36 : 15 décembre 1840 : Eglise du Dôme,
retour des cendres de Napoléon
Si Louis XVIII refuse le retour de la dépouille de l’ex empereur, en 1840, Adolphe Thiers, Président du Conseil, considère au contraire que ce pourrait être bon « coup » politique : d’une part, réhabiliter la Révolution et, d’autre part, redorer le blason de la monarchie de Juillet, dont la raison d’être a toujours été de rassembler royalistes, bonapartistes et républicains (le mythe napoléonien a déjà atteint son plein développement ; le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases est le meilleur tirage du XIXème siècle).
Guizot, ambassadeur à Londres, voit la demande du gouvernement français agréée.
Se pose alors une question : où installer le tombeau ? La ville de Saint-Denis propose la nécropole des rois de France ; d’autres évoquent l’arc de triomphe de l'Étoile, la colonne Vendôme, le Panthéon ou la Madeleine. Finalement, ce sera l’église des Invalides.
Le 7 juillet 1840, la frégate Belle Poule appareille à Toulon, escortée de la corvette La Favorite, et commandée par le prince de Joinville, fils cadet de Louis-Philippe ; à son bord, les généraux Bertrand et Gourgaud, le fils de Las Cases, et cinq domestiques qui avaient servi Napoléon à Sainte-Hélène.
Le voyage aller dure quatre-vingt-treize jours, transformé en croisière touristique (Cadix, Madère, Ténérife, Bahia). Les deux navires parviennent à Sainte-Hélène le 8 octobre.
La mission se rend à Plantation House où l’attend le gouverneur, le major général Middlemore : « Messieurs, les restes mortels de l’Empereur seront remis entre vos mains, le jeudi 15 octobre. » La mission se remet en route en direction de Longwood House. La demeure de l’ex-empereur est restée à l’abandon, les meubles ont disparu et la chambre de Napoléon a été transformée en écurie.
Le tombeau de Napoléon était situé dans un lieu solitaire « la vallée du Tombeau », couvert de trois dalles au niveau du sol et entouré d’une grille de fer, près d’une fontaine dont l’eau fraîche plaisait à Napoléon.
Le 14 octobre à minuit et à la lueur des torches, les soldats britanniques s’emploient à l’exhumation. Le cercueil est sorti au matin et, après ouverture, le corps de Napoléon apparaît, dans son uniforme vert, la poitrine barrée du cordon rouge de la Légion d’honneur ; la tête repose sur un coussin, le visage serein, les paupières fermées présentent encore quelques cils, le menton est piqueté d’un peu de barbe, le petit chapeau est placé en travers sur les cuisses.
Le cercueil est hissé sur le pont de la Belle Poule vers 6 heures. Napoléon est de retour sur le territoire français. Le 18 octobre, à huit heures du matin, la Belle Poule, la Favorite, appareillent et filent à toute allure vers la France.
gallica.bnf.fr
Thiers n’est plus au gouvernement et les relations entre la France et l’Angleterre se sont tendues. Le gouvernement est maintenant embarrassé par cette initiative et veut accélérer les préparatifs.
Il faut réquisitionner tout ce que Paris et les faubourgs comptent de bras pour réaliser la mise en scène prévue du pont de Neuilly aux Invalides : des échafaudages de carton-pâte qui regardent passer le char funèbre. Et, surtout, éviter tout débordement révolutionnaire.
Le 6 décembre 1840, dans la rade de Cherbourg, les restes sont transférés de la Belle Poule sur le vapeur la Normandie, puis à Rouen, le 9 décembre, sur le bateau la Dorade pour remonter la Seine ; le long des berges, la population rend hommage à l'Empereur.
Le Cortège funéraire passant devant le Corps législatif (gallica.bnf.fr)
Dernier arrêt à Courbevoie. Le 15 décembre 1840, à partir du pont de Neuilly, la foule est immense pour voir passer le char de l’Empereur accompagné de 80.000 hommes de troupe : Avenue de la Grande-Armée, Champs-Elysées. A deux heures, le cortège se trouve devant la grille des Invalides ; le roi et tous les grands corps de l’État attendent dans l’église du Dôme. Requiem de Mozart.
L’église reste ouverte au public du 16 au 24 décembre. Mais, dans le peuple, court le bruit que le tombeau n’est qu’un cénotaphe, qu’à Sainte-Hélène la commission n’a trouvé qu’un cercueil vide ou bien que les Britanniques ont secrètement rapatrié le corps à Londres pour en faire l’autopsie. Le peuple considère, comme l’écrit Victor Hugo, que ces cérémonies sont une mascarade et qu’il n’a pas pu rendre l’hommage souhaité. Pour Louis-Philippe, cette opération publicitaire est finalement un échec.
Le tombeau, conçu par l'architecte Louis Visconti, ne sera achevé qu'en 1861.
Notons que Napoléon III négociera l'achat de Longwood House et de la vallée du Tombeau, qui deviendront propriétés françaises en 1858, gérées depuis par le Ministère des Affaires étrangères.