Maison des Jardies 14, avenue Gambetta, Sèvres (1838-1840)
En 1838, Honoré de Balzac quitte Chaillot et la rue des Batailles pour se mettre au vert. Caché sous un prête-nom, il fait l’acquisition d’une maison dite des Jardies. Il a été éditeur, imprimeur, fondeur, directeur de journal, il se voit maintenant exploitant agricole !
Malgré les lourdes dettes qu’il a accumulées, il se lance dans de nouvelles dépenses : acquisition de terrains supplémentaires, construction « de murs, qui devinrent fameux par leur obstination à s’écrouler ou à glisser tout d’une pièce sur l’escarpement trop abrupt » (Théophile Gautier). Il veut acheter des vaches laitières, se lancer dans la vigne, cultiver des légumes. Balzac est à nouveau pris de la folie des grandeurs.
Et il est question d’ananas ! Episode fameux rappelé par Théophile Gautier : « Voici le projet : cent mille pieds d’ananas étaient plantés dans le clos des Jardies, métamorphosé en serres qui n’exigeraient qu’un médiocre chauffage, vu la torridité du site. Les ananas devaient être vendus cinq francs au lieu d’un louis qu’il coûtent ordinairement, soit cinq cent mille francs ; il fallait déduire de ce prix cent mille francs pour les frais de culture, de châssis, de charbon ; restaient donc quatre cent mille francs nets, qui constituaient à l’heureux propriétaire une rente splendide […] le beau est que nous cherchâmes ensemble, sur le boulevard Montmartre, une boutique pour la vente des ananas encore en germe. La boutique devait être peinte en noir et rechampie de filets d’or, et porter sur son enseigne en lettres énormes ANANAS DES JARDIES. II se rendit pourtant à notre conseil, de ne louer sa boutique que l’année suivante, pour éviter des frais inutiles. »
L’utopie agricole est abandonnée, le domaine mis en vente par adjudication. Il avait coûté cent mille francs. Les dettes sont énormes. Cette fois-ci, il a embarqué le couple Guidoboni-Visconti dans la tourmente, c’est-à-dire sa maîtresse et le mari de celle-ci ! Balzac est aux abois, il en est réduit aux extrémités, ainsi il « demande à son amie Zulma Carraud si elle ne connaîtrait pas une jeune fille à marier, avec une dot de deux ou trois cent mille francs » (François Taillandier – Balzac).
Mais Balzac n’est pas abattu pour autant, il déborde d’activité pendant ces deux années : il adhère à la toute nouvelle société des gens de lettres, en devient président l’année suivante ; il se lance aussi dans la défense du notaire Peytel, accusé du meurtre de son épouse, nouvel échec, le notaire est guillotiné, ce ne sera pas son affaire Calas.
Pour couronner l’année 1840, il fonde une nouvelle publication, la Revue parisienne, qui ne durera que quelques mois.