25 : 15 mars 1804 : arrestation du duc d’Enghien
En octobre 1803, plusieurs chouans sont arrêtés à Paris. L’un d’eux, Querelle, révèle que Cadoudal, chef chouan, est arrivé en même temps que lui avec le projet d’assassiner Bonaparte. Aveux complétés par ceux d’un complice, Bouvet de Lozier : des généraux sont impliqués, Moreau, rival de Bonaparte, et Pichegru, ex général héros de la Révolution, coupable de connivence monarchiste, banni depuis le coup d’état de fructidor an V.
Les conjurés veulent rétablir les Bourbons sur le trône, prendre le contrôle des armées et des assemblées, à la faveur d’un mouvement d’insurrection et en présence d’un prince.
Moreau est arrêté, puis Pichegru. Enfin, Georges Cadoudal est arrêté à son tour dans des conditions rocambolesques le 9 mars 1804 (cf. rue Monsieur-le-Prince). Il confirme la venue d’un prince de sang. Bonaparte prend alors la décision de frapper un grand coup. Selon ses mémoires, « c'est Talleyrand qui [l]'a décidé à arrêter le duc d'Enghien ».
Louis Antoine de Bourbon-Condé, duc d’Enghien, petit-fils du prince de Condé a rejoint l’armée des immigrés dès 1789 et réside à Ettenheim, face à l’Alsace. Son nom est évoqué lors des interrogatoires mais parmi d’autres.
Bonaparte donne l’ordre à Savary, chef de la police secrète, de le faire enlever. Le 15 mars 1804, le 22ème de dragons - un millier d’hommes – franchit le Rhin à Rhinau et arrête le duc dans sa maison d'Ettenheim. Il est enfermé à Strasbourg puis transféré à Vincennes le 20 mars. Plusieurs autres personnes sont arrêtées au cours de cette opération. Le chien du duc suivra son maître jusqu’à son exécution.
Enghien comparaît immédiatement devant un tribunal composé de sept officiers nommés par Murat, gouverneur de Paris, sans savoir pourquoi ils sont nommés.
Le jugement a lieu le soir même, sans témoins ni défenseurs, sans que les papiers saisis soient portés à la connaissance du tribunal. Le duc d’Enghien, qui nie toute participation au complot, est condamné à mort pour faits d'armes contre la France et pour être à la solde de l'Angleterre.
La sentence est immédiatement exécutoire. Vers trois heures du matin, le duc est conduit devant le peloton d'exécution ; sa demande de rencontrer Napoléon Bonaparte ou de lui écrire est refusée. Enfin, le duc demande à commander lui-même le feu mais essuie un ultime refus. Il dit : « Combien il est affreux de périr de la main des Français ! ». A ces mots, l'officier Savary crie « Commandez le feu ! », le duc ayant le temps de lancer au peloton d'exécution « Visez au cœur ». Le duc est enterré dans la fosse fraîchement creusée derrière lui. On entendit ensuite les aboiements de Molihoff, le chien du duc, qui pleurait sur la tombe de son maître.
Le corps est exhumé par Louis XVIII pour être déposé dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes, où il se trouve toujours.
L’exécution du duc d’Enghien vu par les Anglais (gallica.bnf.fr)
Après l’exécution, l’instruction de l’affaire se poursuit. Pichegru ayant été trouvé étranglé dans sa cellule, le procès Moreau-Cadoudal s’ouvre le 25 mai 1804. Un mois plus tard, douze chouans sont guillotinés ; Moreau est banni.
Le fameux commentaire : « C'est pire qu'un crime, c'est une faute » est attribuée à Fouché ou Talleyrand ; ce serait le député Boulay, député de la Meurthe-et-Moselle, qui l’aurait prononcée.
Selon Jean Tulard, la mort du duc d’Enghien n’aurait pas autant choqué l’opinion publique que le suggère Chateaubriand ; les retombées de la conspiration sont, au contraire, tout bénéfice pour le Premier Consul. Dorénavant, les agissements des royalistes se feront sous la cape ou dans le secret de certaines loges maçonniques. Aux yeux des révolutionnaires, Bonaparte apparaît comme le meilleur rempart face aux menées royalistes ; tout est favorable au renforcement de son pouvoir.
Sainte Chapelle de Vincennes : tombeau du duc d’Enghien
avec son « assassin » au premier plan, un poignard dissimulé.
(La conception du tombeau fut confiée par Louis XVIII à Pierre-Louis Deseine.
Achevée en 1825, l’œuvre fut placée contre le mur du chevet.
Napoléon III la fit déplacer dans l’oratoire du roi).
Colonne mémorielle dans le fossé sud du château de Vincennes