6 : 1er décembre 1832 – Parution du Charivari

1 : 12 avril 1826 – Balzac devient imprimeur

Rue Visconti (VIème)

Famille, jeunesse & débuts

Bernard-François et Anne-Charlotte


Bernard-François Balssa, né en 1746, saute-ruisseau dans une étude de notaire, coureur de jupons, sut profiter des tourbillons de la Révolution, il devint directeur des vivres à Tours pour la vingt-deuxième région militaire.

En 1797, à 51 ans, il épouse Anne-Charlotte-Laure Sallambier, 19 ans, fille d'un administrateur des subsistances militaires.

Bernard-François choisit de troquer Balssa contre Balzac, village de sa contrée d’origine, nom auquel il ajoutera discrètement une particule.

Honoré naît à Tours le 20 mai 1799. « Je n’ai jamais eu de mère » écrira-t-il, Anne-Charlotte-Laure est surtout préoccupée de mondanités. Honoré sera plus proche de ses deux sœurs, Laurence et surtout de Laure. Confié à une nourrice dès son plus jeune âge, puis pensionnaire au collège des Oratoriens à Vendôme, vie austère et discipline stricte, mauvais résultats scolaires. Il plonge dans la mélancolie et se réfugie dans la lecture.

En 1814, Bernard-François est nommé à Paris directeur des vivres de la première région militaire. Balzac se retrouve à nouveau en internat ! Il est finalement bachelier en 1816 et entreprend des études de droit.

Maître Derville dans son étude (dans le Colonel Chabert)


Il entre dans un cabinet d’avoué en septembre 1816 avant de passer à celui d’un notaire. Une expérience profitable au futur auteur ; mariages, héritages, conflits commerciaux parsèment la Comédie Humaine, Balzac créera le personnage de Maître Derville.

L’étude n’est pas le seul objet de sa curiosité, il est fasciné par la grande ville, les rues du Marais, les boutiques, les petits rentiers, les artisans, les fonctionnaires.

Tout cela nourrit son imagination particulièrement féconde. C’est décidé, il ne sera ni notaire ni avoué mais écrivain, au grand dam de ses parents qui tentent vainement de le détourner de cette funeste vocation. Dans ce cas, il voit son budget réduit au strict minimum. Il devra se contenter d’une mansarde 19, rue Lesdiguières. 

Le père donne deux ans au jeune ambitieux pour réussir. Mais, pour cela, il faudra attendre dix ans et Le Dernier Chouan.

Daumier – Poète dans une mansarde & Balzac jeune par Achille Dévéria

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Voici la description que Balzac fait de sa propre mansarde dans La Peau de Chagrin : « Rien n’était plus horrible que cette mansarde aux murs jaunes et sales, qui sentait la misère et appelait son savant. La toiture s’y abaissait régulièrement et les tuiles disjointes laissaient voir le ciel. Il y avait place pour un lit, une table, quelques chaises. »

Cette même année, en 1819, Bernard-François Balzac, 73 ans, est mis à la retraite ; le vieux couple voit alors ses revenus baisser et emménage dans une maison à Villeparisis. Ils ont pour voisins la famille Berny. Balzac est engagé comme précepteur des filles du couple et tombe immédiatement amoureux de Laure de Berny, pourtant de 22 ans son aînée. Elle résiste aux avances de plus en plus pressantes du fougueux soupirant puis finit par céder un soir de mai 1822 ; elle lui sera fidèle jusqu’à sa mort.


Les années 1820 sont pour Honoré l’époque de la production de masse et à vil prix. Il touche à tous les genres tels le drame, Cromwell, le roman philosophique, Falthurne, le roman épistolaire, Sténie ou les nouvelles telle Melmoth réconcilié.

Il rejoint l’équipe d’un nommé Auguste Lepoitevin de l’Egreville, une fabrique de romans à la chaîne. Sous le pseudonyme de Lord R’hoone ou Horace de Saint-Aubin, la liste des écrits s’allonge, l’Héritière de Bretagne, Clotilde de Lusignan, la Dernière Fée … sans oublier les productions anonymes pour le compte d’autres auteurs et les libelles ultramonarchistes.

Le bilan n’est pas brillant.

Nouvelle chambre mansardée, 2 rue de Tournon, dans l’ancien Hôtel de Châtillon. Les moments de regain de courage succèdent aux périodes de doute. 

Il rencontre Horace Raisson, l’un des fondateurs du Feuilleton littéraire. Balzac fait son entrée dans les coulisses de la littérature ; dès lors, c’est un Balzac « affranchi », spéculateur à l’affût de toutes les modes.  C’est le Lucien de Rubempré, des Illusions perdues. D’écrivain à la chaîne, il devient mercenaire (cf. 6).

Daumier – les journalistes


Ses opuscules : Le droit d'aînesse, Histoire impartiale des jésuites, Le Code des gens honnêtes ou l’art de ne pas être dupe des fripons. Sa situation financière s’améliore, mais être une plume au service des autres ne le satisfait pas.

