3 : 1793 : Palais-Royal – le café Corazza - 7-12, Galerie de Montpensier
L’ex Palais Richelieu fut cédé par Louis XIV à son frère, Monsieur et devint ainsi le siège de la famille d’Orléans.
En 1781, le petit-fils du Régent, le futur Philippe-Egalité, soucieux de se renflouer, confie à l’architecte Victor Louis un projet de grande ampleur : entourer les jardins d’une ceinture de 60 pavillons à loyer, chacun de trois arcades, soit 180 arcades de plein-cintre. L’opération étant plus coûteuse que prévue, les pavillons furent mis en vente se fit sur la base de 50.000 livres l’arcade.
Soucieux de populariser l’endroit, le duc a l’idée astucieuse d’en interdire l’entrée à la police. Dès lors, les jardins du Palais-Royal deviennent l’épicentre de la vie parisienne. Les arcades abritent 120 boutiques dont de nombreux cafés et restaurants (concept né sous les arcades).
C’est le rendez-vous des artistes, des hommes et des femmes acquises aux idées nouvelles et, le soir venu, des prostituées qui se comptent par centaines.
Les jardins et les arcades connaissent nombre d’événements à la veille et pendant la Révolution : le 12 juillet 1789, Camille Desmoulins, monté sur une table, appelle la foule aux armes pour protester contre le renvoi de Necker.
Le 22 juillet suivant, la tête de Foulon est promenée dans les jardins ; il avait dit « si cette canaille n’a pas de pain, qu’on lui donne du foin ».
On y brûle le pape en effigie, une des attractions du cabinet des figures de cire de Cursius.
Le 20 janvier 1793, veille de l’exécution de Louis XVI, Lepelletier, ci-devant Le Pelletier de Saint-Fargeau, ex aristocrate qui a voté la mort du roi, est blessé à mort dans le café Février par un ancien garde du corps du roi.
Enfin, dans cette même galerie de Valois, une femme se présente le 13 juillet 1793 chez le coutelier Badin. C’est Charlotte Corday qui achète ici l’arme avec laquelle elle tuera Marat.
Les cafés sont nombreux autour des jardins : le café de Foy (une de ses tables servit d’estrade à Desmoulins), le Café des Aveugles (fréquenté par les sans-culotte), le café du Caveau (rendez-vous des Girondins), le Café Février (où Lepelletier fut mortellement blessé), le café de Chartres qui deviendra le célèbre Grand Véfour ou, encore, le café Corazza.
Le café Corazza
Créé en 1787, ce café était le quartier général des Jacobins, le rendez-vous des chefs de la Montagne, Collot d’Herbois, Barras ou Talma. Il est inévitable que le jeune Bonaparte, taxé d’ultra montagnard par Barras dans ces années-là et ami de Robespierre le Jeune, le fréquente. On disait que cet officier fauché « laissait en souffrance les mémoires de ses rafraîchissements que rendait nécessaires la chaleur de sa conversation ».
C’est également au jardin du Palais-Royal (devenu Palais-Egalité après septembre 1792) que Napoléon aurait perdu son pucelage, avec une Bretonne. Dans ses notes, pas d’autre mention que le prix de la prestation. Ce ne fut pas Waterloo mais ce ne fut peut-être pas Arcole.
En 1794, après la chute de Robespierre, les jardins et les cafés deviennent le pré-carré des muscadins, armés de cannes plombées.
Puis, après le coup d’Etat du 18 Brumaire, le palais devint le siège du Tribunat, l’une des deux assemblées du Consulat, le premier des Consuls étant Napoléon Bonaparte.