8 : 1795 : Eglise Saint-Roch - Le général Vendémiaire


Rude année que l’An IV (1795) pour la Convention : depuis un an, les Thermidoriens, les tombeurs de Robespierre, sont au pouvoir. Ils sont les représentants des profiteurs de la Révolution, ceux qui ont acheté les biens nationaux et spéculent sur les fournitures de l’armée. Ile tiennent la Convention et le Comité de Salut Public. Mais depuis le printemps, les sans culotte relèvent la tête. L’automne venu, la menace vient de la frange réactionnaire, en majorité royaliste, en particulier de la jeunesse dorée, les muscadins qui se promènent armés et bousculent violemment les porteurs de cocardes.

Ils espèrent profiter du renouvellement des conventionnels pour reprendre légalement le pouvoir. La pilule est amère lorsqu’ils apprennent que l’assemblée a décidé de se maintenir aux 2/3 ; la majorité républicaine est ainsi garantie.

Tenant plusieurs sections parisiennes de la garde nationale, en particulier la section Lepeletier, les monarchistes appellent à l'insurrection afin de forcer la Convention thermidorienne à révoquer les décrets avant les élections, prévues le 20 vendémiaire.

Le soir du 11 vendémiaire, sept sections se déclarent en insurrection. Le lendemain, le soulèvement compte environ 10.000 hommes armés. Le 13 (5 octobre 1795), la Convention charge Barras, alors commandant en chef de l’armée de l’Intérieur,  de la défense des Tuileries, siège de la Convention et du Comité de Salut Public.

De son côté, Bonaparte est rayé de la liste des généraux en activité par Cambacérès, le 15 septembre, en raison de ses compromissions avec le camp de Robespierre. Il a même fait quelques jours de prison et est retombé dans l’ombre  (cf. rue de l’Estrapade).

Apprenant la nomination de Barras, il se rend au Comité de Salut Public et propose ses services. Le jeune général expose sa stratégie : seule, l’artillerie pourra arrêter les émeutiers. Barras avait apprécié les talents du Corse lors du siège de Toulon, deux ans auparavant ; Bonaparte est nommé commandant en second.

Il donne l’ordre à Murat d’amener les pièces d’artillerie  du camp des Sablons afin de les placer dans toutes les rues qui conduisent aux Tuileries.

À 15 heures, la Convention est cernée par les sectionnaires insurgés, soit environ 25 000 hommes, répartis en deux colonnes venant du Pont-Neuf et de la rue Saint-Honoré. 

Barras donne l'ordre d'ouvrir le feu, Bonaparte commande aux canonniers de tirer. Ce dernier, artilleur de formation, a remarquablement placé ses canons. Il laisse la mitraille tirer pendant trois quarts d'heure, la canonnade est terrible.

De nombreux insurgés se trouvent bloqués en masse devant l’église Saint-Roch ; les canons, chargés à mitraille et placés à faible distance, font un carnage ; on estime entre 200 et 300 au moins le nombre de victimes jonchant les marches de l’église. (*)

C'est une victoire de la Convention et de la République, mais acquise par la force.

Trois semaines plus tard, un nouveau régime est institué, le Directoire, et Barras devient l’un des cinq Directeurs. Bonaparte devient le « général Vendémaire » ; c’est l’autre bénéficiaire de ce coup de force manqué. Six jours plus tard, il est nommé général de division et général en chef de l’armée de l’Intérieur. Quelques mois plus tard, il recevra le commandement de l'armée d'Italie.

(*) d’après Jean Tulard, plus qu’une canonnade gênée par la topographie des lieux, c’est la faiblesse de la défense des insurgés qui aurait permis la victoire.


Sources :

https://www.herodote.net/5_octobre_1795-evenement-17951005.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection_royaliste_du_13_vend%C3%A9miaire_an_IV

http://www.carnavalet.paris.fr/fr/collections/rebellion-royaliste-ecrasee-devant-saint-roch-par-les-troupes-commandees-par-bonaparte

Jean Tulard – Napoléon (Ed. Fayard)