27 : Barrière de Monceau
Place Prosper Goubaux, à la jonction des boulevards de Courcelles et des Batignolles.
Une barrière qui a connu diverses orthographes : les Monceaux, Mousseaux, les Mouceaux, Mouceau. Et un autre non, barrière de la Petite Pologne.
Barrière de Monceau par Palaiseau 1819 (gallica.bnf.fr)
La place Prosper-Goubaux est contemporaine de la barrière.
Le cimetière des Errancis
La partie nord de la rue du Rocher s’appelait rue des Errancis, les « estropiés », du nom d’un lieu-dit.
C’est ce nom que les Parisiens utilisèrent pour nommer un cimetière de sinistre mémoire.
Adossé au mur des Fermiers-Généraux dans sa partie intérieure, d’une surface d’un arpent (environ 4.000 m2), il avait été aménagé sur un terrain consacré jusqu’alors à la voirie, aux épandages d’ordures et de vidanges et des restes des équarrissages.
Il accueillit les corps des personnes décapitées place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) entre le 25 mars 1974, date de la fermeture du cimetière de la Madeleine, et le 9 juin de la même année.
La Commune de Paris y ouvrit de larges fosses communes pour accueillir 943 dépouilles.
Les tombereaux peints en rouge qui faisaient office de corbillard empruntaient l’actuelle rue Boissy-d’Anglas et la rue du Rocher jusqu’à la barrière de Monceau.
Une fois la porte du cimetière franchie, la charrette était vidée, les corps dénudés. Les hardes étaient d’abord considérées comme le butin du bourreau et de ses aides ; elles furent, à partir de fin 93, remises à l’administration des hôpitaux. Les corps étaient jetés et les têtes lancées comme des boules pour remplir les trous.
Furent inhumés ici Hébert et les hébertistes, Danton, Fabre d’Eglantine, Camille Desmoulins et les dantonistes, Lucile Desmoulins, Lechapelier, Malesherbes, l’amiral d’Estaing, Lavoisier, Madame Elisabeth.
Quelques mois plus tard, Robespierre, Saint-Just, Couthon et les robespierristes les rejoignirent. Et, enfin, en mai 1795, Fouquier-Tinville, l’accusateur public devant qui avait comparu la grande majorité de ceux qui l’avaient précédé ici.
Le cimetière fut fermé en avril 1797 et un bal s’installa à son emplacement.
Antoine Laurent Lavoisier, fermier général, né à Paris le 16 août 1743,jugé le 16 floréal an 2 / Lavoisier arrêté dans son laboratoire, par le Comité révolutionnaire / Duplessi Bertaux aqua forti
(gallica.bnf.fr)
Antoine-Laurent Lavoisier, né à Paris en 1743, est un pur produit du siècle des Lumières, touche-à-tout de génie qui a à son actif la découverte de l’oxydation, des composants de l’air (c’est l’inventeur du mot oxygène), la démonstration du principe de la conservation de la matière et que la respiration est une combustion. Oppose la photosynthèse à la fermentation.
Mais il apporte sa contribution aux grandes affaires de son temps : l’hygiène, l’amélioration de la productivité des manufactures, en particulier la fabrication de la poudre, l’importation du tabac de Virginie, l’instruction publique ou le système monétaire.
Mais c’est pour sa charge de Fermier général qu’il sera inculpé en mai 1794.
A 26 ans, il a acheté cette charge et est entré au conseil d’administration de la compagnie (il épousera par ailleurs la fille d’un autre fermier général).
Il est affecté à la perception des impôts à l’octroi de Paris. Dans le cadre de ces fonctions, il va disposer d’une balance d’une très grande précision utilisée pour la détection des fraudes. Une balance qui lui permettra de pousser ses travaux sur la chimie des gaz !
Mais c’est aussi lui qui souffle au Contrôleur Calonne l’idée de construire un mur fiscal autour de Paris et qui suggère le nom de Ledoux pour la construction des barrières.
Arrive la Révolution. Il est chargé de réformer le système de perception des impôts quand la Terreur éclate.
Il est dénoncé aux autorités révolutionnaires avec les vingt-sept autres fermiers généraux (par un ancien employé de la ferme). Il est incarcéré avec son beau-père et accusé d'avoir spéculé contre l'intérêt des citoyens.
Le président du tribunal est Coffhinal, un enragé peu sensible à l’esprit de justice.
Les fermiers généraux sont mis en accusation avec un réquisitoire qui repose sur 8 chefs d'accusation : avoir pris des intérêts à 10 et 6 % au lieu de 4%, avoir introduit de l'eau dans le tabac, avoir abusivement augmenté le prix du tabac râpé, s'être partagé des fonds qui devaient revenir au trésor, etc.
Lavoisier est condamné cinq mois après son arrestation, le 8 mai 1794, en même temps que 27 autres anciens fermiers généraux sur les 40 inculpés.
Lavoisier a demandé un sursis pour pouvoir achever une expérience. C’est alors que Coffinhal a eu cette fameuse réponse : « La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu. ».
Ouvert à 11 heures le procès est clos vers 15 heures et les fermiers exécutés à partir de 17 heures.
Le corps, dépouillé, de Lavoisier est empilé dans la fosse commune des Errancis.