M4 : 1808 : l’arc de triomphe du Carrousel
Un empereur se doit d’avoir un arc de triomphe. Surtout un empereur victorieux tel que Napoléon après Ulm et Austerlitz en décembre 1805.
La commande est donc passée auprès des architectes Percier et Fontaine, deux amis dont les noms sont indissociables (au point de reposer dans le même mausolée au Père Lachaise).
Charles Percier et Pierre Fontaine
Les favoris de Napoléon ont fait leurs premières armes chez Chalgrin, le premier architecte de l’Arc de triomphe de l’Etoile, avant de séjourner à Rome dont les monuments antiques constituent leur source d’inspiration.
A son retour, Percier assiste Alexandre Lenoir dans la création du musée des Monuments français. En 1798, les deux amis publient un premier recueil, Palais et maisons de Rome, qui attire l'attention du public ; les commandes de décoration d'appartements et d'hôtels se multiplient ; un deuxième recueil paru en 1801, Plans, coupes, élévations des plus belles maisons et hôtels construits à Paris et dans ses environs, lance définitivement leur carrière. C’est Joséphine qui les introduit dans l'entourage de Bonaparte. Ils sont nommés architectes des palais du Premier et du Deuxième consul. Désormais, ils n’honoreront plus que les commandes officielles.
Leur chef d’œuvre reste l’arc de Triomphe du Carrousel, érigé entre 1806 à 1808.
Il est sensé être l’entrée monumentale du palais des Tuileries, situé en avant des grilles de la cour d’honneur.
Arcs de triomphe de Septime Severe, du Carrousel et de Constantin
C’est bien sûr à Rome que Percier et Fontaine vont chercher l’inspiration : l’arc de Constantin, lui-même copie de l’arc de Septime Sévère.
Les frises et statues n’ont qu’un objectif, glorifier l’Empereur et la Grande Armée au lendemain de leurs victoires d’Ulm et d’Austerlitz sur l’empire d’Autriche-Hongrie, en décembre 1805.
Les sujets des bas-reliefs ont été choisis par Vivant Denon (le directeur du musée Napoléon) et dessinés par Charles Meynier. Une quinzaine de sculpteurs se sont attelés à la tâche.
Pour plus d’informations sur le détail des statues et bas-reliefs :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arc_de_triomphe_du_Carrousel
Notons une anecdote : l’un des soldats statufiés, le sapeur, représente Mariole, un soldat connu pour sa force, à l’origine de l’expression « faire le mariole » !).
Les Grognards par Jean Tulard (Napoléon – Ed. Fayard) : « C’est la boue des plaines de Pologne qui valut aux biffins de Napoléon le surnom de grognard. Coignet raconte qu’on enfonçait dans la boue jusqu’aux genoux : Il fallait attacher ses chaussures avec une corde pour ne pas les perdre. La boue devint telle que chacun était obligé de prendre sa jambe de derrière des deux mains pour l’arracher et la jeter en avant.
De nombreux soldats périssent de maladie, de froid, de fatigue. Quelques-uns se suicident.
Le découragement et les critiques à l’égard de leur chef se multiplient.
[…] Napoléon sait que le troupier a besoin d’exutoire. Il sait laisser la liberté de parole à ses soldats, liberté héritée des armées de la République. Après la boucherie d’Eylau, il fait le gros dos à l’énoncé des critiques.
De l’état militaire, le grognard connaît bien plus les servitudes que les honneurs. Si l’on excepte quelques ripailles, bonnes fortunes et l’ambiance de chaude camaraderie des camps, la vie du grognard n’est qu’un océan de misère. Leur force est dans leurs jambes, capables de faire dix à douze lieues en une journée. Bien des batailles ont été gagnées grâce à la rapidité de déplacement des troupes. »
Les pérégrinations des quadriges
Acte I
On ne sait pas exactement quelle était la destination d’origine de ce fameux quadrige de chevaux de cuivre. Leur âge est également débattu. Les analyses récentes penchent pour une fabrication grecque datant du IVème siècle avant Jésus-Christ. Ils sont transportés par l’empereur Constantin dans la nouvelle capitale qu’il fonde en 330. Pendant 900 ans, ils vont orner l’hippodrome de Constantinople.
Acte II
En 1198, le pape prêche une IVème croisade. Il faut plusieurs années pour que l’armée croisée se constitue. En 1204, les chefs négocient le transport maritime avec la République de Venise mais ils sont dans l’incapacité de régler la totalité de la redevance. Pourquoi la flotte croisée s’est-elle détournée vers Constantinople au lieu de rejoindre l’Egypte ? cela reste encore un sujet de discussion. Toujours est-il que la reconquête des lieux saints se transforme en siège puis sac de Constantinople, grande cité chrétienne, par des soldats croisés ! Des milliers d’habitants vont y être massacrés.
De toutes les parties prenantes, Venise sera la grande bénéficiaire territoriale de cette funeste aventure ; la dette des croisés est largement remboursée et la Sérénissime ajoute à son butin de guerre le quadrige de l’hippodrome.
Le doge Dandolo les fait transporter sur des galères mais, étant trop grands, il faut les décapiter, pour les re-souder par la suite.
Ils vont orner la façade de la basilique Saint-Marc à partir de 1254.
Acte III
1796-1797. Le Directoire est en guerre contre l’Autriche. Bonaparte est le général en chef de l’armée d’Italie qui caracole de victoire en victoire (le pont d’Arcole, Rivoli, Castiglione ..). L’un de ses objectifs est de mettre la main sur la marine de Venise et son arsenal. Le 1er mai 1797, il déclare la guerre à la république vénitienne. La ville se rend le 12 mai. Le fameux quadrige fait partie de l’important butin qu’il emporte à Paris.
Acte IV, un autre quadrige.
En 1793, la porte de Brandebourg à Berlin est couronnée du quadrige de Johann Gottfried Schadow, figurant la déesse de la Victoire sur un char tiré par quatre chevaux.
En 1806, l’armée prussienne est sévèrement battue à Iéna par l’armée française. Le groupe statuaire est emporté par Napoléon Bonaparte qui veut l'installer à Paris ; il aurait pu orner l’arc de triomphe du Carrousel. Après la victoire des troupes alliées en 1815, le quadrige est retrouvé par les troupes du général Blücher encore emballé dans des caisses. Son retour à Berlin sera triomphal.
Acte V
1808 : le quadrige de Venise est installé sur l’arc de triomphe du Carrousel.
Acte VI
Après la chute de Napoléon et selon les termes du congrès de Vienne, les chevaux sont rendus à Venise par les Autrichiens et reprennent leur place sur la façade de la basilique, jusqu’en 1991, date à laquelle on les remplace par une copie pour les préserver de la pollution.
Ils sont maintenant à l’abri dans le musée Saint-Marc.
Acte VII
Les chevaux vénitiens partis, on ne laisse pas nue la terrasse de l’arc de triomphe. François Joseph Bosio s’en inspire pour son œuvre : La Paix conduite sur un char de triomphe (1828). La Paix retrouvée grâce à la Restauration, encadrée des deux Victoires dorées.