Une autre opportunité va bientôt s’offrir …

1825-1826 : Balzac éditeur

Balzac vers 1826


Au 104, rue du Bac est installée la librairie d’Urbain Canel. Comme beaucoup de ses collègues, Canel est également éditeur. En 1825, il s’associe avec un autre libraire pour une belle entreprise : rééditer Molière, Racine, Corneille et La Fontaine, chacun dans un beau et gros volume illustré. Une idée neuve pour l’époque, en quelque sorte, la collection la Pléiade avant l’heure.

Tout projet ambitieux nécessite une mise de fonds. Le jeune Balzac, en grande période de doute car le succès n’est toujours pas au rendez-vous, est candidat. Il s’investit énormément, peaufine le projet, trouve un imprimeur et assure une publication de belle qualité. Mais au bout de quelques mois, le jeune homme est lâché pat Canel et son associé. Balzac ne renonce pas mais c’est un fiasco.

Laure Surville, la sœur d’Honoré : « Le premier, il eut l'idée des éditions compactes, qui enrichiront la librairie, et publia en volume les oeuvres complètes de Molière et de la Fontaine. Il mena de front ces deux publications tant il craignait qu'on lui enlevât l'une pendant qu'il ferait l'autre. Si ces éditions ne réussirent pas, c'est parce que l'éditeur, inconnu en librairie, ne fut pas soutenu par ses confrères patentés qui se refusèrent de vendre ces livres. La somme prêtée ne put suffire pour les nombreuses annonces qui auraient peut-être attiré les acheteurs ; ces éditions restèrent donc parfaitement inconnues : à une année de leur publication, mon frère n'en avait pas vendu vingt exemplaires, et pour ne plus payer le loyer du magasin où elles étaient entassées et se perdaient, il s'en défit, au prix du poids brut de ce beau papier qui avait coûté si cher à noircir. »

Signalons que ce fut la première de la longue série des faillites d’Urbain Canel !

1826-1829 : Balzac imprimeur rue Visconti

La rue Visconti s’appelait rue des Marais ou des Marais-Saint-Germain à l’époque où Balzac s’installe dans ce bâtiment. 

Curieusement, l’échec de l’édition des classiques de Molière et La Fontaine n’aura pas détourné Balzac de ce métier. Bien au contraire, le voilà tenté par l’aventure de l’imprimerie. Il est poussé par l’envie de se refaire après cette première faillite. Et il faut rembourser les dettes … Des prêteurs, dont son père et le couple Berny, lui font tout de même confiance (il emprunte donc de l’argent au mari de sa maîtresse !). Il trouve un jeune prote, Barbier, et prend en mains, le 4 juin 1826, l’imprimerie toujours visible de la rue Visconti. Il occupe un petit appartement au-dessus de l’atelier.

Première publication, un prospectus pour les Pilules anti-glaireuses de longue vie, ou grains de vie de Cure, pharmacien rue Saint-Antoine. Les ouvrages littéraires seront rares dans la production de l’imprimerie, on y trouve cependant une édition de Cinq-Mars d’Alfred de Vigny.

Après un an d’activité, le bilan n’est pas glorieux ; l’espoir d’éponger les dettes s’éloigne.

Qu’à cela ne tienne, Barbier et Balzac décident de s’associer avec leur fournisseur de caractères et de racheter une fonderie, avec de nouveaux emprunts !

Début 1828, Barbier abandonne.

La fonderie est reprise par Alexandre Deberny, le fils de Mme de Berny, qui en fera une entreprise florissante.

Quant à l’imprimerie, elle est rachetée dès août 1828 par son ancien associé, Barbier.

Balzac a dorénavant 60.000 francs de dettes. Il craint la contrainte par corps, quitte la rue Visconti et va s’installer dans la discrète rue Cassini.

Laure Surville, sa soeur : « Honoré, âgé alors de près de vingt-neuf ans, n'avait plus que des dettes et sa plume seule pour les payer, cette plume à laquelle personne ne reconnaissait encore de valeur chacun le tenait en outre pour incapable, titre funeste qui prive de tout appui et achève si souvent le naufrage des infortunés ».

La plaque fut apposée en 1930.

Rue Cassini

La maison de Balzac rue Cassini


Après les fiascos des expériences d’éditeur, d’imprimeur et de fondeur, Balzac fait profil bas, il a 60.000 francs de dettes, dont une bonne partie contractée auprès de ses proches. Il craint les représailles judiciaires et vient se cacher rue Cassini, dans une maison aujourd’hui disparue. Il s’installe dans un appartement loué au nom de son beau-frère, Surville.

Une adresse importante car cet appartement voit la naissance de Balzac écrivain. Dorénavant, il signe ses écrits de son nom. Deux œuvres le font sortir de l’anonymat : Le Dernier Chouan, qui ne connaîtra qu’un succès d’estime mais sera plus tard le premier roman de la Comédie Humaine, et la Physiologie du mariage, qui rencontrera le public.

