Le mur des Fermiers généraux

Principales sources : Wikipedia, Encyclopaedia Universalis


« Pour augmenter son numéraire

Et raccourcir notre horizon,

La Ferme a jugé nécessaire

De mettre Paris en prison. »


Depuis la fin de la Guerre de Cent Ans, les Parisiens sont exemptés de la taille, afin d’attirer de nouveaux habitants dans la capitale ravagée par la guerre.

En revanche, la royauté avait institué les aides, un impôt indirect sur la plupart des marchandises entrant dans Paris, qui avaient augmenté à mesure des besoins croissants du Trésor ; la plus détestée de ces taxes concernait le vin.

En 1784, sur une idée de Lavoisier, les fermiers généraux, voulant arrêter les progrès toujours croissants de la contrebande, obtiennent de Calonne, contrôleur général des finances, l’autorisation de dresser une enceinte autour de Paris ; 55 barrières sont mises en service entre 1784 et 1789.

Une enceinte de 24 kilomètres. Une forte muraille de pierre, haute de 3,30 mètres, dotée d’un chemin de ronde à l’intérieur et d’un large boulevard de 30 mètres à l’extérieur. Des postes de guet sont installés à tous les changements de direction et à tous les saillants du mur. Les travaux commencent du côté de l'Hôpital-Général (la Salpêtrière) et sont menés tambour battant.

En 1786, le mur méridional et ses 17 barrières sont terminés. L'opinion commence à s'émouvoir. 

1787, Loménie de Brienne succède à Calonne. Effrayé par les dépenses engagées, il veut faire démolir le mur et en vendre les matériaux, mais l’ouvrage est très avancé. Il fait arrêter les travaux alors que les 38 barrières nord sont en cours de construction. Ledoux doit remettre tous ses documents et est suspendu de ses fonctions. Quatre architectes sont chargés de faire un rapport ; les travaux reprennent selon de nouvelles dispositions sous la direction de Jacques Denis Antoine.

1788, Necker succède à Brienne et désavoue, lui aussi, l'entreprise.

Pourtant, l’enceinte douanière sera achevée, les entrées de Paris employant 655 agents.

« Le mur murant Paris rend Paris murmurant. »

Il est normalement interdit de construire dans les faubourgs mais, parce qu’on n’y paye pas de taxe sur le vin, la farine, la viande ou le poisson, les constructions vont s'y multiplier.

A la veille de la Révolution, le prix d’un muid de vin est multiplié par trois, rien qu’en franchissant la barrière d’octroi. Un verre de vin qui coûte 3,5 sols dans une guinguette de barrière coûte 12 à 15 sous intra-muros.

Ces pratiques fiscales vont inciter les audacieux à la contrebande. Les charrettes de foin sont assez pratiques pour cela, ou les voitures à double fond. Les contrebandiers sauront surtout tirer parti des nombreuses carrières creusées dans le sous-sol parisien et alentour. A Belleville, Ménilmontant, Passy ou Montrouge. 

Les barrières selon Louis-Sébastien Mercier

« Elles sont communément de sapin, et rarement de fer ; mais elles pourraient être d’or massif, si ce qu’elles rapportent avait été employé à les faire de ce métal.

Aux barrières, un commis en redingote, l’œil toujours ouvert, ne s’écartant jamais d’un pas, et qui verrait passer une souris, se présente à la portière de chaque équipage, l’ouvre subitement et dit : N’avez-vous rien contre les ordres du roi ? Il faut toujours répondre Voyez, et jamais autrement. Alors le commis monte, fait l’incommode visite, redescend et ferme la portière. On le maudit tout haut et tout bas, il ne s’embarrasse guère. Quand le commis trouve quelque chose de sujet aux droits et que vous n’avez pas déclaré, alors il dresse procès-verbal, vous fait payer une amende, car il représente pour la ferme.

Il n’y pas de voiture exempte de cette investigation ; on laisse seulement passer celles des princes et des ministres. Les fermiers généraux se sont assujettis eux-mêmes à la visite.

Si votre poche est gonflée, le commis la tâte. Certains jours arrivent les bœufs qui bouchent le passage pendant plus de deux heures ; il faut leur céder le pas ; on ferme la grande porte pour faire passer les animaux un par un par la petite porte ; le commis les compte. »

Suppression de l’octroi

Sur les cahiers de doléances des Parisiens pour les Etats Généraux de mai 1789, la suppression du mur fiscal est la première récrimination.

Le 23 mai 1789, Claude-Nicolas Ledoux est définitivement révoqué. 

Le 12 juillet 1789, quarante barrières d’octroi sont prises, certaines sont incendiées, les émeutiers percent de nombreuses brèches dans le mur.

L’Assemblée constituante supprime les octrois par la loi des 19 et 25 février 1791. L’entrée dans Paris est libre le 1er mai 1791 ; scènes de liesse aux barrières.

En 1794, Ledoux, identifié comme agent du despotisme depuis l'affaire des barrières, est écroué à la prison de la Force. Il échappe de peu à la guillotine.

Barrière des Champs-Elysées le Premier mai 1791


Remise en place de l’octroi

Le Directoire rétablit l’octroi par la loi du 26 germinal an V (16 avril 1797), loi confirmée par celle du 24 avril 1806 ; Napoléon a besoin de financer ses expéditions militaires.

En 1818, le village d'Austerlitz, le mur et deux barrières sont déplacés.

Des barrières sont de nouveau attaquées et incendiées au cours des émeutes de juillet 1830 et 1848.

Démolition

En 1840, Thiers fait construire une enceinte militaire autour de Paris englobant tout ou partie de 23 communes de la banlieue, les fameuses fortifs.

A la demande de Napoléon III, la loi du 16 juin 1859 prévoit que les "Faubourgs de Paris" situés entre l'ancienne enceinte (mur des fermiers généraux) et "l'enceinte de Thiers" soient annexés à Paris. Le 1er janvier 1860, l’annexion est effective. Le mur des Fermiers généraux qui n’a plus de raison d’être est démoli ainsi que le plupart des barrières. Il n’en reste plus que quatre aujourd’hui.