté, il désigne un véhicule apte à se déplacer sans l’apport de l’énergie humaine ou animale, en particulier les chevaux.
Si l’on met de côté quelques expériences du XVIIe siècle, telles qu’une voiture à ressort, on peut considérer que le premier véhicule automobile est l’invention de Joseph Cugnot présentée en 1769, le « fardier », une machine à vapeur développée pour déplacer des canons : longue de 7 mètres, 8 tonnes en charge, vitesse de 4 km/h. Sans frein ni direction, cette machine ne survivra pas à quelques essais en 1770, dont un droit dans un mur.
En 1801, l'Anglais Richard Trevithick présente un véhicule à vapeur et à trois roues pouvant transporter 9 passagers.
En 1873, Amédée Bollée présente l’Obéissante. Quatre roues, propulsion arrière, suspensions indépendantes. Ce véhicule à vapeur est capable de transporter douze personnes à 40 km/h en pointe. C’est le premier véhicule de ce type commercialisé ; et deux ans plus tard, l’Académie française utilise pour la première fois le néologisme « automobile ».
L’industrie automobile vient de naître, les frères Serpollet sont de la partie.
La Société des Moteurs Serpollet frères et Cie
Henri Serpollet (31 ans) et Léon (21 ans) arrivent à Montmartre en 1879 ; ils apportent avec eux une étrange machine : un ensemble de plaques de tôle, le générateur à vaporisation instantanée. Originaires de l’Ain et d’une famille d’artisans menuisiers, ils sont venus à Paris pour la faire breveter, ce qui sera fait en 1881. Henri est l’inventeur mais Léon devient l’organisateur de l’industrialisation. En 1886, Léon rencontre un riche industriel, M. Larsonneau, qui possède une petite usine rue des Cloÿs, sur le versant nord de Montmartre, voie de faubourg, bordée de chaudronneries, d’entrepôts au fond des cours et, au delà, des champs. Il met une partie de ses ateliers à la disposition de la Société des Moteurs Serpollet frères et Cie...
Léon Serpollet et le Tricycle
Les générateurs Serpollet connaissent le succès. Léon décide alors de réaliser ce dont il rêve depuis longtemps, après Cugnot et Amédée Bollée : une automobile ; en fait, un tricycle à une place, deux roues à l'arrière dont une motrice, une roue directrice à l'avant.
Paris-Enghien
Mai 1888, après les premiers essais, Léon Serpollet effectue la première tentative de trajet en ligne, de la rue des Cloÿs à Enghien, soit moins de 20 km à la vitesse moyenne de 30 km/h.
Il multiplie les démonstrations dans Montmartre, y compris dans les plus fortes pentes. Mais ce n'est qu'en avril 1891 que Léon Serpollet et un dénommé Avezard obtiennent l'autorisation officielle de conduire leur véhicule dans Paris, à condition de ne pas dépasser 16 km/h. Le premier permis de conduire ?
L'épopée du premier Paris-Lyon (dix jours)
Archdeacon et Serpollet en partance pour Lyon
En janvier 1890, un tricycle à moteur Serpollet, à deux places cette fois, part de la rue des Cloÿs au petit matin pour une randonnée au long cours, jusqu'à Lyon. A bord, Léon Serpollet et son ami Archdeacon, champion cycliste assez connu à l'époque. "C'était véritablement un poêle cloué sur une caisse, raconte un témoin. Du coke brûlait très vif à l'arrière et portait au rouge blanc un serpentin d'acier, le fameux "générateur à vaporisation instantanée". La sortie de Paris se fit sans mal : la voiture ferraillait abominablement, les chevaux des fiacres se cabraient alentour, mais les deux voyageurs n'en prenaient pas trop de déplaisir. Mais dès l'entrée en banlieue, dans les terribles ornières d'autrefois, écrous, menues pièces, détails de carrosserie commencèrent à semer le sol. Presque à chaque village, Serpollet, qui était ouvrier débrouillard, descendait de voiture, cherchait une enclume et forgeait une remplaçante à la pièce en fuite..."
Dans une descente, soudain la tige de direction se brise. La voiture s'arrête sur le bas-côté, l'avant dans un arbre. Impossible de réparer sur place. Les deux voyageurs continuent leur route penchés vers la roue avant qu'ils dirigent à coups de poing sur la jante, Archdeacon cognant à gauche lorsqu'il faut tourner vers la droite, Serpollet cognant de l'autre côté. Il leur faut quatre heures pour atteindre un village où sera façonnée une autre tige de direction.
Ils mettent en tout dix jours pour atteindre Lyon. Personne avant eux n'avait fait un si long trajet en automobile. Ils sont ovationnés. La voiture rentrera à Paris par le train.
Les Serpollet multiplient les victoires
L'organisation de courses automobiles a rapidement suivi la naissance des premiers constructeurs, l'émulation par la vitesse. Les Serpollet tiennent souvent le haut du pavé.
La première véritable compétition a lieu en 1888 : Neuilly-Versailles, et retour. Le marquis de Dion prend le départ sur une Serpollet à vapeur.
Les Serpollet sortent vainqueurs du kilomètre lancé à Deauville (1901), dans le Bois de Boulogne, course de côte sur la Corniche de Nice (1902), de la coupe Rothschild (1903),etc.
Les steamers Serpollet ont-elles un problème d'endurance ? Léon abandonne lors de la course Paris-Berlin de 1901.
Récompense suprême : Sur la Promenade des Anglais, l’œuf de Pâques, une Gardner-Serpollet bat le record de vitesse qui avait été établi par Camille Jenatzi en 1899 sur son engin électrique, la Jamais Contente : 120 km/h, soit 15 km/h de mieux.
L’œuf de Pâques
Les « steamer » victimes du moteur à explosion
Les tricycles Serpollet connaissent le succès, en France et à l’étranger. Les investisseurs s’y intéressent, notamment un industriel, Armand Peugeot ; fabricant de quincaillerie et de bicyclettes de Sochaux, il achète les moteurs Serpollet pour ses premières automobiles.
Peugeot Serpollet Type 1 avec éclairage
Le succès est cependant de courte durée. En 1860, un Belge, Lenoir, a mis au point la première ébauche d'un moteur à explosion, à gaz puis au pétrole. Le français Beau de Rochas améliore le rendement en développant un cycle à quatre temps.
1876, Gottlieb Daimler et Nikolaus Otto industrialisent le principe de Beau de Rochas.
1885 : Carl Benz crée son propre tricycle.
1889, Daimler et Maybach présentent le premier véhicule à quatre roues avec moteur à explosion. Panhard & Levassor suit l’année suivante.
Dès lors, ce sera la compétition entre les trois sources d’énergie : électrique, vapeur, et pétrole. Le pétrole l’emporte définitivement avant la Première Guerre mondiale, malgré le fameux record de vitesse de 1903. Armand Peugeot abandonne le steamer Serpollet au profit du moteur Benz en 1890.
La compétition entraîne une course aux innovations. Dès 1895, les Serpollet se lancent dans la production de camions. Puis ils se lancent aussi dans les tramways, avec un certain succès, malgré quelques accidents. Mais, cette fois-ci, c’est l’électricité qui a raison de leur production.
Automotrice Serpollet
Tous ces investissements poussent l’entreprise au bord de la faillite. En 1898, ils s’associent heureusement à l’américain Franck Gardner et créent la société Gardner-Serpollet. On agrandit l’usine et on la déménage rue Stendhal (XXe).
Léon Serpollet ne verra pas la victoire définitive du moteur à essence : il décède en 1907, à 49 ans. Il y a foule à ses obsèques, champions automobiles, industriels, hommes et femmes du monde, riches clients... Son frère, le discret Henri, mourra en 1915 dans l'indifférence générale.