Finies les facilités ; les intrigues sont solides, les personnages bien charpentés et leurs psychologies soigneusement analysées.

Balzac écrit énormément. Citons parmi son abondante production la Maison du Chat-qui-pelote, Gobseck (1830), la Peau de chagrin (1831), le Colonel Chabert (1832), l’illustre Gaudissart, Eugénie Grandet (1833), Ferragus (1834) et le chef d’œuvre, le Père Goriot (1835). 

La silhouette de jeune homme laisse maintenant la place à un personnage rond et courtaud ; c’est un dandy aux vêtements voyants. Celui qui se fait appeler monsieur de Balzac a des goûts de nouveau riche : il possède une voiture et un attelage, son appartement est surchargé de tapis et de meubles de luxe, une loge lui est réservée à l’Opéra.

Le dandy et sa canne aux turquoises


On moque son art de vivre tapageur, sa faconde et ses travers provinciaux, mais son intelligence, sa gentillesse, sa joie de vivre finissent par charmer.

Laure de Berny, à la fois maîtresse et figure maternelle, l’entoure de son affection parfois étouffante. Il doit prendre garde à ce qu’elle ne croise pas sa rivale, la duchesse d’Abrantès. Madame Balzac n’a plus le même regard pour ce « fils » auteur à succès, elle s’occupe même de son intendance. Enfin, d’Odessa, madame Hanska se manifeste pour la première fois en 1832, deux ans plus tard, elle devient son amante.

Et les dettes sont toujours là, il faut donc produire, produire …

Laure de Berny & la duchesse d’Abrantès

Balzac vers 1838

Et les dettes ? Quitte ou double !

En 1838, Honoré de Balzac quitte Chaillot et la rue des Batailles pour se mettre au vert. Caché sous un prête-nom, il fait l’acquisition d’une maison dite des Jardies. Il a été éditeur, imprimeur, fondeur, directeur de journal, il se voit maintenant exploitant agricole !

Malgré les lourdes dettes qu’il a accumulées, il se lance dans de nouvelles dépenses : acquisition de terrains supplémentaires, construction « de murs, qui devinrent fameux par leur obstination à s’écrouler ou à glisser tout d’une pièce sur l’escarpement trop abrupt » (Théophile Gautier). Il veut acheter des vaches laitières, se lancer dans la vigne, cultiver des légumes. Balzac est à nouveau pris de la folie des grandeurs.

Et il est question d’ananas ! Episode fameux rappelé par Théophile Gautier : « Voici le projet : cent mille pieds d’ananas étaient plantés dans le clos des Jardies, métamorphosé en serres qui n’exigeraient qu’un médiocre chauffage, vu la torridité du site. Les ananas devaient être vendus cinq francs au lieu d’un louis qu’il coûtent ordinairement, soit cinq cent mille francs ; il fallait déduire de ce prix cent mille francs pour les frais de culture, de châssis, de charbon ; restaient donc quatre cent mille francs nets, qui constituaient à l’heureux propriétaire une rente splendide […] le beau est que nous cherchâmes ensemble, sur le boulevard Montmartre, une boutique pour la vente des ananas encore en germe. La boutique devait être peinte en noir et rechampie de filets d’or, et porter sur son enseigne en lettres énormes ANANAS DES JARDIES. II se rendit pourtant à notre conseil, de ne louer sa boutique que l’année suivante, pour éviter des frais inutiles. »

L’utopie agricole est abandonnée, le domaine mis en vente par adjudication. Il avait coûté cent mille francs. Les dettes sont énormes. Cette fois-ci, il a embarqué le couple Guidoboni-Visconti dans la tourmente, c’est-à-dire sa maîtresse et le mari de celle-ci ! Balzac est aux abois, il en est réduit aux  extrémités, ainsi il « demande à son amie Zulma Carraud si elle ne connaîtrait pas une jeune fille à marier, avec une dot de deux ou trois cent mille francs » (François Taillandier – Balzac).


Pour couronner l’année 1840, il fonde une nouvelle publication, la Revue parisienne, qui ne durera que quelques mois.

Des déconfitures à sa dimension, il ne sait plus où il en est. Il s’installe à Passy 19, rue Basse, aujourd’hui 47, rue Raynouard. Il s’appelle dorénavant Monsieur de Brugnol.

dettes et sa plume seule pour les payer, cette plume à laquelle personne ne reconnaissait encore de valeur chacun le tenait en outre pour incapable, titre funeste qui prive de tout appui et achève si souvent le naufrage des infortunés ».

La plaque fut apposée en 1930.


Pour en savoir plus :

François Taillandier : Balzac (Ed. Folio biographies)

Stefan Zweig : Balzac (Le Livre de Poche)

http://paris.visites.jpkmm.free.fr/balzac/