20 : 24 décembre 1800 : l’attentat de la rue Saint-Nicaise
La rue Saint-Nicaise (Nicaise en 1800), disparue aujourd’hui, reliait la rue Saint-Honoré à la place du Carrousel (entre l’arc de triomphe du Carrousel et l’actuelle pyramide). Elle débouchait dans la rue Saint-Honoré entre la rue de l’Echelle et la rue de Rohan, c’est-à-dire face à la place Colette. C’est à cet emplacement qu’éclate une « machine infernale » le 3 nivôse an IX (24 décembre 1800).
En cette fin 1800, Bonaparte est persuadé d’avoir mis dans sa poche le parti royaliste par de nombreuses concessions ; la Vendée est pacifiée.
Cependant, il reste quelques irréductibles tels Georges Cadoudal, général de l'armée catholique et royale de Bretagne. Il espère relancer la chouannerie avec l’aide des Anglais. Il ourdit le projet d’un coup de force contre le Premier Consul et envoie « une soixantaine d’hommes de coups de mains » à Paris.
Le 19 décembre 1800, les Chouans Carbon, Limoëlan et Saint-Régeant achètent une charrette et un cheval à un négociant en grains, Carbon, se présentant comme un colporteur. Ils se rendent 19 rue de Paradis où ils ont loué un logement ; ils y passent cinq jours à fixer un grand tonneau de vin à la charrette. L’idée est de remplir le tonneau de poudre et de le faire éclater sur le passage de Bonaparte, sachant qu’il va se rendre à l’Opéra.
Le 22 décembre, Saint-Régeant se rend sur la place du Carrousel à la recherche d’un emplacement pour la machine infernale. L’idée est que l’un des comploteurs s’installera devant l’hôtel de Longueville (emplacement de la pyramide) pour guetter la sortie du cortège des Tuileries.
Le 24 décembre, Carbon et Limoëlan emmènent la charrette dans un immeuble abandonné près de la Porte Saint-Denis pour remplir le tonneau de poudre. Limoëlan traverse la place du Carrousel et rejoint son poste de guet. Saint-Régeant aperçoit une fillette de quatorze ans nommée Marianne Peusol. Il lui donne douze sous pour tenir la jument quelques minutes.
À 19 heures, la voiture de Bonaparte sort des Tuileries pour prendre la direction de l’Opéra, qui occupait alors la salle Montansier, rue de Richelieu, à l’emplacement de l’actuel square Louvois. Le véhicule est précédé par une escorte de cavaliers de la Garde consulaire. Le ministre de la guerre Berthier, Lannes et Lauriston, l’aide-de-camp de Bonaparte, sont du cortège. Un second carrosse emmène Joséphine et sa fille ainsi que Caroline.
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Au débouché dans la rue Saint-Honoré, Saint-Régeant allume la mèche et s’enfuit.
Une énorme explosion se fait entendre. La jeune fille qui tenait la jument est pulvérisée. Au total, l’attentat fait 22 morts et une centaine de blessés ; 46 maisons de la rue Saint-Nicaise sont détruites ou fortement endommagées.
Limoëlan a tardé à prévenir Saint-Régeant, grâce à quoi Bonaparte et ses proches sortent indemnes de l’attentat.
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L’enquête cible d’abord les Jacobins. Miraculeusement rescapé, Bonaparte est lui-même convaincu qu’il faut chercher les coupables dans ces milieux. Fouché, le ministre de la Police, pense au contraire que ce sont des Chouans les coupables. Mais Bonaparte veut purger la France de l’opposition jacobine ; il n’imagine pas que des royalistes soient responsables après toutes les concessions qu’il leur a accordées. Admettre un complot royaliste reviendrait à remettre en cause sa politique d’ouverture à droite. La répression frappe, touchant jusqu’à la veuve de Marat. Une liste de 133 proscrits est établie. Les vrais coupables sont rapidement identifiés mais il refuse la grâce. Bonaparte saisit l’occasion de décapiter l’opposition de gauche.
Le docile Sénat vote un sénatus-consulte qui certifie que l’action des Consuls « a préservé la constitution ». 130 infortunés sont condamnés à la déportation sans procès. Ils sont envoyés à Nantes, aux Seychelles, à l’île de Ré ou à Oléron et Cayenne.
L’autoritarisme du Premier Consul n’avait jamais été aussi implacable.
En étroite collaboration avec Fouché, Dubois, le préfet de police, fait rassembler les restes de la jument et de la charrette sur la scène de l’explosion. À partir de ces éléments, la police interroge tous les vendeurs de chevaux de la capitale. L’un d’eux donne la description de l’homme qui a acheté sa jument. Quinze jours après l’explosion, Carbon est identifié.
Malgré cela, sous la pression du Premier Consul, quatre Jacobins, les quatre « conspirateurs des poignards » sont déclarés coupables d’avoir comploté pour assassiner le Premier Consul et condamnés à mort. Le 10 janvier 1801, c’est au tour d’un autre Jacobin d’être exécuté, Chevalier, chimiste, accusé à tort d’avoir fabriqué la « machine infernale ».
Carbon, vigoureusement interrogé, donne les noms de ses complices, Limoëlan et Saint-Régeant. Le complot chouan est avéré. Cela ne change toujours rien à la volonté de purge de Bonaparte : Metge, Jacobin auteur de pamphlets est à son tour exécuté.
Saint-Régeant est arrêté le 21 janvier. Avec Carbon ils sont exécutés le 20 avril en place de Grève 1801 (30 germinal an X) ; ils sont revêtus de la chemise rouge des parricides. Limoëlan est parvenu à s’échapper aux États-Unis. Il a exprimé un sentiment de culpabilité au sujet de la mort de la jeune Peusol ; il sera ordonné prêtre en 1812.
Conséquences de l’événement : les partis jacobin et royaliste sont affaiblis, le nouveau régime en sort renforcé. Fouché, qui a osé contredire le Premier Consul, n’est plus ministre de la Police.
Mais les complots ne sont pas terminés. Une nouvelle conjuration royaliste est découverte à Paris en 1804, menée par Georges Cadoudal lui-même. Son arrestation sera l’occasion d’une fameuse poursuite rue Monsieur le Prince.
Source : Wikipedia