Le cas Rudolf Diesel
A Paris vivent et travaillent d’autres pionniers de l’automobile : les établissements Panhard & Levassor installés dans le XIIIe arrondissement, le marquis de Dion qui habite avenue Wagram ou Louis Renault qui aura l’honneur d’être le passager de Léon Serpollet et testera la puissance de ses premiers véhicules sur les pentes de la rue Lepic.
Il faut citer aussi Rudolf Diesel, né au 38, rue Notre-Dame-de-Nazareth, qui connaîtra un destin tragique.
Il est né en 1858 à Paris, ses parents ayant émigré de Bavière. La guerre de 1870 contraint la famille à quitter la France ; Rudolf n’y revient qu’en 1880. Diplômé de la Royal Polytechnic de Munich, il travaille d’abord sur les techniques de réfrigération, puis tente de mettre au point une machine à vapeur, machine qui explose, lui valant de nombreux mois d'hôpital.
Sa notoriété scientifique vient en 1893 avec la publication d’un traité sur une nouvelle méthode de motorisation. Le premier moteur Diesel commercialisé est présenté à l'Exposition universelle de 1900 (les premières automobiles n’apparaîtront qu’en 1936, une Mercedes, et 1938, la Peugeot 402).
La mystérieuse disparition
Le 29 septembre 1913, Rudolf Diesel se trouve à bord du paquebot à vapeur allemand Dresden, parti d’Anvers pour Londres. Après avoir soupé avec ses collaborateurs, il se retire dans sa cabine vers 22 h. Il n'a plus jamais été revu vivant. Dix jours plus tard, l'équipage d’un cargo aperçoit le cadavre d'un homme flottant sur la mer. L’état de décomposition est tel qu'il ne peut être hissé à bord du cargo, mais les objets personnels récupérés permettent de l’identifier. Le corps est abandonné à la mer. Le mystère reste entier. Est-ce un assassinat ? Diesel, ingénieur allemand et auteur d’une invention majeure, rejoignant l’Angleterre à la veille de la Première Guerre…
Tout se met en place en une vingtaine d’années
1891 : c’est le premier pneumatique à chambre à air mis au point par la société « Michelin et Cie », inspiré du bandage pneumatique en caoutchouc de John Dunlop.
L’Eclair Michelin à quatre roues métalliques et pneumatiques
1894 : Paris-Rouen, première grande course en ligne (le marquis de Dion est vainqueur en 5h40) ; l’obsession de la vitesse est indissociable de l’automobile. Suivent la coupe Gordon Bennett, les courses d’endurance Paris-Bordeaux, Paris-Berlin ou Paris-Madrid ; durant cette dernière, en 1903, Marcel Renault se tue et provoque la mort d’usagers de la route étrangers à la course. Les courses sur routes ouvertes seront désormais interdites.
Marcel Renault durant Paris-Madrid de 1903
1895 : l’« Automobile Club de France », est fondé par Jules-Albert de Dion, encore lui.
1898 : Camille du Gast et la duchesse d'Uzès, premières conductrices.
1898 : Premier salon de l’Auto au parc des Tuileries.
1898 : premier accident mortel
1901 : installation de la première pompe à essence, selon le principe du norvégien John J. Tokheim. Auparavant, l’automobiliste doit transporter le carburant qu’il s’est procuré dans une pharmacie…
1902 : Les bases de la réglementation routière, ébauches du futur code de la route. Les premiers panneaux de signalisation, et de limitation de vitesse entre 4 et 10 km/h.
1910 : Les noms des villes sur les panneaux Michelin.
1911 : Premier braquage de banque motorisé, par la bande à Bonnot.
Pour en savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27automobile
https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2007-2-page-61.htm
https://bugeysud-tourisme.fr/fr/decouvertes/patrimoine/personnages-celebres/les-freres-serpollet/