32 : Chez le Père Lathuille – Manet (1879)

7, avenue de Clichy

Installé au-delà du mur des Fermiers Généraux pour échapper à la taxe parisienne sur le vin, le cabaret du père Lathuille est un établissement déjà ancien lorsque Manet l’utilise comme cadre de son tableau. La Père Lathuille s’était illustré dans les derniers jours de mars 1814. Ces jours-là, les armées alliées contre Napoléon sont aux portes de Paris ; la barrière de Clichy est le dernier bastion résistant à la poussée, défendue par des soldats et des volontaires sous le commandement du maréchal Moncey ; un tableau d’Horace Vernet illustre ces moments.

  

Horace Vernet - La Barrière de Clichy. Défense de Paris, le 30 mars 1814, 1820, Louvre


Devant l’arrivée des ennemis, le Père Lathuille distribue aux soldats français sa marchandise en leur disant : « Buvez, mes amis, buvez gratis ; ne laissez pas aux cosaques une seule bouteille de mon vin ».

Cette anecdote traversera les années, on en fait un vaudeville en 1835, Le Père Lathuille, ou le Cabaret de la barrière de Clichy.


Le tableau de Manet

  

La Boutique du Père Lathuille - 1879 - Musée des Beaux-arts de Tournai


Ellen Andrée, modèle de Degas pour l’Absinthe (cf.22), pose pendant deux jours, puis ne revient plus ; elle est remplacée par Judith French, parente d’Offenbach. L'œuvre, en raison de la douceur de sa lumière et de ses couleurs, la nonchalance tranquille, est emblématique des nombreuses scènes peintes par Manet se déroulant dans un café ou un restaurant, comme La Serveuse de bocks, au Café des Ambassadeurs, ou Cabaret  von Reichshoffen.

  

Cabaret von Reichshoffen, 1878, collection Oskar Reinhart, Winthertur


La Serveuse de Bocks, 1879, musée d'Orsay


Manet vu par son ami Antonin Proust : « Chez Manet, l’œil jouait un si grand rôle que Paris n’a jamais vu de flâneur flânant plus utilement. Il dessinait sur un carnet un rien, un profil, un chapeau, en un mot une impression fugitive (…) Il n’y a qu’une chose vraie, faire du premier coup ce qu’on voit. Quand ça y est, ça y est. Quand ça n’y est pas, on recommence